Sécurité : Tout se passe toujours bien sauf quand ça se passe mal !

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Les événements récents et la géopolitique font qu’il n’a jamais été aussi important pour les sociétés de protéger les collaborateurs envoyés en mission dans les différents pays du monde. Richard TERZAN, CEO et co-fondateur d’ANTICIP, acteur majeur spécialisé dans la gestion des opérations et l'ingénierie de sûreté, nous fait un point complet de ce sujet capital.

Les entreprises ont un devoir d’information et de protection de leurs salariés

Le législateur raisonne en imposant d’adapter le travail à l’homme et non l’inverse. De fait, les conditions de travail et les obligations légales imposent aux employeurs de s’assurer du confort et de la protection des collaborateurs envoyés en mission.

Le code du travail (Article L. 4121-2) et de la sécurité sociale (Article L. 411-1) concordent et sont repris au niveau Européen (notion de droit qui assujettit l’employeur à une obligation de moyens et de résultat). De fait, dans la lettre comme dans l’esprit, l’employeur doit se prévaloir d’actions d’information, de formation, de support et de soutien. Littéralement, il doit également disposer de moyens de projections en cas de crise pour sécuriser un voyageur (d’affaires ou autres) qui se trouverait en situation de danger.

Le risque pour la Direction est réel

En cas d’insuffisance avérée, de défaillance ou de négligence, c’est la responsabilité civile, sociale et personnelle, donc pénale des mandataires sociaux qui est retenue (Article 113-7). L’exposition relève de la non-assistance à personne en danger en cas de survenance d’un événement exposant l’intégrité d’un salarié. La jurisprudence est connue et constante. Elle retient systématiquement la responsabilité de l’employeur. La notion d’acceptation du risque est systématiquement rejetée par les juges.

La diffusion d’alertes dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de sûreté peut paraître une mesure anxiogène mais il faut être lucide et bien comprendre à quels risques les salariés, et les dirigeants qui se soustraient à ce devoir d’information de formation et de suivi, s'exposent. Sur le registre pénal, il n’y a pas d’évaluation mais il y a une condamnation qui touchera l’image du dirigeant et/ou de la société. Sur le registre civil, le montant de la réparation des dommages corporels est illimité (le risque financier est potentiellement insurmontable).

Dans le cadre des ETI, PME/PMI et micro-entreprises, les mandataires sociaux sont généralement les propriétaires. L’exposition personnelle est donc perçue encore plus directement.

Peu de sociétés sont conformes à la réglementation

Le taux d’équipement pour les sociétés du CAC40 et du SBF120 est proche de 50% ; il est inférieur à 10% chez les ETI dont au moins un quart de l’activité est à l’export.

Les sociétés sont averties quant aux contingences sécuritaires et pour la grande majorité, elles identifient qu’elles sont exposées aux risques. Il y a toutefois une résistance à l’implémentation car elles considèrent que la mise en place d’une politique sûreté est un dispositif engageant et impliquant de façon transversale de nombreux acteurs dans l’entreprise. En réalité, la démarche est simple et pragmatique ; la mise en place d’une politique sureté se conçoit par étape et non pas au titre d’un plan systémique. C’est la raison pour laquelle ANTICIP a bâti une chaine de valeur qui compose une offre modulaire, structurante et flexible pour l’entreprise.

Que se passe-t-il dans le cadre de la sous-traitance de contrats ?

Le donneur d’ordre, ou commettant, doit avoir mis une politique sûreté en place. Le sous-traitant peut demander au commettant de lui décliner sa politique sûreté qui, s’il la juge conforme par rapport à ses propres standards, pourra la faire admettre à son salarié. Soyons clairs : cette chaîne contractuelle de vérification des conformités est rarement déclinée.

Quelles sont les menaces à « la mode » ?

Le kidnapping crapuleux est un business dans lequel les kidnappeurs veulent rapidement prendre des fonds et se débarrasser de la charge et du risque représentés par le kidnappé. C’est dans tous les cas une situation extrêmement traumatisante et potentiellement violente.

L’enlèvement à une fin terroriste est dramatique. Il met au défi les Etats – celui du ou des ressortissants et celui où l’événement a eu lieu - et ses corps constitués. Il génère des cas complexes, difficiles à gérer, et dont l’issue est incertaine, comme l’actualité récente l’a montré.

L’un des risques « en vogue » est celui du piratage d’informations. C’est une pratique très répandue et peu de voyageurs y sont sensibilisés – ou en tout cas avertis des formes que peut prendre cette menace - (voisins de voyage, répertoire Bluetooth, fouille de l’ordinateur ou de la chambre – systématique dans certains pays, …).

La criminalité reste une menace réelle très localisée selon le pays visité ; les modes opératoires sont connus selon la destination (Brésil, Mexique, Afrique du Sud, Nigeria…) et les précautions à prendre relèvent du bon sens et de la vigilance avant tout.

