Le « low cost » long courrier à la française

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Au cours de la décennie 1990, la France a brillamment raté l’étape du « low cost » par simple arrogance et puis aussi, disons-le, la peur d’avoir à réformer douloureusement le mode de gestion des compagnies aériennes. Et donc, on nous a expliqué que ce qui marchait aux Etats Unis ne pouvait surtout pas être importé en Europe compte tenu de la petite taille de notre continent. C’était l’évidence, un point c’est tout.

Bon, il a fallu se rendre à la réalité. Le « low cost » a pris le dessus sur le transport traditionnel et toutes les compagnies ont été amenées à aligner leurs politiques tarifaires sur ces nouveaux entrants, à commencer par des prix en aller-simple et non pas en aller-retour comme c’était alors le cas. Bien entendu, les coûts ne se sont pas pour autant alignés sur les prix car « on nait « low cost », on ne le devient pas ». Et c’est ainsi que ce qui était la vache à lait des transporteurs traditionnels, je veux parler du moyen-courrier, est devenu une source récurrente de pertes. Les réseaux n’ont été maintenus que pour alimenter le long-courrier sur lequel les compagnies comptent maintenant pour équilibrer leurs comptes.
 
Et voilà que le même phénomène « low cost » s’annonce maintenant sur le long courrier. Alors, comme d’habitude, dirais-je, les responsables des grandes compagnies ont expliqué à grands renforts de démonstrations qu’il était strictement impossible d’appliquer ce genre de produit sur des vols de plus de 4 heures, ne serait-ce que parce qu’il est impossible de générer une rotation supplémentaire quotidienne, comme c’est le cas sur le court-courrier.
 
Seulement les rotations des appareils ne représentent qu’une partie des coûts d’une compagnie aérienne. L’utilisation des personnels, les modes de rémunération, la recherche des produits et recettes annexes, la bonne définition de la flotte, et j’en passe, voilà autant de composantes du prix de revient qui, elles, peuvent être très améliorées.
 
C’est le pari qu’a fait le Groupe Dubreuil, propriétaire, entre autres d’Air Caraïbes, en lançant ce qui sera le premier transporteur « low cost » français : French Blue, dont les opérations débuteront au mois de septembre. On y retrouve la patte de Marc Rochet. Ce dernier assure être capable de mettre sur le marché des prix de vente inférieurs au moins de 10% par rapport aux plus bas tarifs actuels, tout en gagnant de l’argent, ce qui est une caractéristique du Groupe Dubreuil, en ayant optimisé toutes les composantes du prix de revient. Et on peut lui faire confiance ainsi d’ailleurs qu’à la petite équipe qui travaille depuis longtemps avec lui, au premier de laquelle on trouve son complice depuis les années Air Inter, Dominique Gretz. Il est d’ailleurs intéressant de noter que 3 types de tarifs seront proposés sur les lignes de French Blue ; cela ne vous rappelle pas les vols Bleu Blanc Rouge d’Air Inter ?
 
Bref, pour une fois, la France ne paraît pas être trop en retard dans le domaine du « low cost » long- courrier. Notons cependant que Norwegian opère déjà du transatlantique avec des Dreamliners. Autant ne pas lui laisser toute la place.
 
Gardons cependant en tête que toute compagnie française traine des boulets sérieux par rapport à ses concurrents étrangers. Je veux parler de notre droit du travail si rigide et de notre système d’imposition et de charges salariales, tout simplement incompatibles avec une compétition à l’échelle mondiale. Les concurrents des compagnies françaises ont tous des avantages considérables dans ces domaines. Il serait tout de même temps que les responsables politiques prennent conscience de ce phénomène et surtout, qu’ils décident des mesures appropriées pour mettre le transport aérien français capacité de se mesurer à armes égales avec ses concurrents étrangers. Non seulement ceux du Golfe, mais également les européens.
 
Il reste que le « low cost » long-courrier ne signifiera pas forcément « low service ». Je note que les appareils mis en service sur French Blue seront de la dernière génération, et qu’ils bénéficieront d’un très bon équipement digital. Mais le futur sera probablement la définition du voyage « à la demande ». Le client achètera son siège à un prix basique et il fera l’acquisition de tous les services dont il souhaitera bénéficier : accès au salon aéroportuaire, choix de ses repas et de ses boissons, facilités de délivrance des bagages plus un tas d’autres services qui vont devenir disponibles et qu’on achètera à partir de son smart phone.
 
Tout cela pour le plus grand profit des compagnies qui sauront s’adapter.
 
Jean-Louis BAROUX