La formation des pilotes se dote d’un nouveau module d’enseignement: la «menace de grève»

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Clémenceau disait de ses ennemis politiques «Ils sont intelligents et courageux mais ils manquent cruellement d’intelligence et de courage». Depuis quelques mois, sans doute l’avez-vous remarqué, la grande nouveauté dans les relations sociales entre les compagnies aériennes et les pilotes se nomme « menace de grève ». La dernière en date, prévue sur un mois, a montré à quel point certains syndicats sont bien loin des réelles préoccupations du terrain.

Quand vous parlez avec un pilote de la grande compagnie française, jeune en général, il précise que les préoccupations des vieux routiers de l’air sont souvent très éloignées de leurs préoccupations de base. Et de conclure «Les syndicats nous disent qu’Air France va disparaître alors que l’on entend partout qu'on manque de pilotes dans le monde. Nous n’avons pas de craintes pour l’avenir». Logique ! Et de fait, beaucoup, attirés par les sirènes du Golfe, regardent avec intérêts les offres d’emploi. Mais ils rajoutent souvent que dans le monde, les pilotes français ne sont pas bien vus: ils sont en permanence dans la revendication.

La grève est un droit légitime et nécessaire… Pas un argument de pression. On ne peut l’utiliser comme le feraient des enfants qui arrêteraient de respirer pour obtenir un nouveau jouet. Personnellement, je ne crois pas aux analyses extrêmes de certains syndicats qui expliquent sans broncher qu’Air France va bien et que tout le «pognon» part dans les poches des dirigeants. Un peu comme en politique, quand le mensonge devient règle de persuasion. On vient de le voir aux élections européennes. Et je ne crois pas non plus à la «kolkholisation» du travail, le patron payé comme les employés. L’exemple soviétique a vite démontré les limites de l’homme. L’ambition est la première étape de la réussite.

Bref, il faut de l’intelligence pour négocier. Les pilotes, comme les autres, n’en manquent pas. Mais sans le bon sens et l’analyse de la situation au moment où l’on échange… La menace apparaît comme une faiblesse. Regardez les syndicats allemands, ils ont tout compris dans le dialogue social. Je ne crois pas que la finalité d’Alexandre de Juniac soit de couler Air France. Bien au contraire, réussir serait bon pour son image. Il le sait.

Bien d’autres patrons de l’aérien se sont retrouvés dans des cas identiques. British a été sauvé par la volonté d’un homme. Tout comme la Lufthansa ou des dizaines de compagnies dans le monde. Et la seule solution pour s’opposer aux menaces, c‘est la fermeté. Il serait dommage d’en arriver là avec autant d’hommes de bonne volonté, de surcroît intelligents.

Marcel Lévy