Grâce à la SNCF, je sais tout de vous !

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Franchement, cela m’a attristé de savoir que son ainé avait été pris la main dans le sac en train de voler une barre de chocolat dans une grande surface. Pire, son beau père souffrait d’hémorroïdes depuis 15 jours et sa mère, qui était tombé dans l’escalier, avait du mal à marcher. J’ai appris que sa boite, une grosse entreprise du BTP, battait de l’aile. Il faut dire que Jordan, le boss, était d’une nullité crasse. Pire, ils avaient perdu un gros client mais comptait se rattraper sur un appel d’offres. Je ne vous dirais pas lequel !

Au fait, je ne connais pas celui qui m’a fourni autant d’infos aussi généreusement. Je pourrais même vous en dire encore plus sur lui, mais cela n'aurait pas plus d'intérêt. Rendons grâce à la SNCF, elle a rien à voir avec ce déballage qui s’est déroulé ce 12 septembre dans un TGV entre Paris et Lille. 52 minutes à peine où la France du business se dévoile sans même se douter de ce qu’elle fait. A ma gauche, mon nouvel ami que je ne connais pas mais qui s’entête à raconter a vie au téléphone. Certes discrètement, mais pas assez pour que je ne puisse suivre la conservation. Devant moi, deux cadres qui finissaient un PowerPoint marqué en gros, et en grisé, « confidentiel » sur le haut de chacune des pages. C’est fou ce que l’espace entre les deux sièges permet de bien lire les chiffres et autres points de stratégie qu’ils travaillaient.

Ce qui m’a soufflé, c’est que malgré les mises en garde répétées, on puisse encore voir ce type de scène dans un train ou un avion ! D’autant que la SNCF, dans un esprit de cohabitation sereine, précise qu’il est plus prudent d’aller téléphoner dans les espaces entre les wagons. Remarquez, pour ceux que cela intéresse, c'est pratique : plus la peine de faire des efforts pour aller pomper des infos. Celles ci, recoupées et analysées, peuvent être suffisantes pour être assimilées à de l’espionnage industriel passif. Un argument de plus pour la SNCF, si elle voulait jouer cette carte : voyagez chez nous, sachez tout de vos concurrents. Bien entendu je plaisante. Il reste que dans ce contexte, pas toujours facile d'utiliser l'argument du train qui permet de travailler tout en se déplaçant… Ce matin, j’en ai vu les limites. Sauf si la SNCF offrait un nouveau service au porteur d’une carte pro : le «ni vu ni connu». Pour sûr, j’achète !

Marcel Lévy