La grève vue par la presse mondiale

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il est toujours intéressant de voir comment nos voisins proches ou lointains interprètent le mouvement de grève qui bouscule l'économie française. Pour les pays du Sud, sensibilisés à l'action syndicale, la «révolution» française actuelle est juste et légitime. La Stampa, à Rome, ne cache pas que "Le problème des retraites ne pouvait pas se régler en quelques semaines comme l'a voulu le président français". Et d'ajouter que "le peuple souverain doit participer pleinement aux débats démocratiques". Une idée que partage fortement la presse espagnole qui s'étonne que "La France qui a voté le référendum d'initiative populaire n'ait pas réussi, faute de décrets, à le mettre en place sur un sujet aussi brûlant que celui des retraites".

Plus réservée, la presse anglo-saxonne se demande si les Français ne sont pas des enfants gâtés. Le Guardian s'interroge sur notre "capacité à vivre à crédit les 20 prochaines années qui arrivent" et de conclure "Les Français, hyper protégés par un système social qui date de la dernière guerre, ne veulent pas regarder plus loin que le bout de leur nez et refusent que l'on s'attaque à des privilèges qu'ils sont pourtant incapables de se payer". Son de cloche quasi identique pour les commentaires de la presse américaine qui se demande, faute de connaître autre chose que les fonds de pension, si la solution n'est pas dans la capitalisation individuelle plutôt que dans la répartition. Pour le New York Times, repris d'ailleurs par beaucoup d'éditorialistes américains "Le problème des retraites est un souci majeur pour la France qui ne sait comment se sortir des situations complexes qui pèsent sur son déficit et de lui permet pas d'assumer le développement économique qu'elle serait en droit d'attendre. La France des acquis sociaux se retrouve face à ses contradictions : toujours plus d'avantages, moins de charges".
Il y a aussi des analyses plus nuancées aux États-Unis. Le Los Angeles Times pense que le problème est plus culturel qu'économique. Et d'expliquer: "Les Français ont l'une des meilleures productivités européennes qui les conduit à gérer beaucoup de stress et de contraintes. On comprend pourquoi il ne souhaite pas travailler jusqu'à 67 ans". Surprenant, le regard de nos amis canadiens eux aussi fortement syndicalisés et sensibles à toute amélioration de la vie professionnelle. Dans le journal de Montréal, la grève est présentée comme un épiphénomène, une sorte de hoquet social qui ne devrait pas durer trop longtemps. Enfin, en Asie, à l'exception des retards et annulations occasionnés dans le trafic aérien, la grève est juste citée comme un événement. Ni détails, ni commentaires. Juste les faits.

Globalement, si la presse recrée ce clivage Sud/Nord, fortement attaqué par la presse conservatrice aux USA, beaucoup de confrères européens, comme en l'Allemagne ou en Suède, reconnaissent que les Français soutiennent majoritairement le mouvement, ce qui veut sans doute dire que "La réforme est mal faite, vite faite et peu lisible". De quoi expliquer avec bon sens la mobilisation actuelle.

Marc Dandreau