J’ai testé l’A380 de Qatar Airways sur le Paris/Doha

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«Avec une classe affaires de cette qualité, nous n’avons plus besoin d’une First», déclarait il y a quelques jours Akbar Al Baker à l’occasion de la réception à Doha du premier A350. À l’évidence, le choix de la compagnie de refondre sa business repose sur un pari risqué mais ambitieux : établir une norme raisonnable pour les classes avant, sans pénaliser les investissements à long terme pour l’équipement de sa flotte.

Pour avoir testé l’A380 de Qatar Airways entre Paris Doha, et retour, on peut affirmer sans optimisme béat que le résultat est à la hauteur des attentes du patron de la compagnie. Deux choses frappent lorsque l’on entre dans la cabine : la sobriété et l’élégance.

«Nous avons souhaité offrir à nos voyageurs tous les services indispensables à bord que ce soit la qualité du siège, une restauration variée, une carte des vins de très haute tenue sans oublier les divertissements ou le wi-fi qui permettent aux passagers de se distraire ou de travailler» précise Akbar Al Baker qui insiste sur des éléments de détails qu’il juge pourtant indispensables à bord d’un avion comme la lumière, l’espace ou le bar central qui devient un lieu de rencontre pour les voyageurs.

A l’embarquement

Qatar Airways fait partir ses voyageurs du terminal 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle. On le sait, malgré ses réaménagements, il reste toujours mal adapté au transport des voyageurs surtout pour les départs vers l’Asie ou le Moyen-Orient qui se multiplient entre 13 et 17 heures. Pourtant, la compagnie arrive à maîtriser assez bien son embarquement avec un grand nombre de postes en classe économie et 3 pour les business et la First.

L’attente est raisonnable et le traitement des passagers se fait assez rapidement. Notons qu’une  carte d’accès au salon et un pass prioritaire pour la sûreté sont également remis aux passagers avec leur carte d’embarquement. Grâce à « parafe », les formalités policières se font en quelques minutes. Ce ne sera pas le cas au moment du passage de portiques de la sûreté.

Qatar utilise le salon Air France Première au niveau 1 de l’aéroport. Il n’est plus tout jeune et n’est pas réellement au niveau de qualité que l’on retrouve dans d’autres aéroports pour la compagnie. Pas de magazine, une offre de restauration extrêmement restreinte et un wi-fi assez lent, voilà pour l’environnement. Il est d’ailleurs étonnant que ce salon continu à porter le nom de la compagnie française alors qu’elle n’exploite aucun vol au départ de Roissy Charles de Gaulle 1. Bon point, Qatar Airways propose à ses passagers que l’on vienne les chercher au moment de l’embarquement.

À l’heure dite, départ pour le satellite où doit se dérouler l’accès à l’appareil. ADP n’a prévu que trois postes dédiés à l’380. Mais l’accès à la salle d’embarquement tient du folklore. La file prioritaire débouche dans la file générique d’embarquement ce qui engorge l’accès à l’appareil que ce soit pour la classe éco ou la classe affaires. Il nous faudra une vingtaine de minutes pour passer le filtre de sûreté et atteindre la porte dédiée aux passagers des classes avant. Notons que du côté « économique », la confusion et la bousculade sont de mises.

L’avion est configuré pour transporter 517 passagers en trois classes. 8 en première, 48 ans business et 461 en classe éco. À en croire les grands voyageurs, il est préférable de choisir les places 14 à 17 (toutes rangées A-E-F-K), moins sensibles au bruit du service et dont le positionnement sur les ailes assure une bonne stabilité à un appareil dont le silence reste toujours aussi remarquable.

Le premier contact est visuel. Il est fait de détails que l’on aura l’occasion de commenter plus loin. Comme nous l’évoquions, Qatar Airways a fait le choix de la sobriété. Il est particulièrement visible dans la cabine business que seule une lumière douce éclaire. Le gris global est élégant et fait ressortir le rouge des sièges. Sur le panneau central, juste un écran utilisé pour des informations génériques. La porte utilisée pour l’embarquement des business donne directement sur le galley où s’affairent les hôtesses. D’où un léger embouteillage pour accéder à son siège. La vue globale de la cabine est apaisante. La répartition des sièges est judicieuse : 1-2-1. La lumière et le choix des couleurs, participent à cette notion de bien-être que l’on attend lorsque l’on va passer plus de six heures dans un avion. Je suis au siège 19 K sur le pont supérieur de l’appareil où je dispose d’un hublot. Il est vaste et donne sur l’aile.
Côté chiffres, ce siège fait 2 mètres de long pour 76 cm de largeur (quasi le nouveau siège de La Première d'Air France, 77 cm de large). Quand on sait qu’un voyageur moyen fait 42 cm de largeur de taille, on mesure mieux la place. Certes, les gros volumes se sentiront un peu à l’étroit, et encore. A noter, la marqueterie en bois verni qui habille la tablette, et les bords du siège. Un travail d’orfèvre, pour une table, large et confortable qui permet d’installer son ordinateur et ses dossiers sans se sentir gêné.

