Frais de service à un euro ou gratuits, leurre ou réalité ?

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Les conférences et ateliers du salon sur la mobilité professionnelle qui s’est tenu ces derniers jours à Paris ont, à nouveau, mis en évidence le modèle économique de la distribution dans le voyage d’affaires.

La valeur ajoutée des TMC a été démontrée tout au long de ces échanges entre opérateurs, clients et agences. Les entreprises attendent beaucoup de leur TMC pour les aider à gérer leur mobilité. La liste des attentes est longue et peut rendre ces professionnels optimistes : identification des dépenses, aide à la mise en place de règles et de politiques d’achat, respect de celles-ci, relais de communication auprès des voyageurs et prescripteurs, réservation en ligne ou par téléphone, tarification, facturation, reporting, analyses, assistance à la navigation sur les outils en ligne, conseil, sécurité, assistance aux voyageurs (les récents évènements Bruxellois l’on encore démontré), mais encore intégration de nouvelles solutions (VTC, Parking, hébergement…)…

Face à ces besoins, les agences investissent lourdement dans les technologies de l’information et se transforment radicalement à un rythme soutenu que peu de secteurs d’activité ont connu.

Alors que ces éléments de valeur sont incontestables, les acteurs de ce secteur très concurrentiel se livrent une bataille sans merci sur le prix. Ils en sont responsables, entretenus dans ce combat suicidaire par des clients qui en profitent à court terme.

Face à des acheteurs qui, tactiquement, cantonnent les agences dans une prestation de commodité à faible valeur ajoutée, les TMC redoublent de créativité pour formuler leurs prix.

Deux méthodes se distinguent majoritairement aujourd’hui : le « bundle fee » qui intègre la majeure partie des services attendus par l’entreprise et le « unbundle  pricing» bâti sur une grille de frais par nature de prestations (rail, aérien, national, international, hôtel etc), ces frais intégrant également les charges générales de l’agence (siège, backoffice, maintenance…).

Des approches innovantes sont également proposées : le paiement d’un forfait mensuel, trimestriel ou annuel calculé sur une estimation budgétaire qui remplace la facturation à l’unité de frais de service par voyage ou titre de transport, évitant ainsi la multiplication coûteuse des lignes de facturation. Ces derniers mois, quelques TMC ont « cassé le code » en proposant aux acheteurs des frais à 1 euro et même 0 euro !

Ce graal pour les cost killers leur donnerait il raison ? La TMC n’apporterait elle donc aucune valeur ajoutée pour que le prix de sa prestation soit réduit à néant ?

Je ne le pense pas et les agences qui proposent ces « pricings » agressifs sont convaincues du contraire. Elles répondent simplement à une attente de l’acheteur qui cherche à isoler le coût de gestion d’une transaction simple sur un workflow en ligne totalement robotisé. Ces professionnels sont parvenus à en faire un argument de vente pour attaquer ce marché en intégrant leurs coûts de fonctionnement très limités, la maintenance de ces portails et les quelques commissions qui subsistent encore (rail et air : de 1 à 3% en moyenne). L’entreprise cliente a cependant bien d’autres besoins listés plus haut, et elle se verra alors facturée des frais bien supérieurs pour ces prestations à valeur ajoutée pour lesquels l’humain et l’expertise interviennent dans ce volet « conseil » de l’activité de l’agence.

Si les commissions venaient à disparaître (ce que je n’envisage pas pour ce métier d’intermédiation), le fee augmenterait d’autant pour combler cet éventuel manque à gagner !

Cette démarche n’est donc pas une accroche marketing. Elle est une autre réponse à une demande bien précise. Cette réponse est toute aussi respectable que les traditionnelles grilles de frais, souvent tirées au plus juste, mais devenues trop globales pour des acheteurs en recherche de plus de transparence. Contrairement à certains, je ne suis pas choqué par ces fees tant qu’ils restent construits sur des coûts et des revenus cohérents avec l’économie du marché.

Par contre, je ne manque pas une occasion de mettre les entreprises en garde sur d’autres approches de prix cassés pratiquées par des distributeurs qui ont choisi un modèle de négoce beaucoup moins transparent pour le client. Ces bonnes « affaires » cachent des marges ajoutées sur les prix des billets négociés. Ces « mark up »  sont bien plus profitables à ces agences que les fees qu’elles pourraient encaisser. Ils peuvent représenter 15 à 30% de surcharge sur les tarifs nets. Belle économie pour l’entreprise que ces frais bradés…, belle affaire pour ces agences !

La TMC inscrit son futur dans les métiers du conseil. La transparence sur ses coûts et revenus transactionnels devient le meilleur gage de confiance entre celle-ci et son client. Le client doit aussi intégrer dans son évaluation du prix les coût indirects de son agence (siège, backoffice, systèmes et investissements) qui existent dans toutes les toutes entreprises et notamment chez les plus innovantes.

L’entreprise a besoin d’un opérateur de transactions certes, mais aussi et surtout de l’expertise d’un professionnel du voyage pour le conseiller dans la gestion de sa mobilité, pour accompagner ses voyageurs tout au long de leur parcours.

La génération Y, qui prend le pouvoir, est très sensible à son « expérience client » et à son bien-être au travail. Les entreprises l’ont bien compris et redoublent d’efforts pour retenir leurs talents. L’agence doit donc répondre aux attentes de cette nouvelle génération en quête de digitalisation et de professionnalisme. Ceci a un coût et constitue une valeur que personne ne peut nier.

Ce marché gagne chaque année en maturité et je reste persuadé que la transparence et la confiance seront bénéfiques aux entreprises mais aussi aux TMC dont le niveau actuel de rémunération ne correspond pas suffisamment à la réelle valeur ajoutée qu’elles apportent à leurs clients.

Régis Chambert

A propos de RC2       
 
RC2,  Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.
 
Régis Chambert a été Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages puis présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.
La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.
 
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