Comment gérer son budget de déplacements professionnels avec plus de bon sens et moins de chiffres

766

Les dépenses liées aux voyages font régulièrement l’objet de remises à plat au sein des entreprises. Le sujet intéresse beaucoup à l’interne ! Chacun a son avis à donner, ses critiques à exprimer sur les prix payés, les tarifs "mal négociés" par les acheteurs ou les responsables du travel management. Quant à l’agence de voyages, elle est bien sûr toujours "trop chère et peu performante" !

Tout au long de mon parcours professionnel en agence, j’ai dû faire face à ces critiques. Quelquefois fondées, elles cachaient aussi, assez souvent, un manque de vision sur les stratégies ressources humaines, managériales et donc d’achats de mes clients. J’ai toujours essayé de les aider à combler cette lacune avec pour seul objectif l’amélioration de nos performances communes (agence / client). Je pense que ce travail incombe à l’agence qui omet souvent de s’y investir.

Aujourd’hui, j’accompagne des entreprises dans "l’optimisation de leurs dépenses". C’est très souvent le volet économique qui les anime au prime abord. Mes missions les plus réussies sont celles pour lesquelles mes clients-entreprises ont accepté de travailler en amont sur les trois questions suivantes :

  • Pourquoi voyageons-nous ?
  • Qui voyage ?
  • Comment devons-nous voyager ?
Fort de cet état des lieux, il devient facile de bâtir un programme de voyages pour l’entreprise, de mener les négociations qui seront utiles et de communiquer les décisions et objectifs en interne, mais aussi auprès des fournisseurs, pour obtenir l’adhésion des différents acteurs concernés (voyageurs, assistantes, direction, acheteurs, financiers, fournisseurs…)

Je recommande donc toujours aux entreprises qui me font confiance de préférer le bon sens et la simplicité aux chiffres afin de réussir dans leur démarche d’optimisation de leurs dépenses voyages.

Je vous propose de développer un peu ces trois questions clefs afin d’illustrer ma démarche.

Quitte à passer pour un naïf qui enfonce des portes ouvertes, il est important de comprendre à chaque niveau de l’entreprise pourquoi les collaborateurs se déplacent :
- Pour visiter les clients et trouver de nouveaux marchés : l’activité et la croissance de l’entreprise sont deux enjeux majeurs.
- Pour faciliter le fonctionnement et la performance de l’organisation, motiver, contrôler, communiquer en interne et en externe (marchés financiers, fournisseurs, partenaires, sous-traitants), expliquer. Plus l’entreprise est grande, plus les réunions internes sont nécessaires à son bon fonctionnement.
- Pour assurer la maintenance, l’après-vente : le service au client est capital. Je pense à mes clients évoluant dans l’industrie pétrolière et au coût exorbitant d’une plateforme en mer à l’arrêt dans l’attente d’un dépannage ou d’une pièce.
- Pour visiter ses fournisseurs, ses partenaires, ces entreprises qui font partie de la chaîne de valeurs et qui doivent être impliquées car elles contribuent à la réussite mais aussi peuvent être la cause d’échecs.

Cette rapide énumération, non exhaustive, démontre l’importante de la relation humaine pour l’entreprise à l’interne mais aussi à l’externe. Le voyage d’affaire doit être donc considéré comme une dépense stratégique dont le retour sur investissement peut être mesuré, si nécessaire.

La réponse à cette première question a permis de mettre en valeur des natures de déplacements qui ne nécessitent pas tous le même niveau d’exigences. L’urgence sera le critère prioritaire pour un technicien qui dépannera une machine à l’arrêt (beaucoup plus que le prix du voyage compte tenu des coûts ou manques à gagner générés par l’arrêt de la machine). Le confort et l’expérience voyageur seront essentiels à la performance d’un commercial en prospection, à celle d’un dirigeant qui fera face aux investisseurs et aux marchés financiers ou à un directeur chargé de relayer les messages aux équipes sur les sites de l’entreprise. Alors que l’optimisation du prix pourra être recherchée pour une mission de trois mois d’un stagiaire ou d’un collaborateur dans une filiale à l’étranger.

Le prix n’est donc pas le seul levier d’optimisation dans le voyage d’affaires. L’urgence, l’expérience voyageur sont aussi des objectifs essentiels à ne pas négliger. C’est la raison pour laquelle je recommande à mes clients de mener leurs arbitrages non plus exclusivement en fonction du statut du voyageur dans l’entreprise, ou de la durée du vol ou du voyage, mais plus en fonction de la nature du déplacement et du degré d’urgence et de confort le plus adapté à la mission. Un commercial, de retour d’Asie, doit enchaîner un voyage sur les Etats Unis pour négocier un marché. De toute évidence, son niveau de fatigue sera décisif sur sa performance. Directeur au non, ce collaborateur devra être choyé pour s’assurer que l’entreprise s’est donnée toutes les chances de réussir. Sinon, je recommande de faire l’économie du voyage ! Cela sera au moins cela de gagné !

