L’offensive des compagnies du Golfe ne fait que commencer

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Il y a deux façons d'analyser le développement des compagnies du Golfe en Europe. La première voudrait que l'on s'interroge sur le pourquoi et le comment d'une telle réussite qui, a priori, se construit à armes égales (ou presque) avec les compagnies européennes. La seconde serait de se demander si ce développement, construit à l'image des low cost par des ouvertures permanentes de ligne, n'est pas une habile façon pour certains pays de recycler l'argent du commerce, du pétrole ou du gaz. Une vision plus politique qu'économique. Une approche stratégique de l'avenir du transport aérien.

On sait aujourd'hui que la pression économique d'Abu Dhabi sur la compagnie Emirates ne sera pas sans conséquences d'ici quelques années. Déjà on entend des financiers de Dubaï évoquer l'ouverture du capital de la compagnie aérienne à des investisseurs proches, entendez issus des Emirats Arabes Unis. Le développement parallèle de 5 compagnies nationales - Emirates mais aussi Qatar Airways, Oman Air, Gulf Air ou Etihad - ne pourra se faire sans une lutte commerciale féroce qui forcément laissera des traces. Autre remarque, pour certaines de ces compagnies, on retrouve à leur tête des britanniques "bon teint" qui, au fil des ans, ont installé leurs équipes aux rouages essentiels de l'entreprise. "Faut-il mettre un anglais ou un australien sous le soleil pour qu'il se révèle remarquable gestionnaire de compagnies aériennes ?", s'interrogeait le Guardian il y a quelques années, en chuchotant l'idée à Willie Walsh, le patron de British Airways. Plus sérieusement, on comprend aisément que les secrets de fabrication sont ailleurs. Tim Clark ou James Hogan pourraient t-ils réussir de la même façon avec BA ou Air France ? Chacun en a bien une petite idée mais laquelle est la bonne ? D'autant qu'en France, par exemple, les nouvelles fréquences attribuées aux compagnies du Golfe vont sacrément développer cette concurrence. Emirates et Qatar viennent de prouver qu'à Nice, la demande était forte. En doublant du Lyon, en optimisant du Nice, du Bordeaux et du Toulouse, les compagnies du Golfe pourraient très rapidement prendre plus de 40 % de parts de marché des déplacements avec escales. Il reste qu'il va désormais leur falloir penser à un marketing de fidélisation plus poussé. Le miles "Emirates" ou "Qatar" n'est pas encore très attractif. Dès qu'il le deviendra, sans doute rapidement, la donne commerciale pourrait bien changer. Et là, la bataille ne sera plus entre l'Europe et le Golfe mais entre le Golfe et le Golfe ! Pourront-ils tous tenir ?

Hélène Retout