La chute du pavillon français

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Les résultats sont incontestables, en matière de transport aérien, le pavillon français est en chute continue et d’abord sur son propre territoire. C’est ainsi que le deuxième transporteur domestique en France est anglais et que le troisième est espagnol.

A quoi donc attribuer cet inexorable déclin ? Nos transporteurs sont-ils plus bêtes que leurs concurrents étrangers ? Nos plateformes aéroportuaires privilégient-elles les non-nationaux ? Rien de tout cela, mais il faut bien se rendre à l’évidence : les clients français préfèrent les compagnies étrangères aux françaises.

En fait, ce n’est pas si vrai et dans leur ensemble, les passagers et les agences de voyages ont encore tendance à marquer leur préférence pour les transporteurs nationaux. Seulement ces derniers se sont considérablement affaiblis au fil des années et ils se sont montrés incapables de fournir à leur marché les produits, les services et les prix comparables aux concurrents.

Il y a plusieurs raisons à cette situation. Paradoxalement, la première cause du déclin a été dans la protection sans faille que les Pouvoir Publics - entendez la Direction Générale à l’Aviation Civile - a accordée à la compagnie drapeau, Air France. Cette dernière, forte du soutien des autorités, n’a pas fait les efforts de restructuration que la situation mondiale exigeait. C’est ainsi que la compagnie n’a pas cessé de faire grossir son effectif, jusqu’à une date très récente, alors que tous les autres transporteurs européens avaient entamé une cure d’amaigrissement considérable. Alors les ressources de notre transporteur national ont été allouées essentiellement au poste salaires et autres avantages sociaux au lieu de s’investir dans l’amélioration du service et des appareils. Je me souviens encore parfaitement de la réplique que m’avait faite un cadre dirigeant d’Air France lorsqu’en 1991, je lui faisais remarquer que l’Acte Unique Européen signé en 1988, entrainait automatiquement la libre concurrence y compris sur le réseau domestique: "Cela ne se fera pas", m’a-t-il répondu, "et nous nous coucherons en travers pour l’empêcher".

C’est ainsi qu’ont été niés l’arrivée des « low costs » sur le court courrier et maintenant sur le «long-courrier et le danger des compagnies du Golfe qui ont amené un nouveau standard de service. C’est ainsi que la mise au standard international des sièges en classe affaires ne s’est faite que beaucoup trop tardivement, et d’ailleurs, elle n’est toujours pas achevée. Pour la même raison, les dessertes régionales ont été abandonnées car jugées non rentables alors qu’elles sont exploitées avec profit par des transporteurs étrangers.

Alors, avant de chercher des responsables dans les pays lointains et dans des réglementations sociales plus favorables ailleurs, les dirigeants français feraient bien de regarder d’abord ce qu’ils ont fait ou n’ont pas fait pour améliorer leur performance.

Pour autant, il ne faut pas nier les avantages importants dont bénéficient certains pays de l’Union Européenne qui peuvent à loisir desservir n’importe quelle ligne dans l’Open Sky européen. Ils portent essentiellement sur les conditions d’emploi et les charges salariales. Il est indéniable que les compagnies françaises sont largement pénalisées par des coûts salariaux et des contraintes sociales largement supérieurs à ceux supportés par leurs concurrents anglais, norvégiens ou allemands. Ce n’est pourtant pas vrai pour les espagnols or, que je sache, Vueling est une compagnie catalane. Il est également patent que les compagnies du Golfe sont jugées stratégiques par leurs gouvernements qui ne ménagent pas les investissements pour des soutenir.

Mais enfin, que veut-on ? Si les Pouvoir Publics français ne veulent pas voir disparaitre totalement le pavillon tricolore, ils doivent à l’évidence prendre les décisions qui s’imposent. Et d’abord trouver le moyen d’égaliser les charges de personnel au niveau moyen européen. Ensuite il faudra certainement supprimer les taxes étranges du style de la taxe Chirac, sauf à la faire appliquer par tous les autres opérateurs. Enfin il parait normal de faire travailler Paris Aéroport prioritairement pour Air France et les compagnies françaises, comme l’ont d’ailleurs très bien compris les états du Golfe où les plateformes aéroportuaires sont au service des transporteurs nationaux. Enfin, il serait sans doute intéressant de libéraliser les accès à Orly.

Bien entendu, ces assistances devraient être accompagnées par un pacte avec les compagnies lesquelles s’engageraient à mener les réformes nécessaires dans leur organisation.

Mais j’ai bien l’impression que tout cela n’est qu’un vœu pieux et que le pavillon français ne continue à s’enfoncer. Hélas !

Jean-Louis BAROUX