Il faut sauver Alitalia !

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Ce n’est un secret pour personne, Alitalia est en grande difficulté au point que même Etihad Airways son actionnaire à 49% se demande si elle doit continuer à la soutenir. Il faut dire que cette dernière a eu un parcours chahuté, c’est le moins que l’on puisse dire.

Fondée en 1946 avec le support de TWA et de BEA, le transporteur a fusionné en 1957 avec son homologue LAI Linee Aeree Intaliane pour devenir le transporteur drapeau italien sous son nom d’origine, Alitalia. La compagnie s’est rapidement spécialisée sur les vols long-courriers au point de devenir au début des années 1970 la troisième compagnie mondiale en termes de passagers internationaux.

Les premières vraies difficultés sont apparues au milieu des années 1990 avec l’arrivée des transporteurs « low costs ». Comme la plupart des compagnies traditionnelles, Alitalia n’a pas vu venir ou plutôt pas voulu considérer que ces nouveaux venus pouvaient être profitables et qu’ils seraient plébiscités par les clients.

A partir de ce moment, le transporteur national italien a erré d’une restructuration à l’autre et d’une stratégie à une autre. Successivement, Alitalia a essayé de s’allier avec KLM, puis Air France, puis Lufthansa, voire même Aéroflot pour finalement se retrouver avec Etihad Airways. Le tout en étant passé par une phase de liquidation de la première société en 2008. Elle a alors été reprise par un consortium privé appelé CAI Compagnia Aerea Italiana, et fusionnée avec le seul pseudo « low cost » italien : Air One. Mais le redressement n’a pas pu être mené à bien, fusse avec le support d’Air France alors détenteur de 25% du capital et une nouvelle société a dû être créée pour reprendre les actifs de la CAI : la Societa Aerea Italiana dans laquelle Etihad est entrée.

Entre temps, le nombre de salariés est passé de plus de 20.000 à 12.500, puis remonté à 14.000, le réseau s’est considérablement rétréci et sa flotte ramenée à 121 avions. Eh bien cela n’a toujours pas suffi puisque la compagnie a continué à perdre de l’argent en 2016 avec un déficit estimé entre 300 et 400 millions d’euros, le tout cependant avec une chute considérable du prix du pétrole qui a eu pour conséquences de faire de 2016 l’année record des profits du transport aérien avec plus de 30 milliards de dollars.

Certes il est facile, vu de l’extérieur, de pointer les difficultés qui ont amené Alitalia dans cette situation, sans pouvoir dire comment y apporter un vrai remède. Tout d’abord l’attitude du personnel. Pendant les années glorieuses, l’arrogance et le comportement hautain des agents de la compagnie envers leurs clients était parfaitement notoire. La conséquence a été un très faible attachement des passagers envers un transporteur qui les traitait de cette manière. Ensuite il y a le fameux double hub : Rome et Milan qui disperse les moyens de la compagnie pour complaire aux exigences des deux grandes capitales économiques italiennes. Ainsi aucune plateforme n’est suffisamment efficace et les charges sont, à l’évidence, plus importantes. Enfin il y a le management qui a changé au gré des alternances politiques du pays… et Dieu sait si elles ont été nombreuses. Et chaque nouvelle direction veut appliquer un plan nouveau, sans que le précédent ait porté ses fruits.

Bref, tout s’oppose à la survie d’Alitalia. Et pourtant sa disparition serait très néfaste non seulement pour l’Italie, mais pour le transport aérien européen dans son ensemble. La force de ce transporteur c’est non seulement sa marque, mais également son histoire, largement liée à celle de son pays. Au fond, et c’est une spécificité de l’Europe, chaque pays de notre continent doit avoir sa propre compagnie aérienne qui porte au-delà des frontières sa culture si diversifiée, ce qui fait d’ailleurs sa richesse. Certes d’autres transporteurs nationaux européens ont disparu : Sabena, Swissair ou Olympic Airways pour n’en citer que quelques-uns. Mais ils ont été remplacés par d’autres compagnies du même pays, même si elles appartiennent à des capitaux étrangers, néanmoins européens. Ainsi Lufthansa a permis la remise sur pied de Swiss et de SN Brussels et empêché Austrian Airlines de sombrer. Et chacun de ces pays a retrouvé sa compagnie nationale.

Le redressement doit être possible y compris pour Alitalia. Après tout, c’est bien ce qui est arrivé à Iberia qui était elle aussi en très mauvaise posture, même si pour cela elle a dû passer sous capitaux britanniques. Alors qu'Alitalia revive même avec des capitaux du Golfe, cela reste très important pour notre vieille Europe.

Jean-Louis BAROUX