Le grand retour de la visioconférence : green washing ou croyances profondes ?

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On la croyait tomber dans les oubliettes, et voilà qu'elle revient en force. Et ne nous y trompons pas, ce ne sont pas les économies qu'elle permet de réaliser qui comptent, mais avant tout le souci de préserver la planète. Aux USA, la visioconférence fait son grand retour en force. Et ce nouvel engouement n'est pas né du seul intérêt évident de cet outil de communication. Pour bon nombre d'entreprises de la côte Est et Ouest, c'est une nouvelle approche du business travel.

Il y a deux ou trois ans, lors de la montée en puissance de la fameuse « empreinte carbone » qu'évoquaient toutes les compagnies aériennes sur leur site, les start-ups de la côte ouest américaine se moquaient gentiment du regard européen sur ce qu'elles considéraient comme étant une évidence depuis des années. Mais ce qui semble simple aux uns est souvent plus compliqué pour les autres. Il faut dire qu'à l'époque, cette compensation se faisait en monnaie sonnante et trébuchante via des calculs parfois complexes et à la précision plutôt limitée. Payer sans savoir très bien ce qu'on allait protéger et compenser sans bien savoir quoi non plus, ce n'était pas dans la philosophie des entreprises européennes.

Aujourd'hui, le souci de préserver la planète dépasse le simple cadre du voyageur d'affaires pour devenir grande cause de l'entreprise avec ses exigences, mais aussi ses excès. La Silicon Valley pousse à l'extrême le besoin de travailler en préservant les ressources. De quoi sourire quand on connaît la consommation des gigantesques serveurs destinés à stocker les données privées. Pas question pour autant de ne rien faire sur le sujet. Google a décidé de devenir producteur d'électricité verte et Apple vient de publier un document interne qui évoque toutes les façons connues de préserver l'environnement de travail et d'optimiser le recyclage.

Dans ce vaste plan, le voyageur d'affaires est désormais sommé de justifier ses déplacements et de proposer les solutions qui lui permettent d'atteindre son objectif en polluant le moins possible. De très grandes entreprises californiennes réfléchissent désormais à la façon de se déplacer avec une empreinte carbone la plus faible possible. Si les résultats sont probants pour de courtes distances, il n'en va pas de même dès que leurs relations commerciales ou technologiques sont à l'international, là où l'avion est indispensable pour aller d'un point à un autre.

Pour autant, si les entreprises sont parfaitement conscientes qu'il y a des limites à cet exercice, elles souhaitent toutes optimiser le quotidien en travaillant sur le plus petit dénominateur commun, que ce soit pour aller du travail à la maison, d'un centre d'exploitation à un autre, d'un bureau d'études à une zone de production. Désormais, il n'est pas rare que les entreprises repensent l'implantation de leurs bureaux pour permettre dans certains cas à leurs collaborateurs de se rendre en voiture électrique voire en vélo d'un point à un autre. Ces fameux vélos multicolores que Google a implanté sur son campus il y a une décennie ! Et les premiers résultats se font sentir. Chez Apple, six à 8 % des déplacements professionnels sont désormais optimisés et les règles collaboratives privilégiées.

Dans cet univers où les Californiens sont en pointe, il était naturel que la visioconférence redevienne l'un des outils privilégiés pour les contacts professionnels. La simplification des matériels, la puissance des réseaux et l'optimisation des technologies sont devenus des éléments forts de ce nouvel art de vivre les déplacements professionnels. Selon les cabinets d'études américains, comme IDG, le retour des outils de communication vidéo et audio est engagé en 2018 avec une hausse du marché de 12 à 22% selon les Etats. Là encore, il ne s'agit que de prévisions.

Il n'existe pas en Europe de datas comparables pour évoquer le sujet et les économies qu'apportent les outils de visioconférence. Une étude menée par le cabinet B&P en 2014 (!) évoquait une réduction prévisionnelle de 8 à 12% du budget voyage d'affaires avec 40% des voyages d'affaires en moins grâce à la technologie pour les remplacer. Seule certitude, entre une caméra connectée à un ordinateur - capable de relier trois à quatre personnes entre elles - et un billet d'avion en business, la lutte est inégale.

Mais pour vendre la visio il faut aussi sensibiliser les voyageurs qui apprécient de quitter l'entreprise pour "changer d'air" de temps en temps. Seule solution avec les millenials, une gamification intelligente associée à un retour financier des économies réalisées. Des méthodes déjà utilisées dans une vingtaine d'entreprises comme Facebook ou Twitter et qui vont devenir aux États-Unis de véritables enjeux économiques pour les prochaines années.

Faut-il pour autant tout parier sur cette technologie de l'image ? Bon nombre d'experts en doutent. Le très classique « face to face », base millénaire de la relation humaine, ne peut être remplacé par une simple machine. Le dilemme est donc complexe : sauver la planète ou engranger des bénéfices ? Contrairement aux idées reçues, le voyage d'affaire ne saurait être décroissant à l'image de cette vision de la vie prônée depuis quelques années. La visio sera sans doute l'outil à préserver, mais un outil comme un autre. Ni plus, ni moins.

A New-York,
Philippe Lantris.