Une fois assis, autant dire qu’il sera difficile d’apprécier le paysage car le bord de la carlingue est occupé par un ensemble de petits casiers destinés à accueillir les effets des voyageurs. La largeur globale du siège empêche de « regarder par la fenêtre » sans avoir auparavant été contorsionniste dans un cirque. Sur mon siège, une couverture et un oreiller. Sur la tablette, au-dessus, je trouverais la classique trousse de voyage - produits Georgio Armani - avec une lotion d’après-rasage, un échantillon de parfum, les classiques chaussettes et masque sans oublier, élégamment présentés dans une petite boîte, les bouchons d’oreilles. Je m’apercevrai plus tard au cours du vol que les brosses à dents ou les rasoirs sont situés dans un tiroir placé dans les toilettes de l’appareil, au nombre de 4: 2 à l’avant et deux à l’arrière de la cabine business. Seul petit regret, il manque un peigne, l’outil indispensable à tous les voyageurs d’affaires avant l’atterrissage.
Un mot sur les toilettes, vastes et équipées d’une large glace pour se « pomponner » avant l’arrivée. Outre un siège capitonné, on y trouvera une lotion pour les mains et une eau de parfum très agréable. Enfin, avant le décollage l'hôtesse me remet un pyjama pour une meilleure nuit. Je le prends sans le mettre, je le testerais à la maison.

Une lampe directive est située sur le haut du siège, à droite. A deux positions, elle permet de lire quand toutes les lumières sont éteintes. Autre bon point, un casier à bagages exclusivement dédié à chacun des sièges de l’appareil. Personne ne me propose de prendre mon manteau mais je verrai plus tard qu’il suffit de s’adresser à l’hôtesse pour qu’elle vienne le récupérer. Vu la taille du casier au-dessus de ma tête je préfère conserver ma veste. À peine installé, l’hôtesse me propose de boire quelque chose, mais surprise, il n’y a pas de champagne au sol. Il sera servi après le décollage. Je ne saurais pas pourquoi. Raisons religieuse, interdiction locale, l’hôtesse ne sait pas me répondre. De petits casiers, à gauche et à droite du siège, accueillent pour l’un les chaussures ou les lunettes et pour l’autre, une bouteille d’eau, et le casque à réduction de bruit que l’on utilisera pour regarder un film ou écouter de la musique.

Face à mon siège, placé sur le dossier du siège avant se trouve l’écran LCD de 66 cm, une taille raisonnable. Il ne s'oriente pas car, selon les experts, il reste visible quelle que soit la position choisie. Le système de VOD (Vidéo On Demand) est d’une grande richesse que ce soit en matière de musique, de films ou de jeux. Pas moins de 155 films en français (récents et classiques). On retrouvera également la géolocalisation et les informations de correspondance à destination.

La télécommande est encastrée dans le dossier droit. Autant le dire, ce n’est pas une réussite. Tactile, comparable à un écran d’iPhone, elle est censée résumer toutes les commandes disponibles de ma place (y compris la lumière individuelle et l’appel «équipage»). Mais voilà, elle est plutôt capricieuse et ne répond pas forcément à ma demande alors que je ne suis pas spécialement rebuté par la technologie. Elle reste parfois un peu absconse dans les logos utilisés. Il faudra sans doute à terme la repenser et la reprogrammer pour la rendre intuitive et réellement utile au voyageur. Enfin, toujours dans l’accoudoir droit, on retrouvera la prise électrique, une prise USB et une alimentation universelle.

Petite surprise, pas une annonce au départ de Paris ne se fera en français. Même le menu remis avant le décollage pour me permettre d’exprimer mes choix est en anglais.

Avant de diner, une connexion rapide s’impose. L’accès au WIFI est payant, même en business. Trois niveaux de facturation. Le premier donne 20 Mb d’accès pour 10 $. Le second, plafonné à 50 Mb, est vendu 18 $. Enfin, une formule illimitée est disponible pour 22 $. C’est la solution à conseiller pour ceux qui veulent travailler en vol. La liaison est bonne et permet de se connecter rapidement à boite mail ou sur les sites internet de son choix. La voix sur IP (Skype…) et le peer to peer (téléchargement) sont interdits.

