Air France au pied du mur

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La douche froide était annoncée, la direction de la compagnie avait depuis quelque temps laissé filtrer que les résultats ne seraient pas bons, histoire de désarmer les analystes alarmistes qui auraient pu se faire jour ici ou là. Eh bien on n’a pas été déçus. Le groupe Air France KLM a présenté l’un des pires résultats de son histoire avec une perte de 1,192 milliards d’euros ce qui représente tout de même une détérioration de 383 millions d’euros par rapport à l’exercice 2011, qui avait déjà été qualifié de très mauvais. Le cours de l’action a d’ailleurs plongé vendredi de 6,69 %. Les chiffres donnent le vertige, pour mieux les appréhender il faut les ramener à des niveaux compréhensibles. La perte est donc de 3,265 millions € par jour ou de 136 000 € de l’heure ou encore de 2 268 € la minute, nuit et jour, dimanche et semaine.

Air France au pied du mur
Alors on cherche des motifs de satisfaction et les dirigeants pointent l’amélioration du résultat d’exploitation qui passe de -353 millions € en 2011 à -300 millions € en 2012. Cela reste encore à des niveaux terribles. Alors on explique également que le résultat est plombé par les coûts de restructuration, entendez par là les sommes qu’il faut provisionner dans le cas du Plan de Départs Volontaires, le fameux PVD très identifié dans l’entreprise. Cette provision est de 471 millions € pour 5 100 départs volontaires si j’ai bien compris. Cela consiste à payer pour chaque personne qui voudra bien accepter de quitter l’entreprise, une somme de plus de 92.000 €. Heureux employés d’une telle entreprise.

Et quand bien même on neutraliserait cette provision, la perte resterait à 721 millions € soit près de 1 400 € la minute. On me dira qu’il est mesquin de faire de tels calculs, que ce n’est pas bien de pointer du doigt les mauvais résultats de notre transporteur national et que je ferais mieux de souligner les réussites. Pour tout dire, je ne demanderais que cela, mais pour le moment, on ne les voit pas. Hormis la maintenance qui a gagné 145 millions € et Servair qui a dégagé un résultat positif de 6 millions €, tout le reste est en perte. Pour la première fois, le Groupe Air France/KLM publie les résultats de Transavia : presque à l’équilibre (perte de 1 million €), mais pas ceux de Régional et de Britair, sociétés qui pourtant sont à la base de la nouvelle compagnie HOP qui sera lancée dans un peu plus d’un mois.

Et, bien entendu, nous avons droit aux mêmes explications de la part des dirigeants : la conjoncture est mauvaise et ce satané pétrole continue à monter. Voilà la cause de tous nos maux. Mais enfin, c’est le cas pour tous les autres transporteurs et cela n’a pas empêché Lufthansa de dégager un bénéfice important.

Les responsables du Groupe Air France/KLM ne sont pas stupides. Ils ont depuis longtemps fait la bonne analyse : un produit mal positionné et trop, beaucoup trop de personnel. En fait les ratios parlent d’eux-mêmes : pour atteindre la même productivité que KLM par salarié, Air France devrait se séparer de 13 000 personnes. Seulement ce chiffre fait peur à tout le monde. Et personne ne sait comment prendre le problème. Le spectre d’une grève dure, comme cela va être le cas chez Iberia, paralyse toutes les initiatives. Et, par conséquent on se contente de demi-mesures.

C’est ainsi qu’au lieu de fusionner les compagnies régionales Britair, Régional et Airlinair, on garde chaque entité où les salariés bénéficient de leurs privilèges propres, et on crée 4 sociétés là où il n’y en avait que 3 et on confie une grande partie de la commercialisation à Air France dont les responsables commerciaux ont largement autre chose à faire pour sauver leur entreprise. Comment veut-on réussir un tel challenge en trainant un tel boulet même si, par ailleurs, on sent une réelle volonté de renouvellement ? Comment HOP pourra-t-elle se battre à armes égales avec ses redoutables concurrents que sont les vrais low costs EasyJet et Volotea ?

La recette moyenne d’Air France s’est améliorée passant de 8.24 cts d’€ à 8.60 cts d’€ par passager kilomètre transporté. Le coefficient de remplissage a encore augmenté à 83,1%, mais dans le même temps, en dépit du gel des salaires et du non remplacement des départs, la masse salariale a augmenté de 2,7 %, ce qui correspond tout de même à 200 millions € supplémentaires.

Trop peu, trop timide, voilà ce qui ressort de l’analyse des résultats. Le Plan Transfrom est dit-on en cours et sa mise en place se fait comme prévu. Espérons simplement que ce ne sera pas trop tard.

Jean-Louis BAROUX