L’Europe veut repenser le transport aérien

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Dans une longue communication adressée aux députés, la commission transport de la communauté Européenne détaille ses projets pour repenser l’avenir du transport européen des 27 pays membres.

L'Europe présente un ensemble ambitieux de propositions dont l’objectif est de stimuler la compétitivité internationale du secteur européen de l’aviation. Parallèlement, elle va entamer des négociations avec des partenaires clés afin d’accéder à des débouchés commerciaux sur des marchés à croissance rapide, en mettant au point de nouveaux outils de lutte contre la concurrence déloyale. Le tout dans un nouveau cadre réglementaire propice à la stimulation des investissements. La Commission Transport précise que «L’aviation joue un rôle essentiel dans l’économie européenne, en contribuant à l’emploi et aux échanges commerciaux et en reliant des millions d’entreprises et d’individus au reste du monde. Or, la compétitivité du secteur européen de l’aviation, en particulier de ses compagnies aériennes internationales, est gravement menacée. Les marchés dont la croissance est la plus rapide se situent à présent hors d’Europe. Le secteur européen de l’aviation – pas seulement les compagnies aériennes, mais la totalité du secteur de la construction aéronautique, les aéroports, les prestataires de services de gestion du trafic aérien et d’autres secteurs de services – se trouve confronté à une faible croissance au sein de l’UE et à une vive concurrence au niveau international».
Nous reproduisons ci-dessous l’analyse formulée par la Commission Européenne en faveur de la refonte du transport aérien.

La Commission européenne propose notamment d’avancer sur trois fronts:

1. De nouveaux accords avec nos voisins et nos partenaires internationaux
Afin de faciliter l’accès du secteur européen de l’aviation à de nouveaux débouchés commerciaux sur de nouveaux marchés, la Commission propose de :
- conclure, des accords aériens à l’échelle de l’UE avec des partenaires clés de l’aviation dont l’importance va croissant tels que la Chine, la Russie, les États du Golfe, le Japon, l’Inde et des pays de l’ANASE en Asie du Sud-Est;
- d’établir, avant 2015, des accords aériens à l’échelle de l'UE avec des pays voisins tels que l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Tunisie, la Turquie et l’Égypte. Afin d’accélérer ce processus, les États membres devraient accorder à la Commission un mandat de négociation général à l’égard des pays voisins restants. Le montant total des bénéfices économiques de ces accords est estimé à 12 milliards d’euros par an. La Commission a l’intention de présenter aux États membres, au début de 2013, une liste de priorités dans le cadre des mandats de négociation de l’UE relatifs à ces accords.
En outre, des accords industriels et technologiques devraient être signés avec des partenaires clés et d’autres pays dans des domaines tels que la gestion du trafic aérien (ATM) – y compris la coopération avec le programme européen SESAR – et la sécurité, y compris la certification des produits aéronautiques.

2. Une concurrence équitable
L’UE considère l’ouverture des marchés, et donc la concurrence, comme le meilleur point de départ possible pour le développement de relations internationales dans le domaine de l’aviation. Il s’agit là d’une importante leçon tirée de la réussite du marché aérien intérieur de l’UE. Mais la concurrence doit être à la fois ouverte et équitable.
Afin de garantir une concurrence équitable, la Commission propose d’élaborer, après consultation des parties prenantes, de nouveaux instruments de l’UE plus efficaces permettant de protéger les intérêts européens contre les pratiques déloyales. Il s’est avéré impossible de mettre en pratique la réglementation de l’UE en vigueur en la matière (règlement n° 868/2004) et il faut recourir à un nouvel instrument, plus adapté aux réalités actuelles du secteur mondial de l’aviation.
La Commission propose, comme mesure de sauvegarde supplémentaire, de concevoir – idéalement à l’échelle de l’UE – des «clauses de concurrence loyale» à intégrer dans les accords bilatéraux sur les services aériens existant entre les États membres de l’UE et les pays tiers.

