Etihad, attention danger pour Air France et les autres

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Alors que les syndicats français s’attaquent au Ministre des transports qui aurait trop bien reçu Carolyn Mc Call, la patronne d’easyJet, le 23 mars dernier, la partie qui se joue en sous-sol avec Etihad est bien plus dangereuse pour l’emploi et pour l’avenir d’Air France. Certes, à la veille des élections professionnelles à Air France, la période est à la surenchère ce qui ne favorise ni le réalisme, ni l’objectivité. Mais à bien y regarder, le travail souterrain d’Etihad devrait effrayer nos bons syndicalistes. De quoi parlons-nous ?

L’information donnée par DéplacementsPros ce 24 mars sur la montée souhaitée d’Etihad au capital d’Air Berlin pour y adosser Alitalia semble anodine…. Et pourtant. Présente dans les accords signés avec Air France et en passe de s’implanter sur deux grands marchés européens (Allemagne et Italie) via un troisième pays, la Suisse, Etihad va ainsi prendre en tenaille les compagnies régulières européennes en siphonnant une partie de leur clientèle vers le hub d’Abu Dhabi. Une sorte de tour de passe passe construit sur une vision commerciale d’Etihad qui ne manque jamais de rappeler son accord avec Air France, et d'évoquer un partenariat « gagnant gagnant ». Mais pour qui?

A bien étudier les faits, Etihad met en place une formidable stratégie de développement basée sur la faiblesse de certaines compagnies dont le seul mérite est de disposer de slots et d’infrastructures dans de grands aéroports européens. Abu Dhabi connait bien ce procédé qui consiste à racheter des compagnies en difficulté pour les faire croitre sur les marchés de ses propres concurrents.

Preuve de cette ambition, le regard porté par Etihad sur Aer Lingus (et le marché britannique) voire à terme sur des compagnies des pays de l’Est déjà approchées, comme Lot ou Wizzair. Sans oublier TAP ou SAS, deux européens en difficultés économiques qui se verrait bien dans le giron de la compagnie du Golfe. Bien évidemment, le parlement européen dit qu’il «veille au respect des règles européennes». Une affirmation sans risque qui ne lui coûte rien. Etihad qui vient d’acquérir des ATR pour les vols domestiques d’Etihad Régional sait que l’économie prime sur les principes.

Enfin, ressort ce vieux serpent de mer : «Abu Dhabi serait propriétaire d’une grande partie du capital d’Emirates en garantie de l’argent prêté à l’Émirat voisin pendant la crise économique». Souvenez-vous, ce sont les 10 milliards de dollars apportés à Dubaï pour payer la dette de Nakheel, la filiale immobilière de l'Emirat. En 2009, les contreparties de ce prêt sont restées discrètes. Imaginons un court instant que cela soit vrai ? La CGT, SNPL et consort auraient du grain à moudre plus vite que prévu.

Hélène Retout