AFTM, le grand jeu des chaises musicales

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C’est une Assemblée générale cruciale pour l'Association Française des Travel Managers qui se déroulera le 13 juin prochain. L’enjeu est de taille : donner à l’AFTM les moyens de développer une vision moderne du travel management. A l’heure de la "macronisation" de la vie politique, où bousculer le passé est devenu la règle, l’Association doit désormais changer profondément et basculer dans le futur pour dépasser les passions, le copinage et le para commercialisme qui sont encore aujourd’hui très présents au sein de la structure.

Une association, c’est un peu comme une boule à facette dans une boite de nuit. Selon l’endroit où l’on se place, la lumière n’est jamais la même et la musique ne plait pas forcément à tout le monde. L’AFTM n’échappe pas à la règle. Le mélange d’intérêts divergents entre les puristes de la profession, les suiveurs et les traqueurs d’emplois conduit à des approches diamétralement opposées de ce que doit être l'Association.

Là où on attendait aussi du politique, l’AFTM a surtout fait du business… Pour le plus grand bonheur des sponsors. Il est vrai que depuis la reconnaissance du métier de TM par l'APEC, peu de dossiers ont réellement avancé. En fait, aucune nouveauté n'est venue appuyer cette première réussite. Même regard côté formation. Estelle Camusard en charge de la commission adhoc qui expliquait dans une lettre de l'AFTM que "Jamais l'association ne formerait les fournisseurs" a du faire marche arrière. Désormais, l'AFTM leur propose un cursus. Business encore.

Pour les fournisseurs justement, la capacité de l’AFTM à organiser leurs conférences commerciales, via des "Ateliers des connaissances" est devenu un atout. D’autant qu’avec plus de 160 évènements annuels, les entreprises du domaine avaient du mal à remplir les petits déjeuners et autres meetings marketing. L’AFTM réussit tant bien que mal à regrouper régulièrement de 20 à 40 acheteurs pour ces ateliers même si, selon les fournisseurs, "on voit souvent les mêmes". Sur la cinquantaine de réunions annuels qu’organise l’association, les deux tiers sont des retours commerciaux assumés par les sponsors eux-mêmes. Plusieurs candidats le regrettent mais comprennent le besoin de financement. Une quadrature du cercle complexe à gérer.

Pour se positionner plus largement dans les métiers du voyage d’affaires, l’association veut également changer de nom mais pas d’acronyme. AFTM deviendra officiellement Association Française du Travel Management. Et pour cause: sur les 14 candidats, seuls 4 ont effectivement le titre de TM, les autres fonctions sont assez disparates même si tous, sauf une, sont directement liées au voyage d’affaires.

Un seul candidat ne fait pas l’unanimité au CA, d’autres sont montrés du doigt

"L’AFTM ne saurait être un simple repaire de retraités ou de spécialistes des achats éloignés du voyage d’affaires", résume en quelques mots un candidat aux prochaines élection du Conseil d’administration qui regrette que des clans d’intérêts se soient créées au sein de l’AFTM. Pour la première fois, il y aura plus de candidats que de sortants. L’échéance est donc de taille.

Lors du dernier CA, très animé selon nos sources, la préparation de l’AG ne s’est pas faite sans grincements de dents. Certains ont ainsi demandé que la mention "retraité" soit accolée à deux postulants, Michel Dieleman et Sonya Basmadjian. En d'autres temps, certains retraités (comme Jean Pierre Drioux - Axa France) avaient été purement et simplement invités à quitter les lieux puisqu'ils n'étaient plus en activité... Mais le Président actuel n'était pas encore concerné. Ambiance.

Autre sujet polémique, une déclaration du CA face à la candidature de Jérôme Drevon Bareaux : "Conformément aux dispositions de l’article 7.1 du Règlement Intérieur, le Conseil d’Administration a émis un avis défavorable (ndlr : de sa candidature) à l’attention de l’Assemblée Générale". Explication : la fonction actuelle du candidat ne serait pas en adéquation avec le règlement intérieur associatif. Tout est dit en quelques mots.

Côté fournisseurs, ces précisions du CA ne passent pas mal au contraire, elles sont souvent considérées comme une bonne chose. Un gage de transparence, très à la mode, jugé bienvenue. "Il faut éviter que l’association devienne le terrain de jeu de toutes les ambitions", explique ainsi un géant du domaine, lassé d'être approché pour un emploi à chacune de ces sorties.

D’autant qu’avec près de 475 000 euros de budget (pour une perte légère d’un peu plus de 2.300 € en 2016), l’association dispose de moyens conséquents même si la création des délégations régionales ou celle implantée en Suisse demandent de solides investissements. Il faut aussi éviter les vagues chez les fournisseurs !

Repenser la Présidence ?

