Le voyageur d’affaires est un mari ou une épouse comme les autres

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Voyager, et beaucoup voyager en particulier, peut parfois conduire à des situations familiales complexes. Pour Maître Jacqueline Cortes, deux cas de figure peuvent alors se produire. Explications juridiques

L’indemnité transactionnelle de licenciement : bien propre ou bien commun des époux ?

Selon le code civil (articles 1401 et 1404, alinéa 1er) les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l'exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier. Que doit-on comprendre ?

Pour l’indemnité transactionnelle de licenciement, la Cour de cassation a jugé (3 février 2010), qu’il s’agit d’un bien commun aux deux époux, dans la mesure où la transaction passée avec un employeur suite au licenciement répare le préjudice résultant de la perte de l’emploi, et non un dommage à la personne même du salarié, par exemple un dommage moral.

Elle a ensuite précisé (29 juin 2011) que si une indemnité transactionnelle de licenciement répare en fait « l'ensemble des préjudices liés à la perte de l’emploi », il n’y a cependant pas à distinguer entre un préjudice moral et un préjudice matériel (ou professionnel) : c’est toute l’indemnité qui entre quand même en communauté.

Ce n’est donc que lorsqu’une indemnité est expressément mentionnée comme réparant un préjudice strictement moral qu’elle reste un bien propre de l’époux qui la reçoit.

Ce ne sera a priori jamais le cas en matière d’indemnité transactionnelle de licenciement, puisque la rupture du contrat de travail occasionne toujours un « ensemble de préjudices ».

Il n’en demeure pas moins que certaines précautions peuvent être prises au moment de rédiger une transaction, dans des cas bien précis où le préjudice moral est à l’évidence important (hypothèse notamment du harcèlement moral).
Une transaction n’est pas un acte stéréotypé, mais un accord complexe aux multiples incidences, dont les termes doivent être soigneusement pesés.

Comment calcule t-on une prestation compensatoire ?

Votre conjoint ne travaille pas, ou il a un salaire bien moins élevé que le vôtre. Or voilà que le divorce se profile ! Allez vous devoir lui payer une «pension» ? En plus de la contribution aux dépenses pour les enfants ?

Oui et oui : vous allez devoir payer une «prestation compensatoire» à votre futur ex conjoint, indépendamment de la contribution destinée à l’entretien et l’éducation des enfants.

L'article 270, alinéa 2 du Code civil prévoit qu'au moment du divorce, «l’un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives».

Que signifie la disparité ?

C’est une notion objective. Aucun rapport avec les torts du divorce : l’existence et le montant de la prestation compensatoire ne sont pas influencés par la notion de «torts du divorce».

Il s’agit de constater, de manière objective et matérielle, que les revenus et le patrimoine de chacun des futurs ex époux est différent en valeur. Exemple : vous gagnez 6000 euros par mois et êtes propriétaire d’un appartement que vos parents vous ont légué, tandis que votre conjoint gagne 3000 euros par mois et n’est propriétaire de rien : il y a une disparité.

Dès lors, comment va t-on calculer cette prestation ? Va t-on prendre l’ensemble et le diviser par 2 ? Mais non.

On va appliquer les critères de l’article 271 du code civil, à savoir :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite.

Cette liste n’est pas limitative mais, en pratique, assez complète. Comment combiner tous ces critères ?

Si l’on considère que la prestation compensatoire peut être versée sous forme de rente pendant 8 ans (lorsque celui des deux qui doit la payer n’a pas les fonds suffisants en capital pour la payer en une seule fois), on comprend assez logiquement que la prestation compensatoire peut correspondre à 8 fois la différence de capacité d’épargne entre les époux. Cette capacité d’épargne correspond à ce qu’un citoyen moyen est capable de mettre de côté chaque mois lorsque ses revenus augmentent, avant impôt supplémentaire.

Certains correctifs seront cependant apportés dans le calcul de la prestation :
• La durée du mariage : on peut retrancher un pourcentage par année de mariage en-dessous de 28 ans de mariage considéré aujourd’hui comme la moyenne des mariages longs.
• L’âge de l’époux créancier de la prestation compensatoire influe également ; il faut savoir qu’à partir de 45 ans la prestation compensatoire augmente et qu’elle diminue à partir de 65 ans.
• Le nombre d’enfants : le correctif consiste à ajouter un pourcentage par enfant au-dessus de deux enfants.

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