Développement et acceptabilité du transport aérien face au défi climatique

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En 2018 les compagnies aériennes ont transporté plus de 4 milliards de passagers et selon les projections de IATA ce seront 8,2 milliards qui voyageront sur leurs lignes en 2037.

Au-delà des aspects économiques et sociaux générés mondialement par l’industrie du transport aérien et face à l’immense défi de la soutenabilité environnementale et des limites opérationnelles de plus en plus contraignantes se pose une question cruciale pour les acteurs de notre écosystème :
Sommes-nous en capacité de satisfaire correctement ce doublement de trafic ?

La prise en compte de la contribution du transport aérien à la croissance du PIB mondial, aux emplois directs et catalytiques générés par son activité, au développement du touriste mondial et les aspects très prégnants du développement durable, représente une équation semblant difficile à résoudre.

Les transporteurs aériens sont conscients des craintes formulées en regard des dangers qui pèsent sur le futur de notre planète et ne peuvent qu’adhérer aux propos de notre Ministre des transports s’interrogeant, dans son discours de conclusion des dernières Assises du transport aérien, sur l’acceptabilité d’une croissance sans limite de leur activité tout en reconnaissant son rôle stratégique pour notre pays et au-delà pour le monde.

Elle ne manque pas par ailleurs de souligner que le transport aérien prend sa part au défi climatique en étant le premier secteur économique à s’être doté sous l’égide de l’OACI, d’un dispositif de compensation carbone au niveau mondial (Carbon offsett reduction scheme for international aviation-CORSIA).

En est-il de même pour tous les autres moyens de transport, autrement et plus hautement «contributif » que le nôtre en matière d’émissions gazeuses si l’on s’en réfère aux données de l’Agence européenne de l’environnement ?

Rappelons qu’envers et contre toutes affirmations s’efforçant de designer le transport aérien comme le plus grand pollueur de la terre, ses émissions de CO2 ne rentrent que pour une part infime dans le calcul total mais apparemment l’argument est systématiquement balayé par les tenants de la bonne vertu écologique, seuls détenteurs auto-déclarés de la vérité absolue en la matière.

Fait-on avec la même force les mêmes procès médiatiques contre les émissions d’azote (NOX) et particules fines quantitativement plus nocives du transport maritime ou routier ?

Dès lors la petite musique qui va s’amplifiant sur la taxation du kérosène n’en a que plus d’acuité quand, si je m’en réfère aux informations parues récemment dans le quotidien« Le Monde » ,une « étude » recommandant un prélèvement de 33 centimes par litre de carburant serait dans les tiroirs de la Commission européenne.

Il est assez croustillant de remarquer à la lecture des données y figurant que la hausse du prix du carburant, déjà pénalisante par ailleurs en raison des fluctuations du marché du brut, supposerait une hausse du prix du billet de 10% avec comme corollaire une baisse de la demande du même ordre mais sans pénaliser l’emploi. On croit rêver devant tant d’anachronisme économique
Par ailleurs cette disposition, et ce n’est pas le moins savoureux de l’étude, rapporterait aux finances publiques (lesquelles ?) plus de 3,5 milliards d’euros.

En conclusion, même si cela parait simpliste, on crée un permis de polluer qui rapporte beaucoup d’argent aux Etats collecteurs ! L’Europe aurait une belle manière de se tirer une balle dans le pied dans un environnement concurrentiel régenté, sauf erreur, par la Convention de Chicago.

Qu’en pensent les autres pays non directement concernés par cette mesure notamment du côté des plus grands producteurs d’émissions gazeuses de la planète ?

Mais cela satisfera sans nul doute les promoteurs du "flight shame" prônant l’abstention d’utiliser l’avion notamment dans les pays nordiques ( ce qui ne les empêchera certainement pas de l’utiliser pour aller profiter des sites ensoleillées dont ils raffolent en hiver).

Il est bien sur possible, si vous avez du temps disponible, de pouvoir effectuer, comme un récent reportage télévisuel vient de le suggérer, un voyage de Paris a Tokyo en utilisant le Transsibérien et un bateau pour une durée de 14 jours hypothèse charmante du temps de Phileas Fogg !

Cela dit le sujet est sérieux et mérite certainement un peu plus de sérénité pour aborder la problématique de la transition écologique en tenant compte de tous les enjeux technologiques, économiques, sociaux et environnementaux afin de répondre efficacement au défi climatique dont ,est-il nécessaire de le répéter ,tous les acteurs du transport aérien ont pleinement conscience.

Mais vouloir leur infliger une taxation supplémentaire s’ajoutant à la kyrielle déjà existante ne nous parait pas la juste mesure pour le résoudre globalement.

Le système de compensation évoqué supra a pour le moins le mérite de souligner l’engagement de notre secteur d’apporter sa contribution à la lutte contre les conséquences néfastes du réchauffement climatique en sensibilisant tous les usagers sur la nécessité d’agir pour le bien être de notre planète tout en préservant l’essence même du voyage qui unit les hommes et les peuples comme l’exprimait si bien Saint Exupéry.


Jean-Pierre SAUVAGE