Comment gouverner Air France ?

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Il n’est question ces derniers temps que des rumeurs attachées à la nomination du nouveau Directeur Général d’Air France. Les candidats en lice sont de qualité et chacun a sa légitimité, sauf qu’aucun ne s’impose vraiment et qu’il sera nommé par un clan ou l’autre du conseil d’administration.

Comment gouverner Air France ?
Mais de quoi s’agit-il vraiment ? J’avoue m’être un peu perdu dans les méandres de l’organisation de ce groupe complexe. En haut de la pyramide, il y a la holding Air France/KLM, la seule qui présente ses résultats, et ils ne sont pas très brillants. Elle est gouvernée par un conseil d’administration avec un Président : Jean Cyril Spinetta et un Directeur Général ou CEO : Pierre Henri Gourgeon qui cumule également le poste de Directeur Général d’Air France. Le Conseil d’Administration du groupe est composé de 15 administrateurs : 11 français dont 3 nommés par l’Etat français et 4 néerlandais. Autant dire tout d’abord que les hollandais ne pèseront que très peu dans la future nomination. Or pourtant le futur Directeur Général d’Air France aura un poids déterminant dans ce groupe car il représentera bon an, mal an les 2/3 de l’activité.

De quels pouvoirs réels jouira-t-il ? Là est la question. Il sera certainement coincé entre les contraintes de la compagnie Air France et celles du groupe. Est-on certain que Mr Hartmann le CEO de KLM s’entendra avec lui comme en son temps Jean Cyril Spinetta s’entendait avec Leo Van Wijk le patron de la compagnie batave au moment de leur rapprochement. Qui va diriger le Comex du groupe ? Cela revient à l’évidence à Mr Gourgeon. Mais alors quelle sera la mission du DG d’Air France ?

Ce n’est bien entendu pas à moi à répondre à cette délicate question, d’autant plus que l’on peine à identifier la « vision » de la compagnie, voire du groupe AF/KL. L’impression extérieure est que le but premier de cet ensemble est de durer. Pris en tenaille entre des forces puissantes : les mentalités très différentes des deux principales compagnies, la gestion sociale surtout prégnante du côté français, la fuite de clientèle vers des concurrents aussi variés que les « low costs » et les grands transporteurs du Golfe, la gestion des innombrables filiales parmi lesquelles 3 transporteurs aériens français dont un "simili low cost » et 1 compagnie hollandaise, et la participation active à une alliance mondiale, on ne voit pas les priorités se dégager.

Certes la réduction des coûts est un objectif récurrent, mais comment le réaliser de façon significative ? D’autant plus que l’exemple ne vient pas vraiment d’en haut. La rémunération de Mr Gourgeon est fixée à 750 000 € par an à laquelle s’est ajoutée une part variable de 562 500 € au titre du dernier exercice. Difficile dans ces conditions de prêcher de manière convaincante la nécessité de faire des sacrifices. Alors, comme il est particulièrement ardu de faire baisser les charges de structure, la politique suivie par la compagnie semble être de faire payer le client en lui fournissant un produit sans cesse moins onéreux et donc sans cesse plus dégradé. Sauf qu’à ce petit jeu on fait fuir encore un peu plus les clients exigeants ou ceux qui savent comparer le rapport qualité/prix avec les concurrents « low cost ».

Où est la grande ambition de ce grand groupe ? Force est d’avouer qu’on ne la voit pas. Comment alors le nouveau Directeur Général pourra-t-il mobiliser le personnel ? Quel langage devra-t-il tenir pour conduire ses troupes au travers de toutes les embuches qui vont se dresser devant lui ? Comment prêcher la modération des demandes, comment amener les pilotes, les agents au sol et les personnels commerciaux à donner un peu plus de leur énergie et de leur temps pour une entreprise dont le but n’est pas connu, si ce n’est de durer ?

Le temps des grandes synergies positives est passé très vite. Le rapprochement des deux exploitations a été très bénéfiques, mais une fois ceci réalisé, il reste des charges supplémentaires pour continuer à faire fonctionner le modèle.

Je souhaite bonne chance au futur Directeur Général d’Air France et je lui souhaite surtout beaucoup de courage et d’abnégation pour réussir dans ses futures fonctions. Et s’il amène une grande ambition pour la compagnie, qu’elle soit simplement la plus élevée, celle de redevenir l’une des meilleures si ce n’est la meilleure compagnie du monde. Et cela suffira largement à occuper tous les salariés.

Jean-Louis BAROUX