Encore beaucoup de travail pour la direction d’Air France

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Anne Rigail et Benjamin Smith ont encore beaucoup de pain sur la planche si on en juge par les dernières déclarations de l’entreprise.

D’abord les résultats du premier trimestre de 2019 ne sont pas bons. Avec une perte d’exploitation de plus de 312 millions d’euros et un résultat net de -320 millions d’euros, avant l’audit des comptes, il reste encore beaucoup à faire. Cela représente tout de même une perte d’exploitation de 3,47 millions d’euros par jour. Bien sûr la performance du premier trimestre est en général la plus mauvaise de l’année, mais elle est nettement inférieure à celle de l’année dernière. L’explication est simple : le coût d’un SKO (Siège kilomètre offert est de 7,19 cents, en augmentation de 1,92% alors que la recette est de 6,17 cents, en recul de 1,9%.

Certes les frais de carburant ont augmenté très significativement : 13,2% et il faut bien reconnaître que la compagnie est impuissante devant ce facteur aggravant qui représente 21% du total des charges. Mais de leur côté, les frais de personnel ont eux aussi continué leur progression. Avec 1.972 millions d’euros, ils se montent à 34% des coûts globaux et ils sont en augmentation de 6,4% par rapport au même trimestre de 2018. On conçoit dès lors bien pourquoi la compagnie va annoncer, si on en croit La Tribune, en général très bien informée, un nouveau plan de départs volontaires de 400 postes.

Les difficultés ne sont pas derrière, mais devant la nouvelle direction. Celle-ci doit faire face à deux enjeux majeurs : le maintien du difficile équilibre entre le groupe KLM et le groupe Air France, et la réduction des charges d’Air France. Le cap a été fixé. Benjamin Smith n’a pas caché que la première action devait viser à la simplification de l’organisation. Il faut bien dire que le produit devenait progressivement illisible entre les différentes marques : Air France et KLM, bien sûr, mais aussi Joon, Hop! et ses composantes, Transavia divisée en deux branches, City Hopper et Martinair. Le ménage a commencé avec la disparition programmée de Joon. Il faut maintenant s’atteler à l’organisation du transport domestique français. Celui-ci perd beaucoup d’argent : plus de 100 millions rien qu’au premier trimestre. Cette situation est assez facilement explicable. En dehors de la concurrence des low costs et du TGV, il y a un sureffectif chronique des escales et une exploitation éclatée en plusieurs compagnies qui chacune a sa propre logique dans ses relations avec les salariés et au premier rang desquels, les pilotes.

Voilà un vrai casse-tête à résoudre, le tout en évitant si possible les conflits sociaux dont le groupe Air France est si familier et qui lui coûtent si cher. La paix sociale a été signée en fin d’année dernière avec les pilotes, en profitant des nouvelles élections à la tête du syndicat. Mais il semble que le feu ne soit pas complètement éteint car on annonce maintenant un nouveau préavis de grève, même si celui-ci a été repoussé. Disons-le, cela ferait le plus mauvais effet et dans l’entreprise et chez les clients. La diminution des effectifs dans les escales est un sujet récurent auquel personne n’avait vraiment osé s’attaquer. Mais on ne peut pas toujours cacher la poussière sous le tapis. La gestion par le moyen d’un PDV est sans aucun doute celle qui a le plus de chance de passer sans conflit majeur. Cela vaut bien quelques coûts.

Et puis il faudra bien que l’avenir du transport domestique soit lui aussi dessiné. Le mille-feuille actuel Air France/Hop/Airlinair/ Britair/Regional est intenable. Mais défaire la pelote ne sera pas chose aisée. Certes le groupe pourra toujours continuer l’attrition de son exploitation domestique, mais c’est laisser le champ ouvert aux concurrents low costs, essentiellement EasyJet et Volotea, qui gagnent de l’argent là où Air France en perd. Bref tous ces chantiers sont très compliqués à gérer.

L’affaire est d’ailleurs encore plus délicate vu de plus haut car le groupe KLM affiche encore de bien meilleurs résultats que son homologue français. Et puis, de nouveaux venus se sont installés à la table du Conseil d’Administration : l’Etat Néerlandais, Delta Air Lines et China Eastern. Il va être de plus en plus difficile de réunir des majorités pour engager une stratégie du groupe sur le moyen et long terme.

L’ensemble Air France / KLM est encore très puissant. 550 appareils, 100 millions de passagers, un chiffre d’affaires de plus de 25 milliards d’euros soit quand même près de 70 millions d’euros par jour, ce n’est pas rien. Et la marque Air France reste très forte. Raison de plus pour ne pas la disperser.


Jean Louis BAROUX