Un bar au centre de l’appareil

L’idée n’est pas récente d’implanter une zone de rencontre dans un avion. Dans les années 50, TWA le proposait déjà à ses passagers de première classe. Qatar Airways a su donner à cet espace ses lettres de noblesse. Quelques voyageurs me feront remarquer que la place perdue aurait pu être occupée par deux ou trois rangées de sièges « business ». Comme le disait une publicité, voilà quelques années, « le luxe c’est l’espace ». La compagnie l’a bien compris en installant cet emplacement doté de banquettes agréables toutes équipées de ceintures de sécurité encastrées au bord de l’assise.

Au-delà d’une impressionnante carte des alcools, l'accueil est raffiné. Des roses fraîches en soutien du bar (on en retrouvera dans les toilettes), une lumière soigneusement travaillée qui met en valeur les bouteilles d’alcools proposées et une offre de canapés (salés ou sucrés) et de fruits. Qatar utilise une petite astuce pour éviter d’ouvrir les bouteilles généralement placées sous douane. Une fois le choix fait, l’hôtesse vous proposera la mignonnette de la marque choisie. C’est malin et fort bien fait.

Deux voyageurs ont profité de l’espace pour peaufiner une dernière fois leurs présentations commerciales. Face à eux, un couple d’anglais d’un certain âge, qui se rendait en Inde, est venu déguster un cognac (Un XO de 12 ans d’âge) à 30 000 pieds. Un vrai souvenir.

Un diner de qualité

En vol, on ne sait jamais trop bien si l’on déjeune ou si l’on dîne. Une fois passé l’apéritif accompagné d’un zakouski à la crevette sauce marie rose, voilà qu’arrive l’heure du repas. La carte est assez complète et répond aux attentes de la clientèle internationale de la compagnie. Quatre chefs participent à son élaboration : un japonais (Nobu Matsuhisa), un indien (Vineet Bhatia), un anglais (Tom Aikens) et un libanais (Ramzi Choueiri). Notre fierté nationale en prend un coup... Pas de chef français dans cette liste.

Deux entrées, deux plats principaux suivis d’une assiette de fromages de fruits et d’un dessert préparé par Ladurée sont offerts aux voyageurs. Je prendrai des mezzés classiques suivis de l’agneau servi avec des pistaches et de la menthe. Je ne ferai pas l’impasse sur un plateau de fromages plutôt classique et sur une assiette de fruits originales qui regroupent des produits venus des cinq continents : kiwi, mangue, fraise… C’est sur la carte des vins que se porte mon attention. Il faut dire qu’elle est particulièrement réussie avec deux champagnes, un blanc (Billecart Salmon) et un rosé (Pol Roger). Côté vin blanc, la compagnie fait le choix d’un chardonnay (un Meursault Bouchard Père & Fils de 2011), un sauvignon blanc (Family Estate néo-zélandais) sans oublier un riesling allemand de la vallée de la Moselle.

Pour les rouges nous sommes à la fête. Un château Cantenac Brown, un Margaux grand cru classé de 2007 que complète un Shiraz de 2011 (origine sud-africaine) et un pinot noir néo-zélandais. La carte propose également deux vins doux. Le premier vient de la vallée de la Loire, c’est un château de Fesles de 2010. L’autre est un porto de 1974, un Kopke Colheita de la vallée du Douro. Seul point négatif, il faut systématiquement solliciter le personnel pour le vin. Il ne le fera pas naturellement. Notons que sur le vol aller, il n’y aura pas de collation avant l’arrivée et pour cause : le bar le propose aux plus gourmands comme aux affamés.

Que peut-on retenir de ce repas ? Tout d’abord, un service impeccable, individuel et qui se fait à la place assiette par assiette ce qui le rend globalement un peu long: 1h17. Un excellent service de pain positionné dès la mise en place de la table et accompagné d’un carré de beurre pour ceux qui n’auraient pas la patience d’attendre l’entrée. Autre observation, la qualité des plats est à souligner malgré le mélange de saveurs qui peut parfois dérouter certains voyageurs étrangers. La cuisson de l’agneau était particulièrement réussie. La viande était goûteuse et tendre. Enfin, la fraîcheur des produits utilisés, que ce soit pour les fromages pour les fruits est à souligner, tant il est rare de le constater à bord d’un avion.

