La petite compagnie qui monte, qui monte…

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Première compagnie aérienne régionale en France, Airlinair fête tout juste ses dix ans d’existence autour d’un bilan très positif. En période de crise économique, son patron Lionel Guérin reste pragmatique et envisage l’avenir avec prudence.

La petite compagnie qui monte, qui monte…
Sous ses airs de petit transporteur régional, Airlinair s’est imposée en une décennie comme une compagnie aérienne incontournable en France avec vingt-quatre avions sur le tarmac et cent trente vols par jour. Un succès articulé autour de trois piliers : le choix judicieux d’une flotte exclusivement composée de turbopropulseurs, une fidélisation de la clientèle, notamment des entreprises régionales, et l’implication de l’équipe Airlinair. « Airlinair est avant tout une grande aventure humaine. Le principal capital est humain : j’ai fait en sorte de m’entourer d’équipes plus intelligentes que moi-même », tels sont les mots du patron, Lionel Guérin, également à la tête de la low-cost Transavia. Airlinair a su anticiper très tôt un retour vers une stratégie de compagnie économique et dans cet objectif le choix de l’outil, un avion peu gourmant en carburant, s'est montré décisif. « A chaque disparition de compagnie pendant les crises successives, Airlinair a pu grandir tout en restant simple », souligne le président qui présente un chiffre d’affaires de 103 millions d’euros en 2008.

Prix, proximité et service
Le succès d’Airlinair ne s’est pas fait sans un soutien massif des voyageurs d’affaires. Le transporteur se positionne sur ce marché comme une compagnie régionale de proximité plutôt axée sur les PME-PMI, avec près de 55% de voyageurs business et une activité loisirs que s’approprie de plus en plus les cols blancs pour profiter des tarifications intéressantes - une tendance forte en temps de crise. Mais la conjoncture n’épargne pas la compagnie qui enregistre un recul de 5% de son CA fin mars 2009 par rapport à l’année précédente. Pour Lionel Guérin, la prudence est donc de mise : « La période 2009-2010 sera une période très dure mais passionnante. On observe un changement des modes de consommation, et les modèles doivent évoluer rapidement. Il faut écouter les clients, observer les changements de société, les tendances. Trois piliers se dégagent ainsi : le prix, la proximité et le service ». Du côté du réseau, la retenue s’impose également, car si l’exercice Iata 2008-2009 est légèrement bénéficiaire, 2009-2010 sera beaucoup plus compliqué. Quelques fréquences supplémentaires sont ajoutées sur les lignes au départ d’Agen et Castres vers Paris. Et malgré une concurrence aux tarifs très agressifs sur Bordeaux et Toulouse, le marché a bien réagi avec une augmentation de 30% du trafic. Reste maintenant à attendre un retour client cet été. « Profitons de cette crise pour adapter le modèle. Airlinair ne pourra qu’en sortir grandie : il ne faut jamais perdre de vue cette ouverture, cette humilité » souligne le PDG de la compagnie.
La petite compagnie qui monte, qui monte…
Force commerciale
Pour attirer les voyageurs d’affaires soumis aux réductions drastiques des budgets alloués aux déplacements dans les entreprises, Airlinair mise sur une politique commerciale très attractive comme l’explique Lionel Guérin : « Nous animons beaucoup le marché. Nous avons des commerciaux basés en bout de ligne qui passent leur temps à démarcher. Nous sommes très à l’écoute des Chambres de Commerce et d’Industrie et des Conseils Régionaux, nous suivons l’actualité locale. Nous étudions le marché pour être le plus compétitif sur la destination ». En découle des tarifications légères comme le Paris-Castres à partir de 69 € TTC ou une offre tarifaire unique sur Aurillac pour 79 € TTC en aller simple.
Outre la tarification directe, Airlinair mise sur ses équipes commerciales et leurs relations avec les Travel Managers. Ici encore le pragmatisme est de mise : des contrats firmes classiques qui évoluent en permanence à grands renforts d’avantages et de prix dégressifs. Et si le modèle tend à se rapprocher du low-cost, il n’impose en revanche aucunement les restrictions qu’on lui connaît pour les services à bord et au sol. Pour Lionel Guérin, le contact direct et la proximité des équipes commerciales qu’offrent sa compagnie sont de véritables atouts : « Notre offre est limitée en terme de fréquence, nous devons donc communiquer très en amont. Dès qu’il y a un problème, on anticipe et on informe grâce à des process pré-établis ».

Esprit pratique
Séduire les Travel Managers est une chose, encore faut-il fidéliser les voyageurs. Outre l’acceptation de la carte d’abonnement Air France et du programme de fidélité Flying Blue, Airlinair dispose d’avantages sérieux pour séduire les business globe-trotters. Pour commencer, la simplicité d’utilisation et d’accès aux petits aéroports de province. A Brive-la-Gaillarde pour exemple, l’avion se pose à quelques mètres de la sortie et cinq minutes seulement suffisent à rejoindre le parking une fois les moteurs coupés. Petit conseil pour gagner un peu plus de temps : choisir les sièges situés au fond de la cabine, la sortie s’effectuant par l’arrière de l’appareil. En revanche, si vous souhaitez travailler à quatre pendant le vol, les deux premiers rangs se font face pour une configuration «réunion». L’intimité de la compagnie permet également un accueil chaleureux, notamment pour les voyageurs fréquents qui apprécient d’être reconnus en montant à bord.

Une compagnie vertueuse
A l'heure où l'avion est remis en cause sur les courtes distances, la compagnie peut avancer des arguments. Le choix d’une mono-flotte exclusivement composée de turbopropulseurs fut une décision avant-gardiste à une époque ou le réacteur régnait en maître. Car si la solution est indiscutablement économique, elle est également moins polluante. Un atout à une époque où l’aviation civile est montrée du doigt pour son empreinte carbone. « Je ne voyais pas la possibilité d’utiliser autre chose que des turbopropulseurs sur des courtes distances et des vols d’1h15. En terme d’environnement, on ne peut pas impunément nier les problèmes », explique Lionel Guérin, qui fait traduire les réductions de coût en émissions carbones. Une implication environnementale qui renforce le modèle économique de la compagnie selon son président, qui conclut : « J’espère être toujours à la tête d’une compagnie vertueuse, un exemple en terme d’optimisation durable. Faisons-nous partie d’une espèce en voie de disparition, ou a-t-on trouvé le bon business modèle ? La réponse dans dix ans ».

Alexis Dufour