Frantz Yvelin, La Compagnie: «Nous lançons MyCompagnie, un programme de fidélisation qui devrait séduire les voyageurs d’affaires»

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En quelques mois, ce qui pouvait apparaître absurde dans l’univers du transport aérien est devenu cas d’école chez les spécialistes du transport aérien. Lancée en juillet 2014, la Compagnie s’est installée, avec une certaine réussite, sur les liaisons outre Atlantique en 100% Classe Affaires. Outre le Paris - New-York, c’est désormais le Londres - New-York qui occupe la une de l’actualité d’une jeune entreprise qui a compris que low fare ne voulait pas forcément dire low cost.

Comment expliquer l’apparent succès de La Compagnie dans le monde du transport aérien au départ de Paris et de Londres ? Les chiffres seuls ne suffisent pas à résumer une aventure, surtout quand ils démontrent que le projet mené par Frantz Yvelin devient au fil des mois une réelle réussite commerciale. "On nous disait morts en trois mois", explique en souriant Frantz Yvelin "Nous fêterons nos un an en juillet prochain".

Pour ce professionnel de l’aérien, dont le mentor Marc Rochet était à l’origine de l’Avion (devenu OpenSkies), le transporteur tout business basé sur le même principe que La Compagnie, les indicateurs démontrent bien que l’adéquation entre le prix et le service reste toujours un élément marketing fort. Mais au-delà d’un projet bien mené sur le papier, c’est l’offre faite à la clientèle qui a bougé. "Nous avons écouté les demandes, les critiques ou les suggestions", souligne Frantz Yvelin, "Nous avons modifié certains services et adapté l’offre aux attentes du Corporate Travel ou du loisir". Aujourd’hui, si l’avenir s’annonce optimiste, tout repose sur le travail quotidien d’une petite équipe attentive aux attentes des clients. Mais le maître mot de La Compagnie reste le prix. Face à des concurrents dont les tarifs sont généralement entre 1,5 et deux fois supérieurs aux siens, la seule solution pour exister réside dans un mariage réussi entre un prix attractif et un service apprécié par les voyageurs. "Nous ne faisons pas de promesses que nous ne pouvons pas tenir", remarque Frantz Yvelin "Nous offrons le meilleur rapport qualité-prix business sur des liaisons vers New York, sans luxe excessif mais avec une qualité de service qui correspond parfaitement aux attentes de nos voyageurs".

Rencontre avec un entrepreneur heureux qui fourmille d’idées.

DéplacementsPros: Soyons francs, cette idée de lancer des vols 100% classe Affaires au départ de Paris vers New York à des tarifs attractifs était loin d’être un pari gagné?

Frantz Yvelin : Ce n’est rien de le dire ! Nous avons subi les foudres des Cassandre qui ne nous donnaient pas trois mois à vivre et qui trouvaient que le projet était économiquement non viable. Notre travail n’était pas de les démentir, même si aujourd’hui nous le faisons de fait, mais de prouver à nos clients que l’on pouvait prendre un vol quotidien 100% Affaires vers New York à un tarif attractif. Et si les experts doutaient, les clients, eux, nous ont suivis. Aujourd’hui, nous avons déjà réalisé plus de 500 vols commerciaux avec un taux de ponctualité sur le long-courrier qui frôle les 75% ce qui, dans ce domaine est déjà un excellent indicateur. Le taux de régularité frôle les 96% ce qui nous a permis de rassurer nos clients Corporate. À ce jour, ce sont plus de 20 000 passagers qui ont été transportés entre Paris et New-York avec un taux d’occupation moyen de l’ordre de 80%. Bien évidemment, ce chiffre est très dépendant de la saison mais lissé sur les 10 mois d’existence, il est vraiment très bon.

Tout cela s’est fait en adaptant en permanence le produit et en optimisant le contact direct avec le voyageur pour comprendre comment améliorer l’offre tout en restant dans les critères de prix que nous nous étions fixés. Si l’on regarde du côté de Londres, le taux d’occupation des vols vers New York atteint aujourd’hui les 60%, mais avec un vol qui n’est pas encore quotidien. Notre développement en Angleterre a été plus rapide qu’au départ de Paris mais avec une clientèle plus prompte à s’engager sur le Best Buy. Dans tous les cas, j’avais annoncé au moment du lancement que nous mettrions 12 à 18 mois pour atteindre l’équilibre. Je confirme ce que je disais, même si j’espère que nous atteindrons cet objectif plus rapidement.

