Le réveil d’Aigle Azur

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Voilà une compagnie dont ne parle pas beaucoup mais qui a cependant une longue histoire dans le transport aérien français. Elle a été en effet fondée en 1946 par Sylvain Floirat, une des icônes de l’avion et des médias français. Outre Aigle Azur et Bréguet Aviation, Sylvain Floirat a dirigé Europe 1 et Matra, toutes entreprises très honorablement connues dans notre pays.

Après avoir desservi, dans les années 1950, l’Algérie, le Liban et l’Indochine, la compagnie était tombée dans la léthargie avant d’être reprise en 2001 par le groupe Gofast du très regretté Arezki Idjerouidene. Ce dernier l’a relancée vigoureusement, lui amenant des ouvertures importantes vers l’Algérie laquelle, avec 6 destinations dans ce pays, a longtemps constitué son fonds de commerce avant que celui-ci ne soit étendu vers le Portugal. Le retrait d’Arezki Idjerdouidene qui a souhaité profiter d’une retraite bien méritée et pourtant très écourtée par sa mort prématurée au Portugal, a marqué un tournant, son fils Meziane étant plus intéressé à développer le groupe Gofast que la compagnie.

Alors à la surprise générale, le groupe chinois HNA propriétaire, entre autres, de 6 transporteurs et non des moindres de ce pays, a pris une part très significative d’Aigle Azur. Très naturellement, cela lui a ouvert de nouveaux horizons vers le long courrier. A l’évidence, la Chine devait devenir une destination prioritaire, mais Aigle Azur ne détenait ni les avions long-courriers ni les droits de survol de la Russie. L’affaire ne s’est donc pas matérialisée et Aigle Azur s’est tournée vers l’Afrique et le Liban après une tentative avortée vers l’Iran.

Pour parachever sa stratégie de retrait, Gofast vend le reste de ses parts à David Neeleman le 26 novembre 2017. En fait, l’année 2017 constitue le vrai redémarrage de l’entreprise avec l’arrivée à sa tête, le 10 août, de Frantz Yvelin le fondateur de l’Avion et de la Compagnie. C’est un professionnel du long courrier qui va trouver dans la forte personnalité de David Neeleman le support dont il a besoin. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que David Neeleman est le créateur de 4 compagnies aériennes lesquelles ont toutes été un succès : Morris Air, revendue à Southwest Airlines, JetBlue Airways, Azul Brazilian Airlines et WestJet au Canada. Né en 1959, cet entrepreneur de nationalité brésilienne est tout de même très atypique. Il est Mormon, père de 10 enfants, il considère que sa réussite doit bénéficier aux autres. Mais l’homme est malin et pour mettre la main sur Aigle Azur, il n’a pas hésité à prendre la nationalité chypriote, ce qui le rend européen et par conséquent, qualifié pour posséder une compagnie de droit français.

Alors Aigle Azur affiche ses ambitions. D’abord la location de 2 A330/200 pour faire du long courrier. On voit bien revenir la Chine dans les projets de la compagnie, mais également l’Afrique de l’Ouest où elle est déjà présente à Bamako et Dakar. Avec l’équipe constituée par un actionnaire dynamique, le support de capitaux chinois et la capacité du dirigeant de donner à ses 1400 salariés un nouvel enthousiasme, il ne serait pas surprenant de voir la compagnie prendre un tout nouvel essor.

On peut alors se poser la question d’un rapprochement avec un autre transporteur français. Il est clair qu’en dehors du groupe national, les compagnies françaises sont encore un peu trop atomisées. Un rapprochement entre deux ou plusieurs autres transporteurs pourrait avoir du sens. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser à Corsair. En effet les réseaux d’Aigle Azur et de Corsair sont parfaitement complémentaires, et les deux compagnies ont commencé à coopérer sérieusement sur le continent africain. Et puis on ne peut que constater une convergence dans les flottes puisque Corsair est en voie de se séparer de ses derniers Boeing 747 pour les remplacer par des A330, justement comme ce que souhaite faire Aigle Azur.
Enfin, et ce n’est un secret pour personne, le groupe TUI souhaite se séparer de sa compagnie française. Les tentatives faites en ce sens avec le groupe Dubreuil - qui contrôle Air Caraïbes et French Bee - n’ont pas abouti et il y a très peu de chances que cela change.

Voilà une nouvelle perspective pour le transport aérien français. Certes, tout n’est pas écrit et si discussions il y a, elles restent bien confidentielles. Mais on voit mal les positions restées figées à partir du moment où une personnalité comme David Neeleman entre dans le jeu.

Jean Louis BAROUX