Air France: les 5 paris à gagner dès 2015

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Voilà donc Air France en ordre de bataille. La montée en gamme de la classe Affaires et de la Première s'est faite au printemps dernier, la gestion du court courrier a été confiée à Lionel Guérin sous la marque Hop!–Air France, et le moyen-courrier au départ de Roissy est désormais sur les rails. La vision low cost avec Transavia semble enfin claire, même si les accords avec les pilotes restent encore à trouver. L'horizon est-il pour autant dégagé?

Comme on pouvait s'y attendre, les efforts annoncés par Air France sur le moyen-courrier ont été rapidement salués par la Bourse de Paris avec un léger frémissement sur l'action de la compagnie française. Mais les paris que vient de prendre Air France sont loin d'être faciles à gagner. D'autant plus que la concurrence internationale se fait de plus en plus pressante et que le poids des compagnies du Golfe se fait sentir quotidiennement dans l'univers du transport aérien. Air France connaît bien tous ces paramètres et sait que, faute d'obtenir une diminution sensible de ses coûts d'exploitation, elle devra activer un levier marketing surpuissant pour atteindre ses objectifs. Grevée par une situation sociale souvent complexe, la compagnie va sans aucun doute profiter du réalisme des salariés qui savent parfaitement que l'époque est encore et toujours aux économies plus qu'à la revendication. D'autant plus que certains pilotes, en privé, ne cachent pas leur agacement face aux nouvelles exigences du SNPL. Avec un peu de doigté, Alexandre de Juniac doit pouvoir maintenir un équilibre social et économique nécessaire ces prochaines années pour atteindre les objectifs de Perform 2020. Mais au-delà, ce sont cinq paris qui s'engagent. Cinq points complexes à traiter et qui assureront le succès ou signeront l'échec de l'opération engagée depuis Perform 2015.
 

Réussir la bataille des prix

Ce sera sans aucun doute le point le plus complexe à gérer. Air France a parfaitement conscience que le prix moyen de ses billets est largement au-delà de celui proposé par les compagnies low cost voire même par ses concurrents européens directs. La différence est criante sur le court et moyen-courrier mais se fait moins pressante à l'international en raison du nombre de vols directs offerts par la compagnie française et ce, sur l'ensemble des continents. Mais à une époque où le prix pilote les choix, Air France n'a pas d'autres solutions que de se battre à armes quasi égales avec la concurrence. On le voit bien sur des lignes largement couvertes par les compagnies du Golfe et où les atres régulières se retirent : Kuala Lumpur abandonné par British Airways, Bombay par Delta…La liste des villes qui a vu Emirates ou Qatar Airways  prendre le dessus sur les compagnies européennes ne fait que s'agrandir de mois en mois. Face cette pression, le prix est une arme. Mais attention, pas pour perdre de l'argent mais pour gagner des clients.
 

Engager la bataille de la concurrence

Ce n'est pas la bataille la plus compliquée sur le papier mais c'est celle qui demande le plus d'attention de la part d'Air France. Si la compagnie française peut se prévaloir de beaux résultats au départ de Paris Charles De Gaulle, en raison des vols directs et des horaires adaptés à la destination, les départs de province ne lui sont pas aussi favorables que ce qu'elle veut bien dire. Si le hub de Roissy est désormais parfaitement rodé, la présence des compagnies étrangères est une épine dans le pied d'AF. D'autant qu'à partir du moment où une escale est nécessaire au déplacement, qu'elle se fasse à Francfort pour l'Asie ou à Londres pour le continent nord-américain, qu'importe ! Les voyageurs sont satisfaits si le rapport qualité-prix est bon, la connexion efficace et si l'offre de fidélité est correcte. C'est tout le travail de British ou de Lufthansa que ce soit à Nice, Brdeaux ou Lyon.
Mais au-delà, pour être les meilleurs, il faudra gérer la problématique des escales. Celles où le nombre de salariés est trop élevé. AF aura-t-elle le courage, comme la fait Lufthansa, d'externaliser ses services au sol ? Certainement pas pour l'instant. Mais ces escales pourraient bien plomber les coûts et freiner le développement des promotions tarifaires. Et dans ce domaine concurrentiel, British Airways, Lufthansa, Emirates ou Qatar sont meilleures qu'AF !
 

