American Airlines ouvre les hostilités de la vente directe

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En évoquant ici même il y a quelques semaines la décision d'American Airlines d'exclure Orbitz de la liste de ses revendeurs, nous avions évoqué le risque de voir s'installer entre les producteurs et les distributeurs une guerre commerciale dont la finalité serait la maîtrise de la vente directe. D'un côté, une compagnie aérienne qui refuse que chacune des transactions via les GDS lui soit facturée plein tarif. De l'autre, des agences en ligne qui, malgré des frais de structure allégés, ne veulent pas entendre parler d'une réduction des marges.

Par solidarité, et sans doute par un intérêt déguisé dont on perçoit bien les contours, Expédia vient à son tour de retirer de son site les tarifs d'American Airlines, se refusant ainsi à vendre des billets du transporteur. On pourrait penser qu'il ne s'agit là que d'une guéguerre aux contours encore flous mais où chacun veut se positionner pour les prochaines années. Il n'en est rien. La stratégie d'American Airlines est claire : mettre en avant, grâce à des outils technologiques développés, une vente directe de billets "point à point" auprès de clients finaux qui représentent pour la compagnie 71 % de ses émissions quotidiennes. Il est clair qu'American Airlines ne veut pas se sentir prisonnière des GDS et de ses utilisateurs. D'autant que l'enjeu est de taille et qu'à terme, la vente directe pourrait permettre une économie de 23 % des frais généraux de la compagnie.

La bataille, qui ne fait que commencer et devrait connaître quelques soubresauts intéressants, n'oppose pas seulement deux théories. Elle met dos à dos deux concepts et deux modèle économiques. Pour le transporteur aérien, l'avenir passera par un accès direct à ses stocks et une vente instantanée. L'usage de mobiles devrait se renforcer tout comme l'impression à domicile de la carte d'embarquement. En gérant au plus près les réservations, American Airlines limite le nombre d'intermédiaires et peut ainsi augmenter mécaniquement sa marge tout en maîtrisant au mieux le yield management.
Expédia, uniquement distributeur aujourd'hui, veut au contraire gérer seul sa relation partenaire et ne pas avoir à passer par les fourches caudines d'un fournisseur qui déciderait du tarif à pratiquer en ne laissant que très peu de marge de manœuvre au vendeur. La première agence en ligne au monde entend bien garder son indépendance et le fait savoir.
Tout cela pourrait n'être qu'une simple affaire de pratiques concurrentielles. Là encore, on se tromperait en n'allant pas regarder plus loin le pourquoi et le comment des choses. La compagnie américaine, associée depuis peu à Iberia et British Airways, jette ainsi les premières bases de la vente directe maîtrisée par le fournisseur de bout en bout. Certes, c'est une petite révolution qui dans un premier temps ne concerne que les acheteurs sur Internet. Oui mais voilà, ils seront 63 % cette année à passer par un ordinateur pour réserver un billet d'avion. Le chiffre est énorme. L'enjeu est de taille. Car si American Airlines réussi son coup de force, pas une seule compagnie n'ira chercher dans la distribution un quelconque salut économique. Cela voudrait dire que la bataille tarifaire se fera exclusivement au sein des producteurs et non plus via les distributeurs. Cela n'a l'air de rien, mais c'est toute une approche économique de l'aérien qui pourrait ainsi basculer.

Hélène Retout