La baisse du pétrole, une chance pour le transport aérien ?

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Tout le monde s’en réjouit et c’est bien normal. Le pétrole baisse et le transport aérien, très gros consommateur, en est le premier bénéficiaire. Mais, de quoi parlons-nous ?

On entend à longueur de journée annoncer le prix du baril de pétrole. Mais au fait, quelle est la contenance d’un baril ? C’est 42 gallons américains, car il faut savoir qu’il y a deux sortes de gallons : le GB ou impérial qui vaut 4,546 litres et l’américain qui ne représente que 3,785 litres. C’est ce dernier qui est utilisé pour les références tarifaires dans le transport aérien. En décembre 2015, il valait 1,08 $ soit 29 cents le litre. Il était en baisse de 38% par rapport au mois de juin et de 40% par rapport à décembre 2014.

Le prix du pétrole a toujours été très fluctuant et le transport aérien a bien dû s’adapter. En remontant sur les 30 dernières années, la variation est impressionnante. Son point le plus haut a été atteint en juin 2008 avec un montant de 3,88 $ le gallon soit 1,03 $ le litre et le plus bas en février 1999 à 0,31 $ le gallon, soit un montant dérisoire de 0,82 cents le litre. La vraie récente chute du cours du pétrole a été entamée en août 2014 et depuis il n’a cessé de baisser.

L’effet sur le transport aérien a mis un peu de temps à se faire sentir, car les compagnies, souhaitant se protéger contre des soubresauts préjudiciables à toute prévision financière, ont acheté leur pétrole à terme en fixant elles-mêmes le cours de leurs achats auprès des sociétés d’assurance. Si le pétrole montait, c’était tout bénéfice pour la compagnie qui pouvait alors justifier les fameuses surcharges de carburant. Par contre s’il baissait, elles continuaient à l’acheter au prix fort. En fait, cela conduisait à livrer à la chance une partie très importante des charges du transport aérien. Il faut tout de même rappeler que lorsque le pétrole était au plus haut, c’est-à-dire à plus de 130 $ le baril, les experts estimaient qu’il grimperait jusqu’à 200 $ ! Mais les experts ne paient jamais pour leurs prévisions erronées.

Bref, la baisse du coût du carburant est une excellente nouvelle pour le transport aérien. La facture pour une grande compagnie comme Air France/KLM s’est montée à 6,629 milliards d’€ en 2014. Une baisse de 40% entraine mécaniquement une amélioration de plus de 2 milliards d’€ sur les comptes. Certes, il faut encore neutraliser les effets des achats à terme, mais ceux-ci sont en baisse constante.

Voilà donc les grandes compagnies en passe d’économiser des dizaines de milliards d’€ ce qui devrait apporter une ère de prospérité pour le transport aérien, d’autant plus qu’il croît encore de 5% par an et que les nouveaux appareils qui vont entrer en service d’ici à la fin de la décennie feront économiser au moins 15 % de carburant par rapport aux flottes actuelles.  

Il reste à savoir à qui va bénéficier cette aubaine. Pour compenser la hausse du prix du pétrole dans les années 2000, les compagnies aériennes ont créé les fameuses surcharges de carburant afin de ne pas augmenter leurs tarifs affichés. C’était prendre les clients pour des gogos, mais ces derniers n’avaient pas le choix, car tout le monde s’y est mis. Alors, maintenant, on devrait voir disparaitre cette fameuse surcharge logée dans la taxe YQ bien connue de tous les agents de voyages. Seulement, ce ne serait pas forcément une bonne nouvelle.

Le premier souci des compagnies aériennes est de compenser les pertes qu’elles ont subies pendant des années et de reconstituer leurs marges. Pour cela, il faut à tout prix éviter de dégrader les niveaux tarifaires. Les clients ont bénéficié pendant des années d’une baisse constante des tarifs, mais dans le même temps, ils l’ont payé par une baisse également constante des produits et des services. Il est temps de revenir à une vision plus saine car au fond les grands oubliés dans cette période compliquée ont été les actionnaires. Ceux qui ont risqué leur argent pour faire vivre cette formidable industrie ont été les premiers pénalisés. Il serait tout de même normal qu’ils retrouvent leur investissement. L’action d’Air France/KLM a perdu 50% de sa valeur par rapport à son prix d’introduction. Les actionnaires des grandes compagnies américaines ont presque tout perdu dans les procédures de « Chapter 11 » et je ne parle pas des dizaines de compagnies poussées à la liquidation : 15 rien qu’en Europe en 2015. Or pour faire vivre le transport aérien, il faut des capitaux et pour attirer ces derniers il faut pouvoir servir des dividendes, et pour servir des dividendes il faut faire du profit. C’est élémentaire !

J’espère donc que l’embellie des résultats ne conduira pas les compagnies aériennes à relancer leur stupide guerre tarifaire, mais qu’elle servira à redonner du tonus à cette formidable activité.

 Jean-Louis BAROUX