La mobilité n’a peut-être rien à voir avec la clause de mobilité !

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Les chaleurs estivales n’empêchent pas les juges d’innover, comme en témoigne l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 11 juillet 2012 (N° de pourvoi : 10-30219). Où l’on découvre que ce n’est pas la clause de mobilité qui rend un salarié mobile, mais sa fonction.

La mobilité n’a peut-être rien à voir avec la clause de mobilité !
Monsieur X avait été embauché en 2001 par la société Charles Riley Consultants International (CRCI), en qualité de Directeur technique. Dans son contrat, une clause de mobilité indiquait qu’il pouvait « être amené à assurer des missions à l'extérieur de l'entreprise, que ce soit en France ou hors de France pour une durée plus ou moins longue », et que « l'employeur et le salarié reconnaissent expressément que la mobilité du salarié dans l'exercice de ses fonctions constitue une condition substantielle du présent contrat sans laquelle ils n'auraient pas contracté ».

Pour autant, Monsieur X a refusé en mai 2006 de se rendre à Alger pour une réunion de travail. L’histoire ne dit pas quel était le motif de ce refus. Quoi qu’il en soit, son employeur l’a licencié durement, pour faute grave.

Monsieur X a saisi la justice prud’homale et a d’abord obtenu un arrêt jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et donc une condamnation de l’entreprise à lui verser diverses sommes.

Monsieur X avait fait valoir que sa clause de mobilité était imprécise puisque, contrairement à ce que préconise depuis longtemps la jurisprudence, cette clause ne disait pas où son employeur pouvait l’envoyer. La Cour d’appel avait validé ce raisonnement en relevant lyriquement « une indétermination de la zone géographique d'évolution du salarié emportant la nullité ab initio de ladite clause ».

La société n’en est pas restée là, et elle a soumis le litige à la Cour de cassation. Bien lui en a pris car la Haute Juridiction lui a donné gain de cause ! En substance, la Cour de cassation a estimé que la validité de la clause de mobilité n’était pas le sujet dans cette affaire. Ce qui importait était de vérifier que le déplacement demandé à Alger s’inscrivait bien dans le cadre habituel de l’activité du salarié. Or Monsieur X exerçait une activité de « consultant international », permettant de valider la position de l’employeur.

Donc, si l’objet même du contrat implique de voyager, peu importe la clause de mobilité, nous dit la Cour de cassation.

Reste cependant que la convention collective SYNTEC qui était applicable dans cette affaire impose la signature conjointe d’un ordre de mission pour pouvoir envoyer le salarié à l’étranger (ou même en France) et y compris pour une mission de courte durée. Or ceci laisse entendre qu’il faut donc un accord des deux parties pour valider les modalités d’un déplacement professionnel. Alors comment conjuguer la nécessité d’un ordre de mission contractuel et l’obligation d’accepter tout déplacement si on occupe un emploi qui impliquerait de voyager ?

La question ne semble pas avoir été débattue sous cet angle dans cette affaire et on attendra donc les arrêts suivants avec intérêt. Mais en attendant… prudence dans la rédaction des clauses de mobilité : elles doivent quand même être précises.

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