Airbnb et Uber à l’assaut du tourisme d’affaires

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Le nombre de voyages d’affaires est en hausse, et les acteurs de l’économie collaborative parviennent de plus en plus à se tailler une place dans ce marché lucratif. Les Airbnb et Uber de ce monde n’ont pas fini de déranger… Une nouvelle analyse du réseau québécois "Veille en tourisme" sous la plume de Claudine Barry

Les plateformes de location d’appartements ou de maisons entre particuliers comme Airbnb, les services de taxi et de covoiturage tels que Uber et Lyft, la location de voitures entre particuliers à l’aéroport comme Flightcar, l’achat d’un siège sur un jet privé avec Freshjets, la réservation d’un espace de travail partagé sur Liquidspace ; voilà quelques exemples d’acteurs de l’économie collaborative qui s’ajoutent à l’offre traditionnelle pour les voyageurs d’affaires.
 

Un pied dans la porte… ou les deux!

Selon la direction d’Airbnb, environ 10 % de leur clientèle utilise cette forme d’hébergement lors de leurs voyages d’affaires. Pour mieux se positionner dans ce créneau et réduire les obstacles, Airbnb a lancé à l’été 2014 un microsite spécialement pour les voyageurs d’affaires. Il permet à ceux dont l’employeur est inscrit sur la plateforme de facturer directement celui-ci. Uber offre également cette option.

De plus, les deux entreprises ont conclu un partenariat avec le gestionnaire de voyages d’affaires Concur, permettant ainsi à quelque 25 000 compagnies représentant 25 millions d’employés qui effectuent des déplacements professionnels de profiter de l’offre d’Airbnb et d’Uber. En plus de permettre à Airbnb d’accéder aux profils des clients de Concur et d’émettre des suggestions personnalisées, la standardisation de leurs services dans l’espace corporatif facilite les transactions ainsi que le suivi des voyageurs pour les entreprises. Dans la même foulée, les deux leaders de l’économie collaborative occupaient, pour la première fois, des kiosques lors de l’événement annuel de la Global Business Travel Association de 2014.

Selon l’étude « Faster, smarter, better? », publiée par Carlson Wagonlit Travel (CWT), les signes indiquent la croissance du recours à l’économie collaborative dans l’industrie des voyages d’affaires, notamment avec l’abaissement des barrières pour les gestionnaires.

Une importance significative

Selon le sondage de CWT, réalisé auprès de 127 gestionnaires de voyages d’affaires, 43 % d’entre eux estiment importante pour leur secteur la tendance de l’économie collaborative en matière de transport terrestre, et 31 % considèrent la tendance qui touche l’hébergement comme importante (voir le graphique 1).
Une seconde enquête menée par CWT sondant 1080 voyageurs révèle sans surprise que les millenials (personnes nées entre 1980 et 2000) sont plus enclins à utiliser de tels services lors de voyages d’affaires (voir le graphique 2). Plus du tiers des millenials utilisent les services d’Uber lors de leurs déplacements professionnels (15 % chez les non-millenials), et 20 % choisissent Airbnb, contre 10 % des voyageurs des autres générations.

Des chiffres à la hausse

Les données de Certify, une entreprise offrant des solutions en ligne de gestion des dépenses, révèlent certaines tendances concernant le recours aux services de l’économie collaborative par les voyageurs d’affaires durant le deuxième trimestre de 2015. En analysant les rapports de dépenses des clients de Certify, soit des entreprises situées à travers le monde, il est possible d’émettre quelques constats :
  • pour la première fois, les voyageurs d’affaires choisissent davantage Uber (55 %) que les taxis traditionnels (43 %);
  • entre le premier et le second trimestre de 2015, le nombre de reçus d’Airbnb émis par des voyageurs d’affaires a crû de 143 %;
  • les séjours des voyageurs d’affaires sont plus longs lorsqu’ils choisissent Airbnb : 3,8 nuits contre 2,1 en hôtellerie.

Des partenariats gagnants et audacieux

Bien sûr, l’offre de l’économie collaborative ne convient pas à tous les voyageurs d’affaires. La plupart préfèrent les services, la stabilité, la sécurité ou encore les bénéfices des programmes de fidélisation qu’offre l’hôtellerie. Mais l’économie collaborative gagne du terrain, et les fournisseurs traditionnels doivent miser sur leurs forces et surveiller de près cette offre grandissante. De plus en plus d’acteurs de l’industrie touristique font de ces étoiles montantes des alliées.

L’entreprise de crédit American Express s’est associée à Uber dans le cadre de son programme de fidélisation. Ce dernier est aussi partenaire avec plusieurs hôtels, dont le W de Seattle ou encore la chaîne Hyatt, qui l’inclut dans son application mobile, ce qui est aussi le cas du transporteur aérien United.
 

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San Francisco Travel souhaite notamment promouvoir le tourisme dans les quartiers et les commerces locaux grâce à Airbnb
La compagnie aérienne KLM et Airbnb unissent leurs forces. Le site Web du transporteur expose ainsi des offres d’Airbnb selon la destination choisie par le visiteur. Un récent partenariat plutôt audacieux allie l’organisme de gestion de la destination de San Francisco à Airbnb. San Francisco Travel souhaite notamment promouvoir le tourisme dans les quartiers et les commerces locaux grâce à Airbnb, tout en mettant de l’avant son offre d’hébergement. Dans le cadre de cette collaboration, Airbnb est aussi en contact avec les planificateurs d’événements pour répondre à la demande d’hébergement lors de grands congrès.

Des avantages et des risques

Bien que cette nouvelle offre réponde à une demande, notamment en matière de coût, d’expérience différente et de convivialité par le recours à la technologie mobile, certains désavantages ou risques sont également perçus. L’un des principaux freins à une croissance plus forte du recours à l’économie collaborative par les voyageurs d’affaires est celui lié à la sécurité. Entre 27 et 29 % des voyageurs sondés par CWT ayant utilisé Airbnb ou Uber durant leur voyage d’affaires estiment que les risques liés à la sécurité (assurances, fraudes, etc.) sont plus élevés que dans l’offre traditionnelle. Ce souci est encore plus marqué parmi les gestionnaires (41 à 43 %).
 
Néanmoins, les entreprises concernées travaillent d’arrache-pied à réduire cette perception en donnant des recommandations aux utilisateurs pour éviter les fraudes. Elles encouragent aussi fortement les clients à émettre des commentaires en ligne pour maintenir un système d’autorégulation. La légalisation de ces offres sur un nombre de marchés grandissant devrait aussi rassurer les utilisateurs.

Pas pour tout le monde
Bien sûr, l’offre de l’économie collaborative ne convient pas à tous les voyageurs d’affaires. La plupart préfèrent les services, la stabilité, la sécurité ou encore les bénéfices des programmes de fidélisation qu’offre l’hôtellerie. Mais l’économie collaborative gagne du terrain, et les fournisseurs traditionnels doivent miser sur leurs forces et surveiller de près cette offre grandissante.

 
Cet article, rédigé par Claudine Bary a été publié par le Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat