Dubaï , le trio magique

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Rien n’est plus édifiant qu’un déplacement avec Emirates avec un stop à Dubaï pour se rendre compte de l’énorme gap que nous sommes en train de creuser avec cette capitale du Golfe. J’ai dû faire un aller-retour rapide à Ho Chi Minh Ville, autrement dit Saigon. Mon choix était soit de passer en vol direct avec Air France ou Vietnam Airlines qui sont en « code share ». Le prix en Business est de 5.232 €. Avec Emirates, le tarif est de 3.890 € en voyageant en Première de Paris à Dubaï et en Business entre Dubaï et Saigon. Certes il faut faire un stop de 3 heures à Dubaï à l’aller comme au retour. Mais enfin il n’y a pas photo, d’autant plus que la Business d’Emirates est bien supérieure à celle de ses concurrents et que l’arrêt à Dubaï n’est pas un inconvénient, bien au contraire.

Revenons un instant sur cette plateforme. Elle vient de dépasser Paris Charles de Gaulle avec 66,4 millions de passagers contre 62 millions pour Charles de Gaulle. Le tout avec trois terminaux dont deux principaux magnifiquement aménagés. Ce qui frappe le client que je suis est l’attention toute particulière portée au confort et au bien être que l’on perçoit à tout moment. Certes au retour de Saigon à 5h00 du matin, notre appareil a été parqué en aire éloignée. Mais immédiatement un car équipé de confortables fauteuils est venu charger les passagers Business. Quant au « lounge first », il est tout simplement incroyable tant l’espace est grand, l’accueil chaleureux et les services impressionnants : un restaurant avec une carte complète ouvert jour et nuit et où on ne vous sert que ce qui est préparé à la minute comme on peut le voir, puisque la cuisine digne des grands palaces est vitrée, deux bars, un buffet, des espaces de détente, des boutiques de luxe et bien entendu des douches entièrement équipées et un salon de massage. Il y a sans doute d’autres facilités, mais même en 3 heures, on n’a pas le temps de tout voir.

Autre aspect frappant : la propreté méticuleuse de cet immense ensemble. Pas un véhicule garé en dehors des espaces parfaitement délimités, pas un chariot à la traine, pas une tâche d’huile à l’extérieur de l’aérogare. Et à l’intérieur pas un grain de poussière, pas un papier par terre, bref tout est fait pour que les passagers en transit se sentent parfaitement à l’aise.

Comment a-t-on pu en arriver à ce degré de perfection ? Sans doute par un acharnement sans nom, car l’affaire n’était pas plus simple à Dubaï que dans n’importe quelle autre grande plateforme. Il faut alors bien rendre hommage au management, car après tout si le résultat était mauvais, il en porterait bien la responsabilité. Il est donc juste de lui reconnaître ses immenses mérites.

Les trois « patrons » se connaissent depuis des années. A leur tête, le Président de la DNATA et d’Emirates : le Sheikh Saeed Bin Maktoum al Maktoum. Il couvre toute l’opération aéronautique de l’Emirat. Il s’est entouré de deux très grands professionnels : Sir Timothy Charles Clark, l’emblématique CEO d’Emirates et Paul Griffiths le CEO des aéroports de Dubaï car un immense nouvel aéroport dimensionné pour 130 millions de passagers est en construction. Paul Griffiths est par ailleurs un organiste mondialement réputé, et il continue à donner des concerts. Ces trois-là s’entendent à merveille et ils ont gagné leur pari : faire de Dubaï le centre du transport aérien mondial.

Ils ne vont d’ailleurs pas s’arrêter là. La création du Dubaï World Central - à 35 km au sud de l’aéroport actuel, qui ne sera qu’une partie d’ailleurs d’un immense ensemble aéronautique appelé Aerotropolis - montre bien les ambitions de l’Emirat. Il sera soutenu par la croissance de la compagnie nationale qui, faut-il le rappeler, a commandé plus de 100 Airbus A 380 et en fait déjà voler 48. Pour réussir le pari un peu insensé de faire transiter par un endroit où il n’y avait à l’origine, en 1985, aucun marché significatif, les opérateurs, que ce soit l’aéroport ou la compagnie et tous les sous-traitants, ont misé uniquement sur la très haute qualité vendue à un prix raisonnable. Voilà pourquoi les clients, dont je fais partie, considèrent l’arrêt à Dubaï non pas comme une contrainte, mais comme un moment de détente.

Reste que les arbres de montent pas au ciel et que cette équipe devra bien affronter quelques difficultés. Et d’abord leur âge. Ils ont fait le plus gros de leur carrière et, comme tout un chacun, ils seront un jour ou l’autre atteints par le vieillissement. Il n’est pas certain qu’ils puissent être remplacés par des individualités de leur valeur, qui de plus s’entendent parfaitement. Et puis il y a les ambitions des voisins d’Abu Dhabi et du Qatar en particulier qui voudraient bien, eux aussi avoir une part significative du gâteau. Et la bagarre risque d’être féroce.

Jean-Louis BAROUX