Jerry Seah: « Grâce à l’A380 au départ de Paris, l’année 2009 n’a pas été trop mauvaise pour Singapore Airlines ».

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Première compagnie a avoir posé un A 380 à Paris, en juin dernier, Singapore Airlines, membre de Star Airlines, dresse pour la France un bilan 2009 bien moins négatif que pour la majorité des compagnies aériennes asiatiques. Pour Jerry Seah, Directeur Général France, l'effet A380 a suscité la curiosité et attiré un grand nombre de passagers vers l'Asie, heureux de prendre un tel avion. Six mois après l'arrivée du géant des airs, la compagnie Singapourienne fait le bilan de 180 jours d'exploitation. Après un premier semestre économiquement difficile, et une perte de 111 millions au second trimestre 2009, la compagnie a renoué avec les bénéfices au troisième trimestre de son année fiscale 2009-2010. En optimisant sa flotte et répartissant ses appareil, la politique de réduction des coûts a porté ses fruits. Pour 2010-2011, SIA s’attend de nouveau a des bénéfices. Son arme : l’A380. La compagnie devrait recevoir son 11ème appareil en mars prochain, pour l’installer sur la ligne Zurich/Singapour.

DeplacementsPros : comment avez-vous concrètement mesuré l'effet A 380 ?
Jerry Seah : Tout simplement en chiffres. Avec 85 % de taux d'occupation moyen, nous sommes au-delà des résultats annoncés par nos compétiteurs. Nous avons remplacé 10 vols en 777 par sept vols en A 380. Au final, nous avons augmenté notre capacité de 19 %. Indépendamment de ces données, il y a eu énormément de curiosité de la part des voyageurs qui, pour certains, ont même retardé leur voyage pour pouvoir le faire sur l’A 380. Je dirais également que nous nous sommes attachés à inciter les Français à voyager avec nous, ce qu'ils ont fait volontiers, car pour beaucoup cet appareil est un avion français, européen bien sûr, ce qui générait une certaine fierté. Enfin, à l'occasion de cette mise en place, nous nous sommes attachés a faire quelques promotions à des périodes bien choisies sans pour autant faire chuter les prix comme nous l'avons vu sur certaines destinations dans le monde. Au final, entre le début avril et la fin décembre 2009, nous avons augmenté nos ventes de 17 %. Je pense que c'est cet équilibre qui a fait le succès de l'année écoulée.

DeplacementsPros : l'Asie est traditionnellement une destination business, avez-vous ressenti une baisse sensible de la fréquentation dans les classes avant ?
Jerry Seah : Bien sûr, nous avons eu quelques baisses de volume sur les classes avant, de l'ordre de 3 à 4 %. Nous avons effectivement senti la diminution des budgets voyages dans les entreprises. Pour autant, notre trafic reste très business avec 60 % de part de marché contre 40 % pour le loisir. Il ne faut pas oublier que Singapour est à 12 heures de vol de Paris, ce qui conduit beaucoup d'entreprises à privilégier la classe business pour leurs voyageurs. Mais nous avons constaté qu’une partie de ce trafic business s’"tait reporté sur la classe économique qui, je dois le dire, sur un appareil comme l’A380 est plutôt très qualitative. Nous avons pour nous que Singapour est sur les routes asiatiques ou australiennes. C'est sans doute ce qui explique la bonne tenue de notre classe affaire avec un taux moyen d'occupation de l'ordre de 75 %.

DeplacementsPros : Si le succès de la ligne s’amplifie avec une reprise économique attendue, que ferez vous ?
Jerry Seah : D'abord, nous allons remplir l’avion qui nous est affecté. L’A380 est un appareil de grande capacité. Nous réfléchissons également à une possible augmentation des liaisons entre Paris et Singapour. Il y a bien évidemment des discussions politiques pour l'obtention des autorisations nécessaires mais nous aimerions repositionner un vol de nuit avec un 777 qui pourrait prendre place en fin de semaine. Il ne s’agit que d’une réflexion, en aucun cas d’un projet abouti. Il ne faut pas oublier que 60 % du trafic se fait au-delà de Singapour. Il faudrait donc que ce trafic soit également en augmentation pour optimiser la mise en place de nouvelles rotations.

DeplacementsPros : comment gérez-vous les négociations Corporate ?
Jerry Seah : Avec du bon sens, car je pense que chaque contrat, même s'il répond à des règles de base, est un contrat unique. Nous commençons à négocier des contrats corporate avec des entreprises qui font environ une vingtaine d'aller retour en classe Affaires par an, ce qui représente entre 50 et 60 000 €. Bien évidemment, nous avons des entreprises très implantées à Singapour et en Asie qui vont largement au-delà de ces chiffres. Enfin, nous aimons présenter à nos clients corporate la qualité de notre offre au sol et la diversité de nos services à bord. Ce sont des éléments de différenciation qu’apprécient les voyageurs.

DeplacementsPros : Comment voyez-vous l’année 2010 qui s’annonce ?
Jerry Seah : Avec prudence car je crois qu’il faut être raisonnablement optimiste. Si les effets de la crise s’estompent, ce que j’espère, nous devrions assister à une forte reprise du trafic aérien vers l’Asie. Ce qui est bon pour nous. Mais au-delà du chiffre, la reprise du business sera un excellent indicateur pour définir la stratégie de la compagnie en France.

Propos recueillis par Marcel Levy