DéplacementsPros: Si l’on regarde différents tarifs sur le site Internet de la compagnie, on arrive à un prix moyen aller-retour d’environ 1650 €, soit deux fois moins qu’Air France ou American Airlines, vous confirmez?

Frantz Yvelin : Je ne vous confirmerai pas ce chiffre car c’est une information stratégique qu’il ne nous appartient pas de diffuser à nos concurrents. Je ne commenterai pas plus les tarifs appliqués par d’autres compagnies sur la ligne mais je crois qu’il est essentiel de bien comprendre notre business model, construit sur le point à point, avec des appareils adaptés aux liaisons que nous souhaitons et à des tarifs accessibles aussi bien pour le monde des affaires que celui des loisirs. Aujourd’hui, 60% de notre clientèle se déplace dans l’univers du business Travel. C’était une prévision que nous avions avancé au lancement de la compagnie et qui se révèle aujourd’hui vérifié. Pourquoi ? C’est simple à comprendre. A l’heure où l’on parle beaucoup du Best Buy, dire à un acheteur que pour le prix d’un seul billet chez nos concurrents il pourra faire voyager deux cadres de son entreprise est un atout fort. D’autant qu’avec l’économie réalisée, il peut couvrir une très large partie des frais engagés pour le déplacement professionnel. A contrario, il faut aussi lui dire que ses passagers ne voleront pas sur une compagnie au rabais mais disposeront d’une classe affaires de qualité, bien adaptée à la durée du vol.

DéplacementsPros: Vous êtes présents sur le GDS TravelPort. C’était un outil essentiel pour vous?

Frantz Yvelin : Oui bien évidemment, et ce malgré les difficultés de mise en route que nous avons rencontrées. Notre arrivée sur le GDS nous a permis d’être intégrés dans les SBT et de répondre ainsi aux attentes des entreprises qui voulaient maîtriser leurs dépenses et permettre à leurs voyageurs de réserver leurs billets avec nous. Nous n’avons jamais imaginé que la distribution se limiterait aux seuls sites Internet de l’entreprise. Il nous fallait offrir de multiples canaux et celui de l’agence de voyages, la TMC entre autres, était indispensable au développement de la compagnie. Aujourd’hui, elle joue le jeu.

DéplacementsPros: Quelles relations avez-vous avec les entreprises françaises qui volent vers NY?

Frantz Yvelin : Nous avons signé entre 40 et 50 contrats Corporate en France. Nous avons encore une marge importante de développement avec les entreprises qui se rendent fréquemment à New York. Mais il nous faut les convaincre, expliquer notre modèle et préciser ce qui fait notre force. Tout cela demande du temps. Les entreprises le comprennent et elles sont nombreuses à challenger nos offres.

DéplacementsPros: J’imagine que leur question est toujours la même, que faites-vous si un avion est en panne ?

Frantz Yvelin : Très exactement la même chose que nos concurrents. Nous allons reprotéger nos clients. Vous n’imaginez pas un court instant qu’une grande compagnie va virer les clients du vol suivant pour mettre ceux du vol annulé. Il faut jongler avec les horaires, s’adapter à l’offre du terrain et faire en sorte de trouver une solution très rapide pour les clients. Heureusement, cela ne nous est arrivé qu’une fois en deux, principalement lors du lancement de La Compagnie. Bien sûr, certains nous disent "mais un vol par jour, c’est court!" À une époque où l’anticipation des achats est devenue l’une des règles fortes des politiques voyages, il est assez facile pour nos clients de s’adapter aux horaires de notre vol, que ce soit Paris comme à Londres. Je peux vous dire qu’ils le font sans aucun problème.

DéplacementsPros: Comment voyez-vous votre développement ?

Frantz Yvelin : Très concrètement, notre modèle n’est pas adapté à toutes les routes. Vous ne nous verrez jamais sur des destinations à moins de trois heures. Pour autant, la nature même des appareils que nous utilisons aujourd’hui nous limite à un certain rayon d’action car il est important pour nous de maintenir cette idée du point à point. Cela veut dire, et nos clients nous le demandent, que nous nous devons de regarder les prochaines étapes du développement de La Compagnie. Tout naturellement, beaucoup parlent de l’Asie. D’autres évoquent la côte Ouest des États-Unis voire même l’Amérique du Sud. Stratégiquement parlant, je ne vous dirai pas aujourd’hui ce que nous envisageons. Rien n’est décidé et, à l’évidence, nous devons faire évoluer notre flotte pour envisager de nouvelles destinations.

DéplacementsPros: On voit aujourd’hui que la bataille sur la business est une bataille de service, en vol et au sol. Que faites-vous à ce niveau ?

