Le drame polonais repose la question des voyages de dirigeants

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La disparition d’une grande partie de l’équipe du Président Polonais dans l’accident d’avion de samedi pose à nouveau la question des déplacements professionnels des dirigeants d’entreprises. À ce sujet, les politiques varient d’une société à l’autre. Certaines refusent de voir le président voyager avec ses adjoints. D’autres jouent la carte du deux par deux : […]

La disparition d'une grande partie de l'équipe du Président Polonais dans l'accident d’avion de samedi pose à nouveau la question des déplacements professionnels des dirigeants d'entreprises. À ce sujet, les politiques varient d'une société à l'autre. Certaines refusent de voir le président voyager avec ses adjoints. D'autres jouent la carte du deux par deux : le PDG ne voyage pas directement avec son adjoint mais avec l'un des cadres du comité exécutif. Aucune règle précise ne permet aujourd'hui de dire quelle est la meilleure solution même si, depuis quelques années, le sujet préoccupe beaucoup les travel managers et les chargés de voyage.
Depuis deux ou trois ans, les voyages des dirigeants des entreprises américaines sont généralement organisés en fonction de ce que l'on nomme "l'arbre des décisions". La pointe, c'est-à-dire le Président, voyage seul alors que les branches (10 à 15 membres du comité exécutif) voyagent «par opposition», c'est-à-dire un directeur avec l'adjoint d'un autre directeur et ainsi de suite. Dans cette organisation, on préserve principalement le bon fonctionnement de la chaîne de décision et l'on met à l'abri l'entreprise de tout accident d’avion. Mais les Américains, pragmatiques, ne limitent pas les problèmes aux seules catastrophes aériennes. Depuis quelques années, avec la montée du terrorisme et les risques d'enlèvement dans certains pays, ce sont des services de sécurité puissants (entre cinq et cinquante personnes selon la taille de la société) qui assurent la préparation des grands patrons et gèrent leur sécurité sur le terrain. Parmi les dossiers soumis à leurs compétences, la qualité de la compagnie aérienne choisie (qu'elles soient publiques ou privées) est essentielle au moment de l'achat des billets. On vérifie l’origine des entreprises de location de voiture, la géographie des lieux officiels tout comme celle des restaurants ou des hôtels qui vont accueillir les équipes.
Dans son édition de dimanche dernier, le Los Angeles Times, très lu par les dirigeants des sociétés informatiques de la côte ouest, précise même qu'"En cinq ans, les déplacements des Big Boss de la high-tech américaine ont été réduits de 40 %», non pour des raisons économiques mais parce que les services de sécurité considéraient que le déplacement était dangereux. En Allemagne comme en Grande Bretagne, on ne prend pas à la légère les missions à l'étranger des dirigeants des grandes entreprises cotées en Bourse. Sans forcément l'avouer, les services secrets britanniques gardent un œil ouvert sur ses déplacements privés et n'hésitent pas à informer les services de sécurité internes des éventuels risques que le dirigeant pourra rencontrer à l'occasion de son déplacement.
Et en France ? Toutes les entreprises du CAC 40 ont travaillé le sujet et mis en place des politiques rigoureuses de déplacements. Selon nos sources, ces politiques sécuritaires sont, depuis quelques années, souvent mises au point avec l'aide des spécialistes de la Police Nationale ou des services de sécurité en charge des voyages officiels. Finalement, ce sont principalement les entreprises de taille moyenne, dont les dirigeants sont pourtant indispensables à leur fonctionnement, qui ne se soucient pas ou peu de cette problématique des déplacements professionnels. L'accident polonais les rappelle à l'ordre et les invite, indirectement, à très vite se préoccuper de la question.

Marc Dandreau