3. Repenser les nvestissements
Les restrictions actuelles en matière de propriété et de contrôle, appliquées par la plupart des pays, empêchent les transporteurs d’accéder à d’importantes sources de nouveau capital. Il est temps à présent de s’attaquer plus énergiquement à cette question et de prendre les mesures complémentaires prévues dans l’accord aérien UE-États-Unis pour libéraliser la propriété et le contrôle des compagnies aériennes, afin de permettre à ces dernières de se consolider et d’attirer les investissements dont elles ont besoin. Cet objectif doit également être poursuivi au niveau de l’OACI, notamment au cours de la conférence du trafic aérien de l’OACI en mars 2013.

Après consultation des États membres lors du Conseil «Transports» en décembre de cette année, la Commission entend bien aller de l’avant avec ces propositions et notamment établir une liste des priorités relative aux mandats de négociation de l’UE au début de 2013.

Faits et chiffres clés

  • Le secteur de l’aviation pèse lourd. Il génère 5,1 millions d’emplois et contribue au PIB européen à hauteur de 365 milliards d’euros, soit 2,4 %2. Son apport à la croissance économique, à l’emploi, au tourisme, aux contacts interpersonnels ainsi qu’à la cohésion régionale et sociale de l’Union est essentiel. La connectivité est la clé de la compétitivité.
  • Les transporteurs européens ont été particulièrement touchés par la récession. L’Association du transport aérien international (IATA) s’attend à ce que les compagnies aériennes commerciales européennes enregistrent en 2012 une perte nette de 1,1 milliard de dollars, contre un bénéfice net de 0,5 milliard de dollars en 2011.
  • Le secteur européen de l’aviation dans son ensemble est toujours dans le peloton de tête au niveau mondial, avec des leaders mondiaux dans des domaines tels que la construction aéronautique, les compagnies aériennes, les plateformes aéroportuaires ainsi que la recherche et la technologie en matière de gestion du trafic aérien (notamment avec le programme SESAR). Mais ces positions sont menacées en raison de nouveaux défis, d’une vive concurrence internationale et de l’arrivée de nouveaux venus sur le marché.
  • En dépit de la crise économique actuelle, le transport aérien mondial devrait croître à long terme d’environ 5 % par an jusqu’en 20303, soit une augmentation combinée de plus de 150 %.
  • L’aviation mondiale est en mutation. La demande de transport aérien est générée avant tout par la croissance et la prospérité économiques. Avec une prévision de taux de croissance moyen annuel du PIB pour l’Europe égale à 1,9 %4 entre 2011 et 2030 – en comparaison, notamment, des taux de croissance prévus pour l’Inde et la Chine, respectivement de 7,5 % et de 7,2 % – la croissance de l’aviation connaîtra un glissement vers des zones situées en dehors de l’UE, l’Asie et le Moyen-Orient surtout étant appelés à devenir le centre des flux du trafic aérien international.
  • Au cours des 20 prochaines années, la moitié du trafic mondial supplémentaire sera à destination ou en provenance de la région Asie-Pacifique, qui dépassera de ce fait les États-Unis et deviendra, avec une part de marché de 38 %, le leader mondial du trafic aérien d’ici à 2030.
  • En raison de taux de croissance inférieurs à la moyenne, les transporteurs de l’UE vont perdre des parts de marché face aux compagnies des pays tiers dans la plupart des régions du monde. En 2003, les transporteurs de l’UE détenaient une part de marché égale à 29 % des capacités intercontinentales dans le monde. D’ici à 2025, cette part devrait être tombée à 20 %. Cette tendance signifie que, si rien n’est fait, les compagnies aériennes européennes seront de moins en moins capables de générer de la croissance pour l’économie européenne.
  • Dans le même temps, les transporteurs des pays tiers renforcent leurs positions au niveau mondial. Ainsi, la croissance la plus rapide du trafic régional dans le monde devrait être enregistrée au Moyen-Orient, où les compagnies aériennes de la région représenteront 11 % du trafic mondial en 2030, contre 7 % en 2010.