Geos analyse les polémiques nées de l’Euro 2012 en Ukraine

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L’organisation de l’Euro 2012 par l’Ukraine, conjointement avec la Pologne, a été teintée de polémiques, notamment liées au procès controversé de l’opposante Ioulia Timochenko, éclipsant les profondes défaillances du système ukrainien et leurs conséquences sur l’environnement sécuritaire. Si tous les acteurs européens s’accordent sur la condamnation de ce procès, politiquement motivé, l’utilisation de l’Euro 2012 comme levier de pression ne fait pas l’unanimité au sein de l’UE.

Geos analyse les polémiques nées de l'Euro 2012 en Ukraine
Si les dirigeants autrichiens et les membres de la Commission Européenne ont d’ores et déjà annoncé leur boycott de l’évènement, d’autres tendent à privilégier la menace de la non-ratification de l’accord d’association avec l’Ukraine, paraphé fin mars, tant que l’opposante ne sera pas libérée. Ce traité apparaît comme un pas fondamental de l’Ukraine vers l’Europe en cela qu’il établit un important volet commercial, facilitant considérablement les échanges bilatéraux. Par ce biais, l’issue de ce procès apparaît comme une étape fondamentale dans l’évaluation de la réalité d’un Etat de droit en Ukraine, ce critère étant l’une des principales conditions d’accession à l’UE.

En effet, si le gouvernement ukrainien déplore régulièrement la politisation extrême de cet événement sportif, le choix de confier l’organisation de l’Euro 2012 à la Pologne et à l’Ukraine en 2007 a été largement motivé par des considérations politiques. L’accueil du championnat constitue une véritable opportunité pour le pays de plaider en faveur de sa future intégration européenne, perçue comme la continuation logique du rapprochement amorcé ces dernières années afin de contrer l’influence russe.
Cependant, la monopolisation par les médias de cet aspect politico-diplomatique du tournoi a sensiblement éclipsé les difficultés économiques et sécuritaires éprouvées par l’Ukraine, pouvant potentiellement affecter les nombreux ressortissants étrangers qui seront présents pendant le championnat.

Les obstacles économiques ont été considérables, concernant notamment le financement des infrastructures nécessaires ainsi que le respect des délais imposés. Le manque d’investissements étrangers, du à l’instabilité politique chronique, ainsi que l’insuffisance des fonds publics disponibles, en raison de contraintes de restrictions budgétaires conditionnant l’aide du FMI, ont favorisé la contribution financière massive des oligarques ukrainiens qui ont ainsi pu renforcer leur mainmise et leur influence au sein des institutions politiques. Cette criminalisation de la société ukrainienne tend à renforcer une corruption endémique affectant la plupart des services publics. En effet, plusieurs chantiers ont été retardés en raison d’affaires de corruption, ceux-ci ayant été attribués sans appels d’offre et selon une procédure opaque. L’Ukraine est par ailleurs classée 152ème (sur 182 pays) par l’Indice de Perception de la Corruption 2011 (Transparency International).

En outre, malgré un renforcement significatif des effectifs policiers (23 000 agents déployés) et de surveillance, les autorités ont d’ores et déjà annoncé qu’il serait difficile de contenir les activités de prostitution et celles liées à la petite criminalité, au vu de l’opportunité économique que l’afflux de visiteurs étrangers représente.
S’il est indéniable que l’Euro 2012 a représenté pour l’Ukraine un formidable élan politique et économique, l’affaire Timochenko n’est pas la seule faille expérimentée par le pays. Les causes profondes de son retard économique et de l’éloignement de la perspective européenne sont ailleurs, et méritent une attention toute particulière.

Une analyse proposée par le Bureau "Veille et Analyse Risque Pays" de Geos