Avant-première : j’ai testé la Qsuite de Qatar Airways

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Premier média professionnel à tester la Qsuite sur un Paris/Doha, DéplacementsPros a voulu vérifier les propos dithyrambiques de la compagnie et des voyageurs qui l'ont déjà utilisée. Il faut dire que les premières déclarations du patron de la compagnie Qatar Airways, Akbar Al Baker, il y a deux ans à Berlin, avaient de quoi surprendre. Et pour cause, il promettait une business digne d’une first. Paris tenu ?

Plébiscitée par les lecteurs de DéplacementsPros qui lui ont attribué le Laurier du voyage d'affaires de l'aérien, cette QSuite a quelque peu attisé notre curiosité. Vous nous connaissez, nous ne mâchons pas nos mots et n'hésitons jamais appeler un chat… un chat ! Pourtant, tester la Qsuite pose plusieurs questions quasi existentielles : que pourra-t-on désormais faire de plus dans un avion ? Comment le produit peut-il évoluer et surtout, les tarifs vont-ils discrètement mais sûrement augmenter ? Dernière interrogation : cette Qsuite est-elle destinée à attirer une clientèle jusque-là sensible aux vols directs ? Avec ses tarifs agressifs en business, Qatar Airways jette un pavé dans le monde des compagnies du Golfe et énerve ses concurrents.

A ces quelques interrogations, la première réponse de la compagnie est simple : "la Qsuite est un siège qui s'intègre dans une stratégie qui veut offrir la meilleure expérience aux clients". Au-delà du siège, très abouti dans cette version 1, ce sont donc les services qui vont progresser. On sait que la bataille va désormais se porter au sol. Salons et autres avantages sont désormais dans la panoplie marketing des compagnies. Mais avec sa Qsuite, Qatar Airways a un coup d’avance. Y compris sur la compagnie "repère" des voyageurs d’affaires, Singapore Airlines. Cette nouvelle classe avant se résume en un seul mot : sublime. Je vous entends déjà : "Il exagère, il est vendu, il manque de réalisme". Que nenni, c'est simplement l'exacte vérité. A vous de juger…
Vous nous le reprochez souvent : les journalistes par définition cherchent les trains qui n’arrivent pas à l’heure. On se focalise sur les problèmes et sur les promesses non tenues. Hors de question de partir aveuglé par les articles publiés dans la presse anglo-saxonne. Il nous fallait donc trouver des défauts à la Qsuite. Avec difficulté, nous en avons cerné… Un au moins. La technologie n’est pas totalement intuitive et quelques éléments du siège sont encore de vrais mystères. L’hôtesse nous a précisé que "plusieurs avancées sont à venir".

Mais reprenons par le début, notre parcours de voyageur d’affaires. Un Aller/retour vers Doha (départ le 11 décembre à 7h55 et un retour le 13 à 1h05) avec une seule nuit sur place, au nouveau Mondrian. Plusieurs rencontres prévues à l’arrivée et une visite d’hôtel au pas de course. Bref, l'agenda classique d’un business traveller. Entrons dans les détails.

Prêt, partez

Le vol vers Doha s’enregistre au T1. Pour ce séjour et pour garer notre véhicule, nous faisons le choix d’Ector, le voiturier primé également aux Lauriers 2017 du Voyage d’Affaires, 40 € moins cher que les parking d’ADP. Le chauffeur est à l’heure. Pas d’attente avant d’aller vers les guichets business. Peu de monde au comptoir et pas de valise à enregistrer. En moins de cinq minutes, je reçois ma carte d’embarquement. Vue l’heure (le vol décolle avant 8 heures et nous sommes là deux heures avant) et la disponibilité des bornes Parafe (qui s’améliore), on arrive au salon Qatar Aiways en 10 minutes. Bref, à peine une quinzaine de minutes entre la porte du T1 et le salon. Difficile de faire mieux.

Inauguré en décembre dernier, le nouveau salon (ouvert également aux passagers OneWorld business et first) fait mentir tous ceux qui pensent que la décoration du Golfe rime avec dorures et surcharges. Ici tout est sobre et élégant. Un tournant qu’avait déjà pris le transporteur avec ses A380. L’accueil dans le salon se fait via une pièce de détente, dotée d’une fontaine centrale et de canapés. C’est ici que l’on peut laisser sa valise avant d’aller vers la partie salon et restauration. L’extrémité de l'espace est réservée à la partie restauration. Le menu du matin est affiché sur la banque d’accès. Le voyageur peut aussi faire le choix de se servir directement. Un bar central sert de « tour de contrôle » pour les boissons. Là aussi, tout est élégant. Les fauteuils sont accueillants, quasi tous dotés d'une prise électrique pour charger tablette ou smartphone. Les cloisons rappellent les caravansérails orientaux avec des motifs géométriques qui laissent filtrer la lumière.

Le salon ouvre en fonction des horaires de vol vers Doha et ferme dès le dernier voyageur parti. Des périodes de trois ou quatre heures qui permettent d’accueillir une centaine de voyageurs par jour.