Comment sont mise à jour les données proposées par ANTICIP ?

Personne ne peut prétendre avoir l’image exacte du niveau de sécurité d’un pays car les éléments définissant cette même sécurité sont en évolution permanente. Chez ANTICIP, le management de l’information est composé d’un fil continu (prise en compte du risque sanitaire, sécuritaire et climatologique) et de 206 fiches pays sur les thèmes sanitaires et sécuritaires, rafraîchies bimestriellement.

La matrice d’analyse des risques est basée sur une approche qualitative (faits, gravité, occurrence, intensité, nature des dommages…). C’est ensuite l’expertise de la société qui permet de retraiter la note obtenue selon les régions. Une analyse comparative des baromètres officiels permet un ajustement et un découpage précis des zones, notamment avec le site d’informations du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

ANTICIP audite les fournisseurs (60% du métier) et leurs dispositifs de sûreté (400 hôtels remis à jour constamment), les routes, les aéroports, etc.

Est-il aisé, pour une société partant de zéro de construire une politique sûreté ?

La résistance est légitime car les dirigeants ont l’impression d’ouvrir un chapitre de gouvernance. C’est vrai, mais comme évoqué plus haut, informer (portail d’information), former, accompagner sont les prémisses d’une culture sûreté qui relève d’une approche simple et pragmatique

Les sociétés ayant déjà des outils de sûreté sont parfois en demande pour l’audit et l’élaboration d’un référentiel qui supporte alors l’organisation d’une politique sûreté. Ceci constitue la base d’un organe fonctionnel et opérationnel qui admet la sûreté dans le corpus éthique comme un chapitre de gouvernance de l’entreprise.

Les plus avancées pourront mettre en place la capture et le suivi des PNR et réaliser un arbre de décision sur les actions à mener en cas d’événement redouté. Un tel outil permet de savoir immédiatement quels sont les flux des collaborateurs et évite les erreurs ou approximations d’appréciation d’une crise tout en apportant une réactivité parfaite. C’est ainsi que conceptuellement, nous évoluons du « travel care » vers le « people care ». C’est un changement de paradigme en faveur du collaborateur.

Comment considérer le risque que représente le bleisure ?

Un collaborateur qui part dans une destination même connue ne peut pas être contrôlé à 100%. S’il participe à des activités extraprofessionnelles et qu’il a un accident, le juge retiendra que le collaborateur n’aurait pas fait ces activités s’il n’avait pas été en voyage.

D’aucun peut concevoir qu’il faut résister à cette tendance. Nous pensons au contraire qu’il faut accompagner cette pratique en précisant au collaborateur ce qu’il est bon de faire (ou de ne pas faire) sur la destination. Il faut accompagner les collaborateurs et intégrer le bleisure à la politique sûreté et surtout les encourager à déclarer ce qu’ils comptent faire une fois sur place et avec qui (cas de la famille qui rejoint le collaborateur par exemple). Le bleisure doit être assumé de part et d’autre au sein de l’entreprise afin de mettre cette dernière en capacité de réagir si nécessaire.

Y-a-t ’il un voyageur plus exposé au risque ?

Cette galerie de portrait doit être prise comme un clin d’œil. Pas de généralités ou vérités absolues mais un recueil amusant des profils rencontrés.

Le « vétéran » ou « le road warriors » est parfois un voyageur compliqué car convaincu qu’il connait tous les secrets des pays visités, eu égard à ses barouds passés ici et là. Cet excès de confiance, parfois de la négligence même, peut conduire à des situations complexes et chaotiques.

Le « bisounours » pense qu’il faut rayonner d’amour pour en recevoir… Malheureusement, ça ne marche pas !

Les « ignorants » pensent que tout se passe comme dans leur propre pays. Ils ignorent qu’un signe basique (comme une alliance ou une médaille religieuse) peut, dans certains pays apparaître comme un signe ostentatoire de richesse voire même de provocation.

Le « réfractaire » ne comprend pas et refuse la différence d’un pays (checkpoint, vérifications…). Ce dénie l’expose aux risques.

En règle générale, il faut admettre que la situation mondiale se tend considérablement et que malgré eux, les occidentaux se retrouvent dépositaires d’une charge émotionnelle et affective considérable (c’est sans doute encore plus vrai dans le monde musulman).

Contrairement à la croyance collective, les services consulaires et ambassades n’ont pas pour mission d’aller chercher les collaborateurs en difficulté où qu’ils soient. Il est donc vital que les entreprises se dotent d’une politique de sûreté au bénéfice des collaborateurs mais aussi pour répondre aux obligations légales de l’employeur. Ne rien faire en la matière relève de la faute de gestion.