Le mythe du ROI dans la téléprésence

62

Depuis quelques semaines, de surprenants communiqués, émis par des instituts de sondage américains et visiblement commandités par de grands noms de la téléprésence, évoquent à longueur de lignes les bienfaits de la téléprésence et un retour sur investissement quasiment mesurable à la minute près. Beaucoup de bruits mais peu de faits pour justifier ces résultats éblouissants.

Au moment même où l'on cherche à faire des économies au sein des entreprises, cette offensive de la téléprésence est loin d'être un hasard. Elle repose sur des critères bien rodés : la facilité de mise en place des outils et le bénéfice immédiat que l'on peut en tirer. Le développement technologique qui conduit aujourd'hui à disposer d'outils d'échanges vidéo à des tarifs plus qu'accessibles (entre 1000 et 5000 € selon les postes de vidéoconférence) ouvre la porte aux salles de téléprésence dont le prix est, lui aussi, à la baisse avec l'arrivée des chinois sur marché jusqu'ici détenus par deux entreprises américaines. Et de fait, on lit "qu'une séance de téléprésence permet d'économiser 60 % du budget voyage" expliquent Logitech et Polycom. Un chiffre un peu hâtivement lancé si l'on regarde l'utilisation du système. Car dans la réalité, la téléprésence sert surtout à remplacer les conf call un peu austères et sans âme. Elle est souvent destinée à des débats technologiques, préparatoires à un déplacement nécessaire. Peut-on raisonnablement la considérer comme un outil d'économie de voyages ? "Certainement pas" expriment en cœur bien des acheteurs français de voyages qui restent persuadés que le "face to face" reste un élément clé de la relation professionnelle. Comment alors expliquer cette offensive communicante ? Peut-être en regardant du côté des résultats économiques de la téléprésence. La hausse spectaculaire annoncée de son marché n'aura pas lieu en 2012. Selon le Gartner group, sa progression, pour honorable qu'elle soit, va se limiter à 5 ou 6% seulement. Bien loin des 15 ou 17 % promis l'an dernier. Et c'est précisément parce que les économies annoncées ne sont pas aux rendez vous que les investissements dans des salles complexes de téléprésence ont été repoussés. Mais attention, il suffirait qu'un petit malin arrive avec des chiffres justes pour que le marché l'encense et s'équipe. C'est toute la complexité d'un domaine très technologique que personne ne sait encore mesurer.

Philippe Lantris à New York