Le temps de l'arrivée

30 minutes avant l’arrivée, la cabine se prépare. Les casques sont récupérés et les sièges positionnés en mode atterrissage. La compagnie ne coupe pas les films en cours et propose une caméra pour suivre l’arrivée. Pour ce vol de nuit, seules les ombres sont visibles. Un gadget plutôt sympathique.

L’arrivée au nouvel aéroport de Doha, Hamad international, nous permet un premier regard sur cette plateforme dont l’ouverture avait été sans cesse décalée. On a bien fait d’attendre car le résultat est agréable. Pas d’immenses surprises et une architecture plutôt classique mais l’espace est là. Beaucoup d’indications pour assister le voyageur. Notons un salon d’arrivée pour une dernière collation ou une douche. Nous quitterons l’aéroport via un hall privé réservé aux passagers arrivés en first ou en business pour les formalités d’immigration. Notons que la distance entre la porte d’arrivée et ce salon est assez conséquente. Heureusement pour les passagers qui auraient quelques difficultés à marcher, un service de navettes électriques est proposé.

 

Un vol retour simplifié

En arrivant deux heures avant à l’aéroport, les passagers en classe affaires vont bénéficier d’un salon assez unique en son genre, le Al Mourjan Lounge conçu sur deux étages. Auparavant, l’embarquement se fera comme pour l’arrivée dans un espace dédié. C’est là que l’on se verra remettre la carte d’embarquement. Étant réservé aux seuls passagers en classe affaires, l’accès à l’immigration et la sûreté est loin d’être surchargé. Comme nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ce nouvel aéroport, soulignons que l’accès au salon se fera en passant par une esplanade centrale d’où partent les innombrables boutiques duty-free. 

Par sa taille le Al Mourjan est exceptionnel, plus de 3500 m² sur deux étages. Au premier niveau, les salles réservées aux fumeurs, un bassin gigantesque très relaxant, une salle de jeux et des boxes pour se reposer. Au premier, c’est l’espace restauration. À cette heure tardive, il est 23 heures localement, il est pris d’assaut par tous les voyageurs qui souhaitent dormir avant d’embarquer. Un vaste choix de plats chauds et froids accompagne un buffet des desserts où seuls quelques fruits manquent. Le bar est riche en vins et alccols mais aussi en jus de fruits et sodas.

Vu la taille de l’aéroport, rejoindre les portes d’embarquement demande un peu de temps mais des navettes composées de voitures électriques assistent les passagers qui n’auraient pas envie de se rendre à pied à l’endroit indiqué. À l’évidence, l’embarquement est bien plus fluide qu’à Paris. Peu ou pas de file d’attente du côté économique et un accès direct pour les passagers en business.

La cabine n'ayant pas changé entre le vol aller et le retour, nous ne reviendrons pas sur ce qui fait la qualité de cette business class. Je ferai le choix d’un menu rapide afin de pouvoir dormir quelques heures avant mon arrivée à Paris. Un steak sandwich grillé sur me suffira d’autant que j’avais commencé à grignoter dans le restaurant du salon. Seule la carte des vins change. Elle est moins spectaculaire qu’au départ.

Une heure avant l'arrivée, le petit déjeuner est proposé, toujours de façon personnalisée. J’opte pour un expresso et un croissant accompagnés d’une assiette de fruits frais. Le choix est plus important mais j’ai un peu le sentiment d’avoir passé mon temps à manger pendant ces 48 heures au Qatar.  Le café est réellement l’un des meilleurs bus à bord d’un avion.

Un peu plus de six heures de vol avant d’atteindre Paris ou le contraste avec l’aéroport de Doha est surprenant. Des dizaines de passagers coincés dans le petit couloir d’un satellite pour un contrôle de police à la porte de l’appareil. Cerise sur le gâteau, parafe est en panne mais en étant sorti les premiers de l’appareil, l’attente est assez courte

Un vol retour simplifié

Outre la qualité indéniable, c’est du côté du prix qu’il faut aller chercher le dernier argument. Pour un Paris/Mumbai via Doha (vol entre Paris et le Qatar en A380), départ le 14 janvier, retour le 16, le tarif annoncé (non négocié) est de 3150 €. Si j’étais rentré le dimanche 18 janvier, au lieu du vendredi 16 janvier, j’aurais payé 2673,54 €. Tous ces tarifs sont taxes comprises.

On comprend mieux la puissance des compagnies du Golfe et l’attrait qu’elles suscitent auprès des acheteurs. En quelques chiffres, tout est dit !

Marcel Lévy
Test réalisé du mardi 6 janvier au jeudi 8 janvier dans le cadre du lancement commercial de l’A350 à Doha.