American Express Travel : «Construire une nouvelle ère»

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Face à la montée en puissance des acteurs technologiques du voyage d’affaires, American Express Travel savait depuis des années que son développement ne pouvait passer que par des investissements soutenus dans les outils numériques et la gestion de la data. Deux univers financièrement gourmands. Face aux marchés, très inégaux selon les continents, Amex a fait le choix de la joint venture. Une bonne idée, loin d’être si simple.

Certares International Bank, le nouveau partenaire 50/50 d’Amex a d’emblée annoncé qu’il apporterait entre 700 millions et 1 milliard de dollars dans l'entreprise. De quoi faire réagir la profession qui se demande à quoi ses fonds vont servir. Pour les uns, la croissance externe évoquée par Stephen J. Squeri, le Président du groupe American Express va s’engager. Sur l’Asie, plusieurs TMC locales de bonne taille pourraient tomber dans l’escarcelle du nouveau groupe. Une vision un peu rapide mais qui conforterait la volonté d’Amex Travel de booster sa présence sur les marchés émergents, comme la Chine et le Brésil. Pour d’autres, cette somme serait nécessaire au redéploiement de la marque, fortement concurrencée sur le terrain par les Egencia, CWT et autres TMC locales ou continentales. American Express Travel n’est pas un champion de la communication commerciale, une lacune au moment où les gros clients ne demandent qu’à être confortés d’avoir choisi Amex.

Pour l’Europe, la nouvelle entité, qui gardera son nom commercial, devra gérer plusieurs problèmes. La globalisation des services, attendue ces dernières années, et repoussée en raison de la spécificité des marchés, devrait devenir une réalité. La France, qui connait des résultats en demi-teinte ces derniers mois, connaitrait, selon des sources américaines, une restructuration importante. Difficile de dire à quoi elle pourrait ressembler car le groupe a déjà engagé une refonte de son organisation avec la fermeture de deux plateaux et l’ouverture à de nouvelles activités.

Certares, basée à New - York, est dirigée par Michael Gregory O'Hara , qui a été directeur du conseil d'administration de Carlson Wagonlit Travel et de Travelport. Le fond d'investissement est resté très vague sur les raisons de cette opération, se bornant à préciser que sa mission actuelle chez J.P. Morgan Chase & Co.'s était de «créer et de financer des entreprises fortement leaders sur leur marché». Interrogés sur le départ programmé de 5400 salariés du groupe, Certares s’est borné à dire qu’il s’agissait de la vie normale d’une entreprise. Pour Stepen J Squeri, qui s’est exprimé dans le Wall Street Journal, «Cette joint-venture était indispensable car sinon il aurait fallu faire un choix entre la croissance de nos activités de cartes de crédit ou le développement des activités voyage». Enfin, comment vont réagir CWT ou HRG ? Quelles seront leurs marges de manœuvre face à une nouvelle donne chez leur concurrent ? Aux USA, aucun commentaire sur le sujet. Aucune des deux TMC n’a souhaité s’exprimer sur ce qu’elle considère comme un projet complexe pour Amex.

On le voit tout est à construire. Mais sur le fond, rien ne devrait réellement changer avant un ou deux ans. La mise en place d’une machine financièrement renforcée se fera au travers de choix encore confus. Seule certitude : en privilégiant la techno, essentielle au corporate travel, c’est l’emploi du groupe qui sera sans doute fragilisé, même si personne ne veut encore le dire.

A New York,
Philippe Lantris