Frantz Yvelin : Encore une fois, l’ambition de la compagnie  n’a jamais été de concurrencer certains transporteurs, du Golfe ou d’ailleurs. Nous avons toujours souhaité trouver cet équilibre parfait entre le prix et le service. Je vous donne un exemple: nous servions au début un thé de qualité moyenne sur le vol. Ce sont les clients qui nous ont invité à modifier cette offre et à prendre des produits de meilleure qualité. Nous avons augmenté le nombre de films proposés sur les tablettes fournies aux voyageurs. Petite anecdote à ce sujet, au départ de Londres nous proposons désormais l’intégrale des films de James Bond. Un détail qui connaît un très grand succès chez nos clients. Autre point fort, nous travaillons régulièrement la gastronomie à bord et notre offre de vins et d’alcools. Tout cela se fait en parfaite adéquation avec les attentes de nos voyageurs. C’est notre grande force que de nous appuyer sur leur demande, d’en étudier la faisabilité et de leur démontrer à bord que nous avons tenu compte de leur choix.
Bien évidemment, nous pourrons agréger à terme de nouveaux services comme la réservation d’une limousine à Paris ou à Londres, un service d’hélicoptères à New York voire une offre plus globale qui intégrerait l’hôtellerie. Mais tout cela reste au stade de projet, nous les étudions mais nous ne nous précipiterons pas si la demande n’est pas encore là.

DéplacementsPros: Et le wi-fi, attendu par les voyageurs d’affaires?

Frantz Yvelin : On en parle beaucoup mais personne ne m’a encore démontré que c’était une attente forte de la part des voyageurs. L’avion reste un sanctuaire où l’on n’a pas envie d’entendre sonner le téléphone toutes les cinq minutes. Pour autant, et nous en sommes conscients, le wi-fi est un outil de travail pour beaucoup de nos clients. Nous l’étudions, même si la traversée de l’Atlantique pose aujourd’hui un problème technique autour d’une  liaison satellitaire permanente. Les outils capables de le faire ne seront en place au début 2016 et demanderont quelques mois de travail avant qu’ils ne soient totalement opérationnels. Quand ce sera le cas, nous regarderons comment équiper nos avions et quelle offre nous proposerons à nos clients. Encore une fois, il faut sentir le besoin pour le proposer. L’anticiper ne sert à rien si au final seul, deux ou trois voyageurs utilisent le wi-fi à bord de nos appareils.
 

DéplacementsPros: Pas de projet de code share au départ de New York vers d’autres destinations américaines ?

Frantz Yvelin : Je vous le répète, nous sommes une compagnie de point à point. Cela peut apparaître comme un détail, mais c’est l’un des éléments clés de notre stratégie de développement. Le cœur même de notre business model. Pensez-vous qu’à l’heure d’Internet, un client n’est pas capable d’aller faire l’acquisition d’un billet sur une compagnie domestique américaine au départ de New York ? Il est évident, et nous en avons des exemples quotidiens, que bon nombres de voyageurs font ce choix après avoir passé quelques jours à New-York. Alors bien sûr, nous regardons avec d’autres compagnies ce que nous pouvons proposer. Mais tout cela est complexe car la mise en place d’une telle offre ferait bouger nos propres outils informatiques et demande une intégration des données qui ne sont pas les nôtres. Voilà pourquoi je reste prudent sur le sujet. Discuter ne veut pas dire décider.

DéplacementsPros: Face aux miles qui séduisent les voyageurs d’affaires, vous avez évoqué dernièrement l’arrivée prochaine d’un programme de fidélisation. Où en êtes-vous?

Frantz Yvelin : Nous sortons d’une phase Beta et nous le proposons dès aujourd’hui. Il s’agit d’un programme de fidélisation à points et dont la particularité est d’être rétroactif, ce qui veut dire que tous ceux qui ont voyagé avec nous depuis le lancement de La Compagnie peuvent faire valider leurs vols. Et pour simplifier le tout, nous avons donné un nom face à retenir : mycompagnie.

Entretien réalisé par Marcel Lévy

 
Fidélisation : comment gagner des vols sur la Compagnie ?

Chaque vol effectué à bord de la compagnie permet de cumuler des points selon un barème bien précis :
 
  • 1 point pour un billet au tarif «promo »
  • 2 points pour un tarif "best buy"
  • 3 points pour un billet "semi flex"
  • 5 points sur un "full flex"
 
Pour convertir ces points en billets d’avion il faudra :
 
  • 20 points pour un aller simple
  • 40 points pour un aller-retour