Korean Air, apprendre à passer les crises

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40 ans, le bel âge. Celui de Korean Air qui, privatisée le 1er mars 1969 avec huit appareils, est devenue en 40 ans le fleuron aérien de la Corée du Sud. Pour Sang-Beom Lee, patron de Korean Air en France, les bons résultats de la compagnie s'expliquent par la maîtrise des coûts et une anticipation de la crise économique.

DéplacementsPros : Comment traversez-vous aujourd’hui les difficultés rencontrées par le monde de l’aérien ?

Mr Sang-Beom Lee : Si j’osais, je dirais que nous sommes habitués aux crises. Cela ne veut pas dire que nous aimons cette situation mais tout simplement que nous sommes habitués à gérer les difficultés et même à les anticiper. Nous avons connu la grippe aviaire, nous avons traversé une forte crise économique en Asie, et aujourd'hui nous subissons, comme tous les pays du monde, une nouvelle crise financière. Le rôle d'une compagnie comme la nôtre, que je qualifierais de « global company » est de réussir à instaurer un équilibre qualitatif entre l'importance de l’offre et le prix du marché.
Comme tous les autres, nos classes affaires sont plus sensibles à la crise, même si nous constatons depuis septembre une très légère reprise. Heureusement, les classes économiques restent très fréquentées et notre taux d’occupation dépasse les 85%. Cette crise nous oblige à travailler plus en profondeur sur nos services, sur le remaniement de notre flotte et sur la simplification des services là où d'autres s’ingénient à les faire payer. Notre philosophie Korean Air est totalement opposée : nous sommes persuadés qu'un client doit avoir, dans le prix qu'il paye, des services de qualité qui lui donneront envie de voyager avec nous.
Korean Air, apprendre à passer les crises
DP : Où en êtes- vous du développement des lignes ?

Mr Sang-Beom Lee : Il est évident que le plus gros de notre trafic ne se fera pas exclusivement entre l'Europe et l'Asie. Notre force est d’être un hub en Asie. Nous nous organisons pour que le passager, arrivé de France à Séoul, puisse embarquer rapidement vers des pays et des villes qui correspondent aux demandes des voyageurs d'affaires. Aujourd’hui, par exemple nous desservons 23 villes en Chine et 15 au Japon. Nous allons à Singapour, au Vietnam, en Thaïlande et en Inde. Nous avons au total une douzaine de destinations en Europe et au Moyen-Orient ce qui représente, au total, environ 400 vols par jour sur 118 villes dans 39 pays. L’autre fierté de la compagnie est d'avoir une flotte jeune de 128 appareils, Boeing et Airbus, et bientôt des A 380. Une flotte qui permet de réduire la pollution mais également de proposer des équipements de cabine moderne et bien adapté aux vols long-courriers.
Je voudrais d'ailleurs préciser que nous avons commencé le réaménagement de nos cabines et dans les trois classes. Nous allons retravailler sur 32 appareils, moyens et longs courriers, comme les B777 ou les A330 en installant des nouveaux sièges « suites » en première classe et un siège lit de grande qualité en classes affaires. Nous avons aussi repensé notre classe économique avec des écrans individuels et de nouveaux services. Enfin notre appartenance à Skyteam nous permet de proposer un réseau complet dans le monde en nous appuyant sur des compagnies comme Air France-KLM, Continental Air Lines, Delta air Lines et bien d'autres.
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DP : Quelle est votre politique de services auprès des voyageurs d’affaires ?

Mr Sang-Beom Lee : Nous sommes installés à Paris depuis 36 ans et nous connaissons bien les besoins des compagnies françaises qui se rendent en Corée. Aujourd'hui, le marché du business Travel représente 46 % de notre trafic en France (20% de nos résultats au niveau mondial). Il est donc normal que nous cherchions à rester compétitifs pour atteindre nos objectifs de fréquentation et de qualité. Indépendamment du e-Ticket, mis en place sur l'ensemble de nos vols internationaux et locaux, nous avons cherché à offrir aux voyageurs d'affaires des services extrêmement simples et rapides à utiliser comme des bornes d'enregistrement en libre-service pour les vols internationaux et domestiques, la possibilité d'effectuer un enregistrement en ligne pour les vols internationaux, trois salons à l'aéroport d’Incheon, huit salons en propre dans le monde et plus de 440 salons avec Skyteam. Nous fournissons à bord des guides culturels qui donnent des informations sur les musées et galeries d'art dans certaines villes. Nous proposons aussi des guides pour découvrir la ville de destination. Mais nous avons beaucoup travaillé à la simplicité des transits et à l’optimisation des horaires de correspondance. Et puis nous sommes aussi là pour aider le voyageur en Corée du Sud. Cette aide est à la fois technique mais aussi pratique comme permettre à nos voyageurs l'accès à certaines régions industrielles peu ou pas desservies par d'autres compagnies aériennes. Par exemple peu de gens savent qu'il ne faut pas de visa pour la Chine à partir du moment où le vol de départ se fait de Corée du Sud.

Il ne peut pas y avoir pour Korean Air d'autres solutions et d'autres voies de développement que la mise en place de services véritablement utiles aux voyageurs. C’est la notion de qualité que j’évoquais.

DP : quelle est votre vision du marché français ?

Mr Sang-Beom Lee : Nous travaillons en France avec un grand nombre d'entreprises. Un peu plus d'une quarantaine parmi lesquelles EADS, Louis Vuitton, Renault, Safran, Total ou Véolia. Vous l'aurez remarqué, beaucoup de grands noms de l'industrie qui sont également très présents en Corée du Sud. Notre rôle est donc de les conseiller et de les aider à optimiser leur voyage en Asie et tout naturellement de les assister au moment de leurs réservations. Nous avons également un suivi économique pour étudier avec eux les meilleurs tarifs en fonction des volumes qui nous sont demandés, des périodes de vol et des destinations finales. Nous sommes dans la plupart des SBT, dans les GDS et nous disposons d’une force commerciale pour personnaliser nos contrats et être en permanence à l’écoute de demandes commerciales.
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DP : comment voyez vous l’avenir ?

Mr Sang-Beom Lee : En période de crise, il faut beaucoup travailler. Toujours démontrer la qualité de notre organisation mais également notre capacité à répondre à des besoins souvent de dernière minute. Nous pensons que cela doit se faire en proposant réellement de bons prix et de bons services. Nous ne chercherons pas à diversifier des services payants qui viendraient se rajouter au prix du billet. Enfin, l'aéroport de Séoul qui est notre base en Asie, et qui a été choisi comme le meilleur aéroport au monde par les voyageurs d'affaires, est à l'image de la compagnie. La prise en compte du passager, son bien être et la qualité de son voyage sont des éléments déterminants au moment de l’acte d’achat.
Je ne saurais vous dire concrètement quand et comment nous sortirons de la crise, mais je sais que nous en ressortirons renforcés, avec des coûts d'exploitation optimisée, des tarifs en totale adéquation aux produits proposés.

Propos recueillis par Marcel Lévy.