L’accès à bord

Qatar Airways, malgré l’heure matinale, fait le choix d’une lumière tamisée pour accueillir les passagers. Le premier regard sur la cabine (en 1-2-1) est attiré par la disposition des sièges. Une moitié d'entre eux est dos au poste de pilotage (mais pas de tête bêche), l’autre dans le sens du vol. On comprend mieux, la possibilité d'avoir deux sièges face/face ou côte/côte et surtout l'étonnant carré que forment les quatre sièges réunis. Un véritable espace de travail en groupe.

En attendant, les cloisons de séparations des sièges sont fermées pour le décollage. Pas de wifi à bord sur ce 777-300 ER qui propose 42 sièges affaires implantés sur deux cabines séparées par un galley central, face à la porte de l'appareil.

Enfin, malgré une cabine bien occupée (environ 80%), les bagages à main s’installent facilement dans les racks chaque siège disposant de son propre espace de rangement.
Une fois devant le siège (le 2B pour nous), l’espace est plutôt cocooning. Un sentiment renforcé par la cloison amovible qui donne sur l'allée centrale et permet de s’enfermer à volonté dans une micro cellule qui dispose de tout le confort. A la gauche, une trappe assez vaste pour ranger ses effets personnels (chaussures, lunettes, smartphone…), le magazine de bord et le casque audio. Une fois le couvercle refermé, l'ensemble ressemble à une extension du siège.

Sur la tablette, toujours à gauche et qui contient certainement les moteurs et autres équipements du siège, on trouve une trousse de confort Brick, avec plusieurs crèmes et baume pour les lèvres sans oublier les très classiques chaussettes, une couette épaisse, deux oreillers et les habituels bouchons d'oreille et masque pour les yeux.
Il nous faut bien une petite dizaine de minutes pour comprendre l'usage des prises et boutons divers. Et pour cause, la techno est très présente. Les geeks et autres amateurs de petits boutons vont s’en donner à cœur joie. Pas de doute sur les commandes du siège, les pictogrammes sont clairs. Idem pour la prise électrique et les deux alimentations USB. La prise HDMI permet de diffuser son propre contenu sur l’écran. Mon voisin a mis 4 minutes à le faire. Je cherche encore ! Mais soyons honnête, j’aurais pu solliciter l’hôtesse qui est déjà passée deux fois me demander ce que je voulais boire et si tout allait bien.

Autre souci (très temporaire) l’accès à la table se fait par une pression sur la tablette. Si on ne le sait pas, le bouton à presser étant dur, on attendra le service pour comprendre son fonctionnement. Encastrée dans ces prises et boutons, la télécommande ressemble à un smartphone avec son écran couleur tactile. Elle permet de piloter l'écran principal (tactile lui aussi) ou de faire le choix d'un programme différent : films sur l'écran de télévision (21 pouces) et plan du vol sur la télécommande.

Justement, côté films et divertissements, là aussi le programme est varié. Le nombre de films disponibles en français est important. Pour les nouveautés, j'aurais le choix entre une dizaine de films récents, mais pas de production française ou en tout cas seulement une ou deux. Hollywood a une place de choix. Même variété pour la musique, très orientale ou indienne, peu de musique classique (une dizaine d'albums) et quelques standards comme une excellente rétro Billie Holiday.
Le mauvais temps sur Paris, le jour du départ, bloque les passagers dans leur fauteuil. Le service prévu débute avec 1 heure de retard, le temps de laisser passer les turbulences. Le pilote nous précise par deux fois que notre sécurité est essentielle. Facile mais rassurant quand l’avion bouge dans tous les sens. Les hôtesses qui viendront se présenter aux passagers insistent sur la notion de bien-être à bord et s'excusent du retard occasionné par le mauvais temps.

Pour les 6h25 de vol, nous aurons le droit, après la serviette rafraichissante et la distribution du menu, à un petit déjeuner que complète un snack disponible au galley. Attention particulière : un smoothie Mangue et Goyave est proposé pour ouvrir l'appétit. Pour ma part, il sera suivi de fruits de saison et d'un petit déjeuner "arabic", pour se mettre dans le ton. Le pain est servi chaud. Je ferais l'impasse sur le verre de champagne proposé (un Lanson Black Label et un Lanson rosé). Mon choix se portera sur un vin rouge argentin, corsé et puissant de chez Luigi Bosca à Maipu-Mendoza. Un 2013 construit avec 70% de cabernet sauvignon, 15 % d Merlot et 15% de Syrah. J'aurais pu rester plus français avec un château Branaire Ducru, grand cru classé de 2011. Côté blanc, 3 domaines sont proposés : un chablis premier cru de chez Jean Marc Brocard, un sauvignon blanc Attems de 2016 et un Leone d'Almerita de 2016 un vin sicilien réputé.

