Les 10 clefs d’un voyage incentive réussi

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Apéritif au milieu de la jungle, déjeuner d’huîtres en plein désert, jeu de piste à Varanasi, cours de gondole à Venise, dîner sur la muraille de Chine rien n’est trop beau ni assez original pour booster ou récompenser les troupes ou les clients d’une entreprise. Mais un programme de rêve ne suffit pas ! Une maladresse, un imprévu ou une simple faute d’organisation peut provoquer l’effet inverse sur les participants qui reviennent fatigués, déçus, voire pire - et c’est la catastrophe - démotivés.
Mode d’emploi pour un voyage incentive réussi.

S’y prendre à temps
Pour être parfait, un voyage incentive nécessite six mois à un an de préparation. L’entreprise doit planifier en détail le séjour qu’elle projette pour ses collaborateurs avant de consulter les agences spécialisées et choisir celle qui finalisera l’opération. A son tour, l’agence sélectionnée aura besoin de temps pour réserver longtemps à l’avance, billets d’avion ou chambres d’hôtels afin d’en négocier le prix. Sur ce point, tous les spécialistes sont d’accord : le succès d’un bon incentive réside dans sa préparation. «Tout doit être bordé dans les moindres détails bien avant le départ », assure Patricia Mongellas de RIV Turquoise, une agence habituée à emmener des clients aux quatre coins du monde. «Une fois le projet calé avec l’entreprise, ce qui prend déjà des semaines, nous travaillons dessus à temps complet un mois avant le départ en effectuant même des repérages sur place. Nous devons tout anticiper et ne laisser place à aucun imprévu» Depuis le moment où les collaborateurs vont s’envoler vers leur destination et l’heure exacte de leur retour, tout doit être pensé, prévu, organisé. Aucun accroc ne doit venir perturber la fluidité apparente de l’organisation.
Un cahier des charges préparé par le menu
La première tâche de l’entreprise est d’écrire noir sur blanc les objectifs, les dates, le type d’animations et le budget du voyage ou du séminaire qu’elle a en tête. On y ajoute le profil des participants, ce qu’ils sont, ce qu’ils aiment, et même ce qu’ils mangent, de façon à choyer tout le monde ! Car on n’organise pas de la même manière un séjour comme outil de rencontre entre jeunes collaborateurs dont on cherche à booster le dynamisme et la créativité et un séjour-récompense pour une force de vente qu’il faut inciter à mieux faire encore ! « Dans le premier cas, précise Pascale Picard, manager de l’agence de conseils Vertone, on va offrir à de jeunes salariés un week-end de fête dont ils garderont un souvenir formidable ! Le prétexte sera une séance de travail, assez « light », dans un cadre sympa, en France ou à l’étranger, suivie d’activités et de loisirs où ils vont rigoler et s’éclater. Comme ils se connaissent déjà, l’ambiance sera vite au rendez-vous » Dans le cas où l’on veut remercier une force de vente, invitée souvent avec un conjoint, on va sortir le grand jeu fondé sur le luxe, le rêve et l’émotion. Ce cahier des charges, validé par la direction générale, est l’outil indispensable sans lequel les agences ne peuvent élaborer un projet. « Il est très important à ce moment de rencontrer le client, précise Sophie Amsellem du Public System, pour entendre et comprendre ce qu’il veut. Une bonne écoute est à l’origine d’un bon incentive ».
Le choix de l’agence
Il est rare qu’une entreprise organise un voyage incentive en interne à moins d’avoir ses propres prestataires ou des réceptifs rodés de longue date. Le bébé se confie en général à une bonne agence d’événementiel, qui connaît son incentive sur le bout des doigts. Sa valeur ajoutée est d’apporter la créativité, l’originalité, les contacts, le savoir-faire et tous les petits plus qui feront de ce voyage une expérience unique. « Il faut en référencer une dizaine pendant l’année selon leurs expériences, leurs spécialités et leur réputation, conseille Matthieu Gufflet, directeur du cabinet Epsa, expert en achats hors production. Puis on n’en mettra que 2, 3 ou 4 en compétition. On leur expose en détail les attentes du client avant de leur demander de faire des propositions de durée, de transports, de destination, de budget et d’activités. Il est important de leur dresser un tableau du profil et du niveau socioculturel des participants, car on n’organise pas le même voyage pour des coiffeurs et leurs épouses, des cadres de banques ou des jeunes commerciaux qui veulent avant tout faire la fête.

Les 10 clefs d’un voyage incentive réussi
Le budget
Le rêve a toujours un prix, hélas ! En général les entreprises annoncent la couleur « avec de petites marges de manœuvres, » reconnaît Pascale Picard, manager Vertone, que les agences ont intérêt à ne pas dépasser. « Et avec ce montant, toujours revu à la baisse, on a intérêt à être le plus créatif possible » reconnaît de son côté Sophie Amsellem du Public Système. « Aujourd’hui souligne Annie-Claude Moira de SDT Voyage et Privilège, on a souvent affaire à la direction des achats des entreprises qui regarde les comptes à la loupe. Ils en veulent le plus possible pour un budget au ras des pâquerettes. Il est difficile de bloquer un budget à l’avance et d’assurer la même qualité un an après. Mais comme on veut les fidéliser, on n’a pas le droit à l’erreur et on fait tout pour respecter le budget ». Il est rare, mais cela arrive, qu’on dise seulement aux agences « soyez raisonnables », sans leur fixer de limites de prix pour ne pas freiner leur créativité. Dans le meilleur des cas, le client est prêt à payer l’idée en plus pour échapper à un voyage basique. Chacun sait qu’un budget trop serré ne peut pas être productif. « Par souci d’économie, raconte Mathieu Gufflet, une société avait envoyé ses collaborateurs quatre jours en Afrique du sud dont deux seulement sur place. Résultat : tout le monde est rentré déçu, fatigué donc démotivé et le retour sur investissement a été nul ! ».

La sélection de la prestation
Un bon incentive passe par une prestation inventive, précise et adaptée. « Les agences en compétition ont intