Le marketing du prix comme politique voyage

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Peut-on imaginer une approche marketing uniquement basée sur la capacité du client à prendre en charge une partie des services que l'on veut lui vendre ? En clair, comment déterminer quand une entreprise est incapable, malgré un appel d'offres poussé, de savoir si le tarif proposé est réellement le meilleur que peut lui faire un fournisseur ?

Cette question, qui occupe bien des étudiants des plus prestigieuses écoles de commerce, est toujours à la base des relations commerciales entre un vendeur et un client. Bien des spécialistes vous diront que dans cette partie de "poker menteur" beaucoup d'éléments entrent en jeu. Si l'on arrive aujourd'hui à déterminer un tarif brut de base pour des productions manufacturées, il est bien plus complexe de savoir où se trouve le curseur commercial d'une compagnie aérienne ou ferroviaire, d'un groupe hôtelier ou d'un loueur de voitures.
En 2010, la quête perpétuelle du prix le plus bas a conduit les entreprises sur les pistes jusqu'alors inexplorées du fameux self Travel, géré directement par le voyageur. Les professionnels, travel managers ou acheteurs, ont expliqué en long et en large, pourquoi il était impossible de laisser survivre de telles pratiques sans mettre en péril les politiques voyages voire même les budgets alloués aux déplacements professionnels. Autant dire que dans leur esprit, l'idée était mort-née, du moins dans leur esprit de gestionnaires. A l'occasion d'un déplacement à Washington, en décembre dernier, dans le cadre de la Flying business Travel Academy, l'universitaire Scott Gillespie a démontré que la seule voie possible du développement dans le monde du voyage d'affaires passe par l'innovation, à condition qu'elle fasse évoluer et non régresser le domaine concerné. Bon nombre d'outils du voyage d'affaires, largement implémentés dans les entreprises, ne sauraient rester figés. Un SBT, par exemple, ne peut se contenter d'un paramétrage à la pépère qui satisfait tout le monde et ne plaît à personne. Fort des observations du marché, Scott a tout naturellement dressé la voie de ce qui pourrait devenir rapidement une autre approche technologique du voyage d'affaires avec une recherche en permanence du prix le plus bas grâce à des outils numériques de plus en plus performants. Exit la base de données formatée, bienvenue aux datas d'origine multiples et sans cesse en mouvement. Le modèle que propose, difficilement, American Airlines. L'idée est dangereuse, du moins pour les fournisseurs : ils seraient en permanence challengés par des outils et des utilisateurs qui se soucieront peu des codes et des usages mis en place par les acheteurs... Et leurs partenaires "fournisseurs" !
Ne me demandez pas si ce travail de fond est réalise. Encore moins s'il sera bientôt accessible à tous. Je n'en sais rien, pas plus que les développeurs qui aujourd'hui s'y intéressent. Ce qui est certain, c'est que les chapelles établies devraient tomber les unes après les autres. Certains fournisseurs, surtout dans l'aérien, ont bien compris que les évolutions profiteront à ceux qui viendront les premiers se positionner sur cette nouvelle vision du voyage d'affaires. On pourrait presque dire qu'il faut désormais oublier toutes les visions poussives et académiques de l'appel d'offres, du benchmarking ou du reporting. Au final, ni les chiffres, ni les besoins, ne devraient changer. C'est leur accessibilité et leur utilisation qui sera révolutionné. Ce sera aux esprits de s'adapter. C'est là, sans doute, que les changements seront les plus difficiles à engager.

Marcel Lévy