Pour finir le repas, un expresso accompagné d'un alcool ou non, comme un Tokay de Hongrie ou un porto de 1992.
L'arrivée à l'aéroport de Doha se fera dans les temps, avec une légère avance de dix minutes. Là aussi, la sortie de l'aéroport ne demande qu'une vingtaine de minutes, le temps de passer les contrôles de police et du scan des bagages à l'arrivée. Plus besoin de visa, le Qatar veut attirer les touristes. Attention à la signalisation de la sortie, elle est un peu minimaliste et on a vite fait de se retrouver vers les postes de sûreté du transit. Impossible d'en ressortir sans faire demi-tour et attirer l'attention de la sécurité.

Faute de bagage enregistré, impossible de dire si la distribution des valises à été rapide. Doha ayant cette réputation d'aéroport efficace, je ne doute pas de leur capacité à décharger rapidement l'appareil.

Un retour tout aussi agréable

Prévu pour partir à 1h05, ce que fera l'appareil très ponctuel, l'arrivée à l'aéroport de Doha peut être tardive d'autant qu'elle se fait via une entrée dédiée au business et first. C'est là que se feront les formalités d'enregistrement et les contrôles de police. L'accès au salon est direct et c'est du lounge que l'on ira à la duty free qui, disons-le clairement, n'est pas vraiment intéressante. Une récente étude anglaise a démontré qu'à l'exception des cigarettes et alcools, l'uniformisation des prix a rendu les écarts tarifaires de plus en plus faibles entre les pays et les aéroports. C'est démontré ici.

Petite cerise sur le gâteau commercial : une boutique dédiée au PSG (c'est du foot) qui vend maillots et autres gadgets de l'équipe. Utile à retenir pour les achats de dernière minute.
Attention, le repas qui est proposé à bord du vol retour est volontairement light car le (superbe) salon business de Doha, Al Mourjan, propose pas moins de 3 restaurants et 4 cuisines différentes (indienne, asiatique, européenne et continentale). En clair, on peut manger avant d'embarquer un plat chaud, des sandwichs ou des sucreries.

Mais ses atouts ne s'arrêtent pas là, et l'inventaire est toujours surprenant : un immense bassin très reposant au centre des lieux, 1.000 places disponibles, 2 salles de jeu dont une avec simulateur de conduite, 6 espaces thé et café avec pâtisseries, deux quiet room (dont une pour les famille), une board room pour les réunions de dernière minute à l'aéroport, une vingtaine de douches, 16 postes informatiques au business center (avec deux imprimantes) sans oublier les douches et une salle fumeur !

Bref, de quoi attendre son vol en toute quiétude.
L'embarquement prioritaire proposé aux passagers de la classe avant remplit rapidement les Qsuite du vol retour. Un vol de nuit différent de celui pris la veille. La trousse de toilette, toujours une Bricks, devient bicolore. Un pyjama est offert aux passagers. Attention, très peu de XL disponibles. L'hôtesse vient dès l'installation prendre les vestes et manteaux (et oui, il fait froid à Paris). Process identique pour le reste : verre de bienvenue, serviette chaude ou froide…

Ayant dîné au salon, beaucoup veulent s'endormir dès le décollage. La commande DND sur le panneau de gestion s'allume. Le "do not disturb" invite ainsi l'équipage à la discrétion. C'est même l'hôtesse qui ferme la cellule pour plus d'intimité. Prêt pour les 6h35 de vol. Ayant fait le choix d'une visite prolongée à la duty-free, je préfère tester le snack proposé : des crevettes pour débuter, du fromage pour suivre et un verre de vin. Le tout en 20 minutes.

Une heure avant l'arrivée, le petit déjeuner bat son plein. Mais là, petit souci: aucun des choix que j'ai fait ne me sera servi, à l'exception du double expresso. Exit le "bœuf pastrami et la dinde fumé", seul le panier de viennoiserie sera présent sur le plateau. Sans doute un manque de disponibilité du plat souhaité. Mais là, personne n'est venu me le dire.

A l'exception de ce changement de choix au petit déjeuner, j'avoue être sur un petit nuage. Le siège est confortable, l'intimité total, les divertissements variés et les repas à bord suffisants et gustatifs. Bref, je me dis que je viens d'être victime de l'effet Qsuite. Et savez-vous ? Franchement, je vous souhaite d'être, comme moi, l'heureux voyageur dans cette classe de voyage qui bouscule les codes et change le regard que l'on peut avoir sur une business class. Une business comme en First, elle tient effectivement la comparaison.

Côté tarifs, il est difficile de s'appuyer sur les prix affichés tant les promotions sont nombreuses. Pour repère, sachez qu'un Paris/Doha en classe affaires est affiché sur le site internet à 4.510 euros pour le vol du matin et retour le lendemain. Mais pour une simple escale à Doha avant un départ pour Mumbai, le prix passe à 3.556 €. Avec la nuit de samedi dimanche, nous sommes à 2.947 €.

Test réalisé par Marcel Lévy