Pour les « retraités » qui postulent, la bataille n’est pas gagnée même si la disponibilité du statut est attractive. Michel Dieleman, qui veut rester à la présidence de l’AFTM, souligne qu’il "faut du temps et des connaissances pour faire avancer les dossiers". Il en a et, quel que soit le regard porté sur l’actuel Président, nul ne peut contester qu’il a été le maître d’œuvre de l’association, son fer de lance et l'un de ses fondateurs. Son image est excellente au sein des institutions du voyage. "Oui mais il faut éviter le combat de trop", assène un nouveau candidat qui "ne veut pas d’égo surdimensionné là où la solidarité de tous doit faire avancer des dossiers plus politiques qu’économiques". Et d’ajouter, "il y a de jeunes pousses qui, en province, portent l’association et seraient parfaitement capables de la défendre à Paris". Il est vrai que l’AFTM manque de PME/PMI ou d’assistantes souvent très impliquées pourtant dans les achats de voyage. "Il est dommage que Claude Lelièvre, l'actuel premier vice Président, ne puisse pas reprendre le flambeau car sa vision de l'avenir du travel manager est séduisante", remarque aussi un membre du CA qui serait attiré par "un Président intégré au sein d'une grande entreprise du CAC 40 et capable de faire la part des choses, que ce soit en management comme en technologie".

Enfin, et ce sera sans doute la mission du prochain CA, Il manque une stratégie globale autour du voyageur d’affaires. Un dossier comme Parafe, souvent bloqué pour des raisons politiques et syndicales, devrait être portés par l’institution. Les négociations sur le "corporate pre check" n’existent pas avec les USA et l’absence de dialogue avec les conseillers économiques des pays où la France est présente est pénalisante. Des dossiers "politiques", il n'en manque pas.

Dernier volet, la refonte attendue des règles déontologiques dans les achats, pourtant portée en Allemagne ou en Grande Bretagne, ne semble pas motiver l’AFTM, membre de l’Enact. D’ailleurs cette structure, European Network of Associations for Corporate Travel (ENACT) créée en mars 2014 vivote plus qu’elle n’existe. Pas de bataille gagnée, pas de grands projets dévoilés. Pas plus de rapports d’activité communiqués à la presse et aucune représentation visible dans les instances européennes. Un coup pour rien.

Il y a d'autres sujets stratégiques sur la table : que deviendra l’accord avec ACTE dont la concrétisation se limite à une ou deux conférences parisiennes et qui avait, il y a quelques mois, demandé à l’AFTM (sans l'obtenir) de payer la cotisation de ses adhérents ? Acte est aujourd’hui en forte perte de vitesse aux USA, bousculé par une GBTA présente sur tous les fronts. Dans quelques jours, elle organise à Paris une réunion dont le contenu reste assez faible. Du déjà vu.

Enfin, que fera Thibault Barat, le délégué général, souvent montré du doigt par une partie du CA et pourtant artisan incontesté de la réussite de l’AFTM ? Pour beaucoup de nouveaux candidats, il reste le fer de lance du développement. Les fournisseurs apprécient son efficacité. A son poste de délégué opérationnel, il est à l’origine de la création des délégations régionales. Son omniprésence fait grincer des dents certains membres du CA qui, au quotidien, sont rarement présents pour donner un coup de main. C’est la vie associative avec toutes ses contradictions. Seule certitude, si le bureau à venir devait remettre en cause le travail réalisé, il partira vers de nouvelles aventures. L'AFTM aurait alors beaucoup à perdre.

Peut-on faire du neuf avec du vieux ? Quoiqu’il en soit onze postes sont à pourvoir. Il y a aura donc des figures connues au prochain CA. Que fera cette nouvelle instance ? Votera t-elle comme un seul homme pour l’ancien président ? Verra-t-on une liste concurrente se présenter à cette Présidence ? Quels sont les projets politiques des postulants ? Tout cela sera connu le 13 au soir. Seule ombre au tableau : aucun programme, ni projet n’a été présenté par les candidats. Pas plus par l’ancien président que par ceux qui briguent sa place. A croire que cette élection passera comme une lettre à la poste pour l’équipe sortante. Pas si sûr pourtant !

Marcel Lévy

(Note de l'éditeur: Marcel Lévy a été avec Marc Dumas parmi les membres fondateurs de l'AFTM)
Les candidats sont (par ordre alphabétique) :

• Sonya BASMADJIAN, ex-acheteur Corporate - MICE, Travel & Rail TOTAL, retraitée
• Jérôme BONNEPART, Category manager / Travel Manager, ARKEMA
• Abdelaziz BOUGJA, Chargé de missions, VEOLIA
• Estelle CAMUSARD, Acheteur Voyages & Evénementiel, Groupe ADP
• Christophe CHAMBON, Délégué Régional, IRD
• Florence COUVIDA, Chargée de mission déploiement de l’offre déplacements professionnels, UGAP
• Michel DIELEMAN, ex-Directeur du Travel Management d’Orange, retraité
• Jérôme DREVON-BARREAUX, Group Purchasing Manager, NEXANS - Conformément aux dispositions de l’article 7.1 du Règlement Intérieur, le Conseil d’Administration a émis un avis défavorable à l’attention de l’Assemblée Générale
• Bernard HERAULT, Travel Manager, ORANGE
• Lucien ISNARD, Pilote de Politiques achat Déplacements et Véhicules, EDF
• Christophe LEGER, Manager des Services Généraux, ORANGE
• Claude LELIÈVRE, Travel & mobility manager, TechnipFMC
• Yvan MARX, Finance Control Specialist, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
• Michel RONCKA, Travel Manager, RTE