Communication de crise: vers une jurisprudence Pépy?

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Nous accueillons Lionel Benatia qui dirige le pôle Influence de l’agence Grayling France. Spécialiste de la communication, il compte à son actif près de 10 ans d’expérience en communication sensible et communication d’influence. Et après l'accident de Brétigny, il souligne la qualité de la communication de crise développée par Guillaume Pepy, le patron de la SNCF.

Communication de crise: vers une jurisprudence Pépy?
Rares sont les événements qui imposent aux organisations une véritable "communication de crise" ; terme galvaudé ces dernières années et qui devrait en réalité être réservé aux situations de catastrophes. Contrairement aux idées reçues, au cours des dernières années ces situations extrêmes peuvent se compter sur les doigts d'une main en France : AZF, vol AF447, Fukushima, etc. A ce titre, le drame du 12 juillet de Bretigny démontre l'avancée faite par les entreprises et les dirigeants dans la compréhension des attentes de l'opinion publique lors des catastrophes. Elle marque aussi une nouvelle étape, une jurisprudence, un jalon à appliquer désormais systématiquement lors des catastrophes, mais aussi aux cas de "communication sensible" : ces petits aléas de la vie d'une organisation tels que retraits de produits, plans de licenciements, problèmes industriels ou autre viande de cheval.

Concrètement, cette jurisprudence s'équilibre autour d'une trinité rigoureuse :
  • Transparence
  • Empathie
  • Mobilisation.
En effet, tous ces codes de la communication de crise étaient mis en application par Guillaume Pepy, le soir même de la catastrophe.

Transparence parce que le président de la SNCF était sur place, en personne, 15 mn après l'accident ; il pouvait alors incarner l'entreprise et positionnait le débat.
Empathie parce que Guillaume Pépy ne cherchait pas à dissimuler son émotion ou à minimiser le bilan humain ; les images de cette émotion vraie, à mille lieux du "larme checking", ont fait le tour des chaines de télévision et ont facilité la diffusion des messages de l'entreprise.
Et Mobilisation, enfin, de l'ensemble du personnel de la SNCF pour apporter immédiatement secours, information et réassurance à tous les publics concernés : victimes, familles, usagers, pouvoirs publics, internautes, téléspectateurs, auditeurs, lecteurs... une attitude proactive, positive, qui a permis à la SNCF, incarnée par son président, d'apparaître responsable et en "ordre de bataille". Le président de la SNCF a réussi à faire passer quelques messages très forts : "La SNCF se considère comme responsable de la vie de ses clients" ou rendant hommage à ses employés cheminots "qui ont permis d'arrêter le train".

Guillaume Pépy réussit donc parfaitement sa communication, permettant ainsi à la SCNF de sortir le mieux qu'elle peut de ce drame. Il incarne à la fois le patron d'entreprise responsable, le meilleur porte-parole possible et le citoyen ému par l'accident. Il est en plus aidé par la qualité de la communication de la SNCF et par la mobilisation des équipes de l'entreprise, notamment sur les réseaux sociaux. Cette réussite s'est traduite par des articles positifs, de nombreux observateurs vantant la qualité et la rapidité de la réponse de l'entreprise et de son président.

Ce que nous retenons, en tant que professionnels de la communication, c'est évidemment la "jurisprudence Pépy". Ces bons réflexes mis en œuvre lors de cette catastrophe doivent désormais être adaptés à toutes les situations sensibles que pourront connaitre les entreprises. Ce que nous conseillons à nos clients depuis de nombreuses années devient aujourd'hui un impératif qui n'est pas dicté par un vœu pieu de communicant, mais par l'attente véritable de l'opinion publique, devenue elle-même experte et intransigeante. Sans être une recette miracle, la jurisprudence Pépy résume au moins les bons réflexes. La communication sensible évolue, de la même façon que le traitement de l'information ou l'utilisation des medias sociaux. L'exemple de Brétigny doit nous inspirer et prouve, une nouvelle fois, qu'il est essentiel de ne pas fuir la communication, qu'il est indispensable qu'une situation sensible, comme une catastrophe, ne soit pas traitée simplement par le volet technique et qu'il faut des réponses fortes de l'entreprise. Elle montre enfin la voie d'un prise de conscience enfin mature, de la part des entreprises, de leur rôle dans l'information et le dialogue avec les citoyens.

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