Embouteillage sur le marché du taxi

84

Ils ont quatre, deux, voire trois roues, et rythment bien souvent le déplacement professionnel. «Taxi», «moto-taxi», «société de transport de personnes» : les appellations changent, et avec elles évoluent les règles du transporteur, comme le vécu du transporté. Pourtant, le principe semble simple, au moins dans l’œil du voyageur d’affaires : aller d’un point A à un point B, en économisant autant que faire se peut son temps et son argent. Mais depuis quelques temps, pas une semaine ne se passe sans que le monde du taxi - au sens large, s’entend - ne fasse parler de lui : nouvelle réglementation pour les motos, "concurrence déloyale" pour les sociétés de transports de personnes, voire escroquerie pour certains "canards boiteux" à Marseille. Entre un secteur qui roule à toute allure vers une offre plus variée, et la lutte des chauffeurs « traditionnels », qui tirent le frein à main pour conserver leur monopole, à quel siège le voyageur d’affaires peut-il se vouer ?

A partir du 1er avril, gare à l’improvisation pour les professionnels qui misent sur la rapidité en optant pour la moto-taxi : la nouvelle réglementation impose à leurs conducteurs une réservation préalable, sous peine d’une grosse amende, voire bien pire. Les comptoirs moto-taxis d’Orly Ouest sont même en voie de disparition : ils devraient fermer leurs portes à la fin de l’année. Autre option, autre polémique : les sociétés de transports de personnes font les frais de la fronde des taxis, qui dénoncent une forme de concurrence déloyale. Cette semaine, une société «low cost» du Vaucluse s’est vu retirer l’une de ses licences.
Derrière ces décisions, le poids du «lobby» que dénoncent les nouveaux acteurs du marché semble assez évident. Mais la lutte des taxis pour défendre leur profession et le strict carcan qui l’encadre apparaît logique, voire louable. Le manque de réglementation vis-à-vis des moto-taxis a donné lieu à des excès – on pense notamment aux échauffourées entre conducteurs devant la gare de Lyon – et la sécurité du voyageur ne peut pas être sacrifiée sur l’autel de la libéralisation des services. Il fallait donc une règle : les autorités ont opté pour la rigueur, en interdisant le «racolage» devant les gares et les aéroports, et en imposant une limite de quatre ans aux véhicules. La sévérité des sanctions devrait prévenir tout manquement, même si les conducteurs évoquent le recours à la clandestinité.

Et le client dans tout ça ? Le recours à une offre plus rapide, comme les moto-taxis, ou moins onéreuse, comme les sociétés low-cost, attire forcément la clientèle des voyageurs, n’en déplaise aux taxis. Pourtant les règlementations et autres décisions de justice ne permettent pas, pour l’instant, d’y voir plus clair dans ce marché de plus en plus dense, de plus en plus confus. Il reste à apprécier, dans la pratique, l’efficacité de la nouvelle réglementation. Et à guetter, dans un futur plus ou moins proche, la place qui sera faite aux sociétés de transports de personnes dans ces règles encore confuses, parfois hypocrites. Car si les services se diversifient, fournissant une offre de plus en plus large, la demande est toujours au rendez-vous, et les prestations diffèrent : le moto-taxi qui facture la vitesse, selon une prestation forfaitaire, ne répond pas au même besoin que les taxis traditionnels, ou les navettes fournies par les hôtels. Il faudra trouver l’encadrement ad hoc, pour mettre en rapport des demandes variées et une offre en évolution, tout en garantissant des prestations fiables, honnêtes, et adaptées. Il y a semble-t-il de la place pour tous, en tous cas pour tous les prestataires sérieux, chacun dans leur domaine. Encore faut-il désormais leur assigner la bonne, pour ne pas laisser le voyageur d'affaire faire du stop.

Florian Guillemin