La rentrée sera chaude … en Espagne

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Oui, bien sûr on pourrait encore parler d’Air France, mais ce serait une nouvelle fois pour dire que les difficultés sont devant la compagnie après les résultats vraiment désastreux du premier semestre 2012. La seule bonne nouvelle, mais elle est de taille, est que les syndicats de pilotes ont finalement accepté le plan proposé par leur direction qui vise, pour l’essentiel, à accroître leur productivité. Il était grand temps que le bon sens l’emporte. Mais ce qui a retenu mon attention cet été est une annonce faite par Willie Walsh le Président du groupe IAG qui regroupe British Airways et Iberia. Il n’a pas fallu très longtemps pour qu’apparaissent au grand jour les énormes disparités de production entre les deux grands transporteurs européens.

La rentrée sera chaude … en Espagne
Il faut dire que British Airways a fait une formidable cure d’austérité qui a porté ses fruits alors qu’il n’en a rien été du côté espagnol. Et les résultats sont très disparates : 13 millions d’euros de profit pour British Airways, ce qui reste tout de même très modeste, et 263 millions d’euros de pertes pour Iberia ce qui est très significatif.
Alors que va-t-il se passer ? En bonne logique les instructions données par le patron du groupe doivent être appliquées par les filiales. Willie Walsh n’est pas un enfant de cœur. Il va certainement mettre une grande énergie à faire en sorte que les résultats d’Iberia ressemblent à ceux de la compagnie britannique. Mais une fois qu’on a dit cela, comment faire ?

Il n’a pas fallu longtemps aux pilotes ibériques pour mettre en place un système de grèves qui ne leur coûtait rien et qui était très pénalisant pour la compagnie. Ces gens-là ont été habitués depuis toujours à gagner leurs bras de fer, fusse avec les gouvernements. Vont-ils tout d’un coup décider qu’ils doivent changer de politique ? Ce serait très surprenant. Rappelons que la grève du début d’année avait pour cause la création d’une filiale «low cost» d’Iberia, ce qui n’était tout de même pas une régression. Comment vont-ils réagir lorsque les licenciements seront annoncés ? Car il faudra bien qu’Iberia fasse elle aussi sa cure d’amaigrissement.

On oublie un peu facilement que les effectifs de British Airways sont passés de 63 000 salariés à 45 000 en dix ans. Les sacrifices ont été considérables. Mais la culture espagnole est toute autre. Les synergies toujours annoncées, toujours espérées ne suffiront pas à faire passer les comptes en positif, d’autant plus que le vrai bénéficiaire de la restructuration des réseaux sera plus que probablement la compagnie britannique.

Cela prouve une fois de plus que ce n’est pas parce qu’on est gros qu’on est rentable. Au fond, Willie Walsh était bien tranquille avec sa compagnie restructurée et dont les fondamentaux sont maintenant bons. Pourquoi a-t-il été se mettre dans le pétrin espagnol ? Beaucoup de grands capitaines à commencer par Napoléon se sont cassé les dents sur la fierté de ce peuple qui peut accepter d’énormes sacrifices à la seule condition qu’ils ne soient pas imposés de l’extérieur. Or c’est justement ce que Wille Walsh veut faire.

Vue de Paris, la situation espagnole est intéressante. Une compagnie « hybride », j’ai nommé Vueling, engrange de bons résultats avec un modèle original, mais elle est handicapée car elle a encore Iberia, c’est-à-dire son concurrent dans son capital. Et puis il y a la grande compagnie nationale qui a créé une nouvelle « low cost » Iberia Express pour faire concurrence parait-il à EasyJet, Ryanair et les autres compagnies du nord de l’Europe, mais qui en fait sera le concurrent de sa maison mère. Autrement dit Iberia a créé les instruments pour s’affaiblir. Et tout cela sans doute sous la pression amicale peut-être des anglais.

La rentrée s’annonce pour le moins intéressante dans ce pays. Cela nous changera un peu de nos difficultés françaises.

Jean-Louis BAROUX