Remporter la bataille des services

On peut grossir la taille des croissants, améliorer le vin à bord ou repenser la gastronomie à 30 000 pieds, les principales demandes des voyageurs ne sont pas forcément celles imaginées par Air France. Sur le plan de l'information en temps réel, AF a gagné la bataille. Tout comme en matière de services au sol, même si tous les salons d'Orly ou Roissy ne sont pas à la hauteur.
S'il est toujours préférable pour lui de disposer d'un vrai lit plat lorsqu'il est en business, de bien se restaurer et de consulter, dans sa langue, un programme de divertissement étendu, un voyageur d'affaires ne se déplace pas pour le plaisir. Il travaille. Et l'une des premières compensations qu'il attend réside dans l'accueil au sol ou le programme de fidélisation qui lui permettra de justifier auprès de sa famille les innombrables déplacements qu'il effectue dans l'année. Or, depuis quelques années, la politique de Miles est bousculée sans qu'aucune stratégie claire n'apparaisse. Pire, le programme Flying Blue déçoit tant il est complexe d'obtenir des billets "primes". Il est vrai que distribuer gratuitement des voyages ne plait pas forcément à la compagnie qui utilise pourtant la fidélisation pour remplir ses classes avant. Air France le sait et se prépare à aménager son programme de fidélité pour le rendre plus attractif et plus compétitif. C'est l'un des enjeux de 2015.
 

Gagner la bataille des destinations

Réactivité, voilà le maître mot du transport aérien en 2015 ! Ne pas tergiverser mais oser. Oublier les lenteurs du système et ne pas demeurer figé dans un attentisme dangereux. Des travers qu'Air France a bien connus dans le passé. Réagir, c'est être capable d'entendre les besoins du client. S'adapter au comportementalisme et savoir ouvrir ou fermer des lignes quand le besoin s'en fait sentir. Ce qui peut paraître évident aux entreprises de petite ou moyenne taille ne l'est pas forcément chez Air France où le poids des process reste encore assez lourd. Pourtant cette bataille, Alexandre de Juniac l'a engagée avec Transavia. Aller vite et bien là où les marchés attendent des prix et peu de services. Une vision moderne que veut partager Lionel Guérin avec Hop!. Réagir au marché, c'est se garantir la prime au premier. Les leaders gagnent sur tous les tableaux: l'image globale de l'entreprise et les revenus immédiats. Une méthode chère à Michael O'Leary. Autant copier ce qui marche.
 

Emporter la bataille du Corporate

Inutile de se voiler la face, les entreprises, lorsqu'elles n'y sont pas obligées par leur taille ou les relations croisées qu'elles entretiennent avec Air France, ne sont pas forcément accros aux offres Corporate d'Air France. Si la pression de ces dernières années en matière de seuils exigés par la compagnie française s'est estompée, le prix, une fois de plus, revient à la une de l'actualité et les négociations entre les ETI (établissements de taille intermédiaire) sont plus complexes qu'avant. Pour les séduire, Air France devra mettre en place des offres marketing plus structurées que celles qui existent aujourd'hui. Elle aura aussi à proposer une vision tarifaire contractuelle qui pourrait être basée sur des marges arrières aujourd'hui réservées aux seules très grandes sociétés. Cette nouvelle approche, que Patrick Alexandre - le Directeur général adjoint Commercial Passage - trouvait envisageable en juin dernier lors de la présentation d'Air France à New York, pourrait être le premier maillon d'une relation Corporate qui a aujourd'hui besoin de se renouveler. Trouver l'appui de l'entreprise, satisfaire le voyageur d'affaires et répondre aux attentes des deux, voilà l'ambitieux pari qu'il faudra gagner ces prochains mois.