Bataille de prud’hommes autour de Facebook

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Trois salariés qui avaient été licenciés pour avoir dénigré leur entreprise sur Facebook viennent d’être déboutés de leur plainte aux prud’hommes qui a «jugé la décision de l’employeur fondée». Ce jugement, l’un des tous premiers en France, repose le problème de la publication d’informations personnelles à titre privé. Les pages postées sur le réseau social sont dites « privées » même si leur affichage est public et accessible aisément. Pour autant, pas question de se laisser aller à un moment d'énervement au cours d'une escale ou d'un voyage d'affaires raté: la législation en cours de construction cadre de fait la liberté d'expression.

De fait, la bataille qui s’est engagée chez Alten à Boulogne Billancourt oppose deux visions de la communication entre salariés. Pour l’entreprise, les propos échangés sur un site «ouvert» sont accessibles à tous et ne peuvent tenir de la confidentialité. Pour les salariés, il s’agit d’un échange privé qui ne saurait être utilisé à des fins publiques. Le Tribunal a tranché. A visibilité publique, propos publics ! Si cette décision est unique en France, elle ne saurait faire jurisprudence dans l’avenir tant les situations peuvent être différentes. Il y a un an, deux jeunes étudiants qui avaient violemment attaqué sur internet l’une de leur professeur avaient échappé de justesse à une condamnation pour diffamation. L’enseignante avait soudoyé un ami pour obtenir une copie des échanges publiés sur un site réservé aux seuls adhérents d’une association sportive. Pas question de remettre en cause la confidentialité des échanges privés. En Angleterre, comme en Allemagne, on ne badine pas avec la e-réputation de l’entreprise. Plus d’une dizaine de cas identiques se sont terminés par un licenciement pur et dur, parfois même avec le soutien des syndicats qui considèrent que «l’attaque systématique des personnels de l’entreprise ne peut se faire en dehors d’un cadre fondé et vérifié».
Pour pallier à la dérive de la critique numérique, la communauté européenne aimerait mettre en place un code de bonne conduite entre les utilisateurs de réseaux sociaux. Une sorte de « permis de publier » reconnu par tous les acteurs du web. Un vœux pieux qui, sans doute, ne verra jamais le jour.

Marc Dandreau