Expliquez-nous Jean Charles Périno, la Compagnie, pourquoi un Londres/New York ?

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En annonçant l'ouverture, en mars 2015, du Londres New York, la compagnie a surpris les spécialistes du transport aérien. Pour les oiseaux de mauvais augure, et ils sont nombreux dans cet univers, le choix est risqué pour ne pas dire dangereux.

 « Dans un marché ultra consolidé, où l'on retrouve les plus grands du transport aérien sur la ligne transatlantique la plus fréquentée, l'outsider a beaucoup plus de chance de s'imposer » poursuit Jean Charles Périno pour qui le pari est effectivement difficile mais qui reste persuadé que les arguments développés par la Compagnie vont séduire le marché britannique. Pour comprendre, nous lui avons demandé pourquoi ce choix, a priori complexe.

DéplacementsPros : avant d'évoquer la nouvelle ligne que vous mettrez en service en mars 2015 entre Londres et New York, où en êtes-vous aujourd'hui au départ de Paris ?

Jean Charles Perino : comme nous l'avons expliqué, dès la création de la Compagnie, il faut du temps pour s'implanter. Nous ne sommes pas arrivés en étant persuadés qu'en deux mois nous allions tout gagner. Cela aurait été stupide et peu professionnel. Les résultats obtenus à ce jour sont légèrement supérieurs à ceux que nous attendions. Notre taux d'occupation moyenne frôle les 55 % et l'engouement pour notre produit est de plus en plus fort au sein des PME-PMI voir même des grandes entreprises. Ce que nous avons dit dès le départ reste d'actualité. Nous n'offrons pas la meilleur business classe au monde mais le meilleur prix entre Paris et New York. Cette franchise s'est révélée être un argument de taille pour des acheteurs qui ne voulaient pas basculer dans une classe avant au même tarif que ce qui existait sur le marché. Nous avons dit : un bon prix, un bon service, un excellent rapport qualité/prix. Notre arrivée sur les GDS a également consolidé notre visibilité dans les entreprises.

Le passage en vol quotidien à partir du 5 janvier prochain va nous permettre de renforcer la régularité et l'offre. Deux points annoncés en septembre dernier. Enfin, il est clair que pour obtenir la rentabilité attendue nous devons encore développer notre taux d'occupation pour le mener à 70 voire 80 %. N'oublions pas que la compagnie n'a que cinq mois d'exploitation.

DéplacementsPros : pourquoi le choix du Londres/New York, c'est risqué ?

Jean Charles Perino : évidemment, si l'on regarde l'offre au départ de Londres, et surtout vers New York, on se rend compte qu'il y a une bonne couverture de la part de nos concurrents, mais à des prix très différents de ceux que nous proposons aujourd'hui aux entreprises. Comme pour la France, nous visons le marché des PME-PMI, des entreprises indépendantes, des professions libérales, du loisir à haute contribution qui, sur la région londonienne représente aujourd'hui, selon la saison, entre 25 et 55% des voyageurs vers les États-Unis. New York pesant, pour cette clientèle, environ 35 % de la  destination américaine. Dans un marché qui se consolide de plus en plus, et où Oneworld est très présente avec 17 vols quotidiens proposés par British Airways, Finnair; Iberia  ou American Airlines, le petit nouveau, capable d'offrir un bon prix, des services de bonne qualité et une fréquence suffisante pour ce type de marché devient très vite attractif pour les acheteurs.

Même si la capacité entre Londres et NY a légèrement diminué ces derniers mois, la demande vers les États-Unis reste forte mais en Angleterre, comme en France, les acheteurs sont contraints de réaliser des économies permanentes sans forcément s'attaquer à la qualité du voyage. La Compagnie leur offre une réponse très concrète avec une business qui certes, n'offre pas un lit plat, mais qui propose de la place, un divertissement individuel à bord et un service de repas de haute qualité. Nous apportons à Londres une autre vision du vol vers New York, un autre tarif pour une clientèle attachée à la classe avant mais qui aujourd'hui n'a plus forcément les moyens de suivre avec les compagnies traditionnelles. La est le pari que nous faisons et nous y croyons.

Enfin, et c'est un argument majeur, en Angleterre comment France, le prix est devenu l'un des éléments déterminant au moment de choisir un billet d'avion. Certes, la fidélisation et les programmes associés, peuvent séduire les voyageurs d'affaires mais on se rend compte, de plus en plus, que l'entreprise devient très directive dans le choix des compagnies proposées à leurs voyageurs. Et là encore, le choix est souvent piloté par le tarif.

 

DéplacementsPros : Pourquoi n'avoir pas choisi un Amsterdam/New York ?

Jean Charles Perino : c'est une question qui revient souvent mais qui est souvent posée par des gens qui ne connaissent pas bien la réalité du marché hollandais. La demande "business" vers NY reste assez faible, elle est bien couverte par KLM qui dispose d'un assez bon nombre de fréquences sur New York. D'autres personnes nous disent, vous auriez pu voler vers Boston, Montréal ou Washington. C'est vrai mais le constat là aussi est clair: il n'y a pas un réel marché business sur ces destinations. Il faut être réaliste dans une compagnie aérienne et se positionner sur des liaisons dont on sait que la rentabilité peut être au rendez-vous avec le temps. C'est la stratégie que nous avons toujours adoptée, et Londres correspond, pour nous, au cahier des charges que nous nous étions fixés au lancement de la compagnie.

DéplacementsPros : le marché américain répond-il aussi bien que le marché français ?

Jean Charles Périno : c'est un marché difficile, lui aussi très orienté vers le prix. Vu la taille du continent américain, et même de la région new-yorkaise, il fallait du temps aux voyageurs pour prendre conscience qu'il existait une alternative "business" aux grandes compagnies américaines françaises ou britanniques qui opèrent au départ de JFK ou Kennedy. Aujourd'hui on sent que notre offre attire et interroge. C'est un excellent point de développement. Le marché américain représente 40 % de notre activité et devrait normalement s'équilibrer avec la France avant la fin de l'année prochaine. Il nous faut là aussi séduire, expliquer et démontrer la qualité du produit pour que les acheteurs américains nous intègrent pleinement dans leur politique voyage.