Haro sur ADP

90

Tout le monde s’y est mis. La presse dans son ensemble, disons même les médias, professionnels et grand public ont fustigé le rôle d’Aéroports de Paris dans le dernier « bug » du transport aérien provoqué par les intempéries hivernales. Les politiques se sont empressés de hurler avec les loups de peur de manquer une occasion de se faire bien voir par le peuple. Les compagnies aériennes elles-mêmes ont désigné le coupable : c’est forcément l’aéroport puisqu’après tout c’est dans ces lieux que tout s’est focalisé. Pierre Graff le PDG d’Aéroports de Paris est monté au créneau pour défendre bec et ongles sa société et son personnel. J’ai trouvé son attitude courageuse, d’autant plus qu’à chaque interview, le journaliste de service le sommait plus ou moins de présenter ses excuses. Oui vraiment, voilà bien un coupable bien identifié et bien pratique. Au fond après tout, on a retrouvé toutes les petites rancœurs que les clients, disons les usagers d’ADP ont accumulé au fil de leurs voyages contre une société dont ils étaient bien obligés d’utiliser les prestations, lesquelles, on le sait bien, ne sont pas vraiment à la hauteur.

Haro sur ADP
Eh bien, pour tout dire, je trouve cela tout de même un peu indécent. On ne peut certes pas me taxer d’indulgence vis-à-vis d’Aéroports de Paris et du transport aérien en général, mais je trouve que trop, c’est trop. Il faut voir l’affaire un peu plus en profondeur.

Aéroports de Paris est-elle la seule entité à mettre en cause ?

Regardons l’affaire posément et posons-nous la première question : ADP pouvait-il faire autrement ?

Il y avait bien sur une alternative radicale, celle-ci : la fermeture pure et simple des plateformes aéroportuaires de la région parisienne. Outre que cette position était finalement peu justifiée techniquement, je pense que les responsables ont gardé en mémoire le douloureux moment où l’espace aérien européen a été fermé au printemps dernier. Ils ont essayé de limiter la casse. Les pistes, les taxiways et les parkings pouvaient-ils être déneigés ? Probablement si les engins étaient en nombre suffisant, ce qui signifie un suréquipement certain ou si les compagnies aériennes et les autorités aéronautiques autorisaient l’utilisation de pistes enneigées, comme c’est le cas dans les pays nordiques. Mais le problème était finalement le dégivrage des avions. Il y a certainement à faire dans ce domaine, encore que je ne sois pas d’une grande compétence en la matière pour émettre un jugement définitif.

Une fois les problèmes arrivés, ADP pouvait-il limiter la casse ?

La réponse est facile, il suffisait d’avoir suffisamment de chambres d’hôtel disponibles et de les réquisitionner afin de loger les clients décemment et non comme ils ont été traités. Oui, mais voilà, toutes les chambres de la zone aéroportuaire étaient, bien évidemment toutes occupées. Donc aucun espoir de ce côté-là.

Et puis, en fin de compte, les passagers sont bien sûr clients d’Aéroports de Paris puisqu’ils paient une redevance de 8 € pour utiliser les installations aéroportuaires, mais finalement les passagers sont d’abord et avant tout les clients des compagnies aériennes. Or, ces dernières ont-elles fait tout ce qui était en leur pouvoir pour régler les questions difficiles qui se posaient ? Je pense qu’elles seraient bien inspirées de se regarder dans la glace avant de dénoncer les manques des aéroports. Ont-elles prévenu leurs passagers qu’il ne fallait pas se rendre aux aéroports ? Certes certaines ont envoyé des textos et autres signaux électroniques, mais qui cela a-t-il touché ? Et quelles assurances ont-elles été données à leurs clients que leurs intérêts seraient protégés. Et puis, ne se sont-elles pas tout simplement déchargées sur leurs assistants aéroportuaires qui manquaient et d’instructions et de l’autorité nécessaire pour traiter les cas difficiles ? Bien sûr Air France est mieux équipée et la compagnie fait sa propre assistance. Les passagers de la compagnie ont par conséquent été mieux traités.

La vraie faillite a été celle de l’information. Elle devait être préventive car les intempéries étaient annoncées et les irrégularités prévues au moins en partie. Elle devait être réactive pendant la crise. Seulement à qui revenait la responsabilité de diffuser l’information et d’ailleurs laquelle diffuser ? Les acteurs du transport aérien n’ont pas assez l’habitude de se parler et de travailler ensemble alors qu’ils y sont bien obligés. La grande solidarité qui était la règle avant la dérégulation a disparu pour faire place à la méfiance envers ce qui est forcément un concurrent potentiel.

La grande leçon est que, au lieu de s’invectiver, les responsables du transport aérien, tous les responsables, devraient trouver un lieu d’échange dynamique où ils pourraient anticiper les éventuels problèmes.

Pour tout vous dire, je suis assez pessimiste sur la mise en place d’un tel organisme, encore que celui-ci existe : c’est la FNAM (Fédération Nationale de l’Aviation Marchande) à laquelle il faudrait donner une assise beaucoup plus vaste. Voilà un beau challenge pour son Président Lionel Guérin.

Jean Louis Baroux