Faut-il s’inquiéter de sa e-réputation ?

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La peur systématique du net est bien réelle en matière de réputation. Du moins celle qui consiste à voir son image égratignée par toutes sortes de critiques, fondées ou non. Je suis un homme comme les autres avec ses bons côtés, ses défauts et ses erreurs de jeunesse plus ou moins avouables. Je me suis trompé, j’ai réussi de belles choses et connu de retentissants échecs. Ainsi va notre vie. Qu’importe ce que l’on pense de moi. Je ne peux ni changer le sens de l’histoire, ni refaire ce que j’ai été. Nous sommes près de 5 milliards sur terre. Dans tous les cas, on ne pourra pas aimer tout le monde. Autant le savoir, nous avons tous nos ennemis.

Selon l’observatoire des tendances du net, plus de 70 % des internautes craignent la critique... Alors qu’ils sont près de 85 % à reconnaître qu’ils se sont souvent lâchés, anonymement, sur les forums ou les sites de commentaires. Saint Pierre avait raison, «L’homme n’est pas naturellement enclin à aimer son prochain». Et il le prouve encore plus avec la montée en puissance du digitale.

Au final que va-t-il se passer ? Comme l’explique le sociologue américain Mike Rush, qui s’est fait une règle de ne jamais apparaitre sur les réseaux : «La moitié des internautes vous aimera et l’autre vous détestera. C’est déjà ce qui se passe autour de vous dans la vie. Bien malin celui qui arrivera à se faire une opinion juste sur votre personnalité réelle». Et d’insister: «Le net exacerbe la curiosité. Le balancier de l’extrême reviendra à la normale». Il reste que si les hommes ont la mémoire courte, internet sait la prolonger. Et certains se font copieusement insulter, plusieurs années après des faits peu clairs, par des inconnus qui ne connaissent pas le fond d'une histoire mais s'érigent en juge. Difficile d'échapper à ce type de problématique, d'où les 42 000 réclamations déposées en quelques jours auprès de Google, avec une tendance à l'accélération ces derniers jours nous dit-on.

Que faut-il lors en penser ? Alain Joyet, sociologue aujourd’hui dans une entreprise de sécurité, a toujours dit qu’il fallait distinguer le cercle proche de ses connaissances de celui de son environnement professionnel. La vraie réputation est généralement celle que feront les amis, les professionnels satisfaits et tous ceux qui globalement, auront une bonne impression, à la première lecture de votre profil. Les autres, ceux qui s’arrêteront à un premier sentiment, vrai ou faux, surferont sur la vague du superficiel que développe à outrance internet.

Preuve de cette prudence sur la vision première d’une réputation, les cabinets de recrutement sérieux s’informent sur le net mais ne se font jamais une raison à la lecture des informations positives et négatives sur un candidat. Et pour cause: afin d’éviter la fuite des compétences, des sociétés (un peu tordues peut être) payent aujourd’hui des officines chargés d’attaquer leurs propres salariés qu’ils refusent de voir partir. En noircissant le tableau sur le net, ils se garantissent la confiance des employés, voire même la stabilité sociale. Un peu comme les faux avis sur les hôtels.

Il reste enfin à faire la part des choses. Dans une société ultra médiatisée, où chacun d’entre nous est un journaliste en puissance, il faut différencier l’information du ressenti, la critique des faits, de l’attaque personnelle. Là est toute la difficulté. Quant au reste, pas d’inquiétude le temps reste à ce jour notre meilleur ami.

Pierre Barre