Air France, Etihad, la logique d’un rapprochement

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Faut-il voir dans la méthode d'Alexandre de Juniac, qui n'était pas le candidat de Jean Cyril Spinetta à la tête d'Air France, une sorte de prise d'indépendance, bousculant les idées défendues pendant des années par le PDG du groupe Air France/KLM ?. A en croire les premiers commentaires sur le possible rapprochement d'AF et d'Etihad, l'idée d'une collaboration serait loin d'être ridicule. Sans doute faut-il y voir les prémices des grandes manoeuvres aériennes évoquées voici quelques mois par notre chroniqueur aérien Jean-Louis Baroux.

Le rapprochement de la compagnie française avec celle du Golfe n'est pas une annonce exceptionnelle : Air France multiplie les accords de code share pour réduire ses coûts. Mais avec une compagnie du Golfe, c'est une première et un tel accord s'oppose à la vision défendue depuis des années par Jean-Cyril Spinetta, qui reproche aux compagnies de 6ème liberté de ne pas jouer à armes égales avec les autres compétiteurs. Cela donne donc à ce partage de codes un relief particulier. Il reste qu'Etihad multiplie ce type d'accords ces derniers temps, et va ainsi dans le sens général de l'industrie. En pleine période de crise économique dans ce secteur, les mouvements se multiplient : privatisation de TAP, arrivée des capitaux chinois dans Aigle Azur, prise de participation d'Etihad dans Air Berlin, à l'évidence, le monde du transport aérien devrait se resserrer ces deux prochaines années. Et tous les transporteurs font face à la même équation difficile : comment garder des revenus sur le long courrier sans trop en perdre sur le moyen courrier et le domestique ? En ouvrant des lignes à l'international ? Certainement pas, la période n'est pas assez faste. En regroupant ses moyens et en vivant de la commercialisation des billets ? Pourquoi pas semblent dire les experts, qui s'interrogent cependant sur les avantages d'une grande mutualisation des moyens. Car au delà du simple code share, première étape d'un partenariat, c'est tout l'équilibre des compagnies qui risque d'être bousculé. D'autant que le partage de codes est un peu un escroquerie : on fait assurer à une autre compagnie la promesse marketing que l'on a fait à ses clients. En brouillant les pistes, on augmente son offre mais sans garantir la qualité d'un voyage. De fait, la solution est peut être celle du regroupement qui est développée par British, Iberia et American Airlines ou par la TAM et LAN. Des exemples logiques de ce type on pourrait en imaginer des dizaines... Il reste à savoir si c'est pour le plus grand bien du voyageur.

Hélène Retout