L’activité commerciale n’est pas la seule concernée par cette attention nécessaire à la mission : un acheteur qui fait un aller et retour pour négocier un marché dont les enjeux se chiffrent en millions d’Euros, un membre de la DRH qui participe à de nombreux Comités d’entreprises ou réunions avec les partenaires sociaux pour communiquer et convaincre, sont autant d’exemples que j’utilise pour illustrer mon propos.

Le budget voyages et déplacements est réputé être le second budget dans le secteur tertiaire derrière les frais de personnel. Dans bien des secteurs, s’il n’est pas le second, il est réputé sensible pour plusieurs raisons :
  • Il est compressible du fait de la dérégulation, de la concurrence qui règne dans cette industrie, des technologies de substitution disponibles (visio, téléconférences).
  • Il touche à l’humain. Le volet social doit être traité avec précaution.
  • Il est aussi un domaine où les directions souhaitent expérimenter des actions de transformation et où la conduite du changement est clef.
Il doit donc faire l’objet d’un travail d’analyse, de réflexion, d’arbitrages, de négociations, de communication mais aussi de suivi. Les KPIs (key performance indicators) doivent être mis en place pour ce suivi. Et ils doivent être définis en fonction des objectifs stratégiques de l’entreprise. Pour réussir, ces objectifs ne peuvent se limiter aux simples économies. Nous avons vu plus haut qu’une démarche de « cost killing » n’est pas toujours appropriée à ces dépenses. Les critères de performances doivent correspondre à la fois à des objectifs économiques mais aussi à des objectifs qualitatifs et quantitatifs.

Quelques exemples :

Suivis économiques
- Le respect de la politique voyage
- Les économies refusées (triées par 3 raisons de refus maximum)
- Le prix moyen par destination / classe de transport
- Le ratio contrat firme/top 5 ou 10 fournisseurs (en fonction du budget)
- Le total des frais d’agence/ volume
- Le coût du traitement indirect dont il faudra surtout suivre les dérives éventuelles : exemples : nombre de notes de frais, nombre de factures hôtel sur note de frais versus réservées par l’agence, ratio de réservation on/off line, nombre de modification de billets.

Chacun de ces critères devra permettre de détecter facilement les dérives éventuelles et être assez important et révisable pour qu’une action corrective puisse être mise en œuvre. Rien ne sert à mon avis de suivre le prix du carburant lorsque seul l’état à la main dessus.

Suivis relatif à l’expérience voyageur
- nb de vols directs/ transits
- enquête de satisfaction annuelle
- nb de cartes frequent flyers
- fiches avantages/incidents (tenue par l’agence reprenant les incidents mais aussi les avantages obtenus (surclassements, prestations offertes : petits déjeuners inclus, etc)

Je recommande de ne pas suivre plus de 8 à 10 KPIs pour évaluer son programme de voyage.

Ces suivis sont souvent très chronophages en interne et génèrent des coûts indirects dont le retour sur investissement est discutable. La détermination des KPIs doit répondre à une question simple : Pourquoi suivre ce critère ? Ces KPIs ne doivent pas être un aboutissement. La fiabilité des données, la fréquence de celles-ci, la méthodologie de suivi et l’utilisation qui en est faite à l’interne et à l’externe sont le plus important.

En conclusion, les collaborateurs d’une entreprise ne sont pas des colis mais une « matière » noble qui doit faire l’objet d’une grande d’attention. Pour beaucoup, le voyage reste encore un levier de valorisation. Mais pour nombre de voyageurs, le voyage est une source de stress, de fatigue. L’entreprise doit donc définir clairement des objectifs pour ce poste de dépenses, investissement important pour sa pérennité.

« Pourquoi voyage-ton, qui voyage et comment doit il voyager ? » sont pour ma part les trois questions pleines de bon sens dont les réponses permettront de dessiner un programme de voyage performant auquel l’ensemble des collaborateurs adhèrera d’autant plus facilement qu’il sera lisible, justifié et expliqué.

Régis Chambert
A propos de RC2

RC2, Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.

Régis Chambert a auparavant exercé les fonctions de Directeur Régional chez Scac Voyages (groupe Bolloré), chez Havas Voyages, puis de Directeur Général d'Havas Voyages American Express qu'il a lancé, et de Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages.

Il a présidé plusieurs sociétés du groupe American Express en Europe (Belgique, Espagne, Pays-Bas) et siégé dans plusieurs conseils d'administration de sociétés partenaires (UVET AMEX en Italie), il a présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.

Régis Chambert participe régulièrement aux colloques dédiés au tourisme et partage ainsi ses expériences avec le plus grand nombre.

Le Cours Saint Charles
64 avenue du Général de Gaulle
92250 La Garenne-Colombes
06 07 52 04 41
[email protected]
www.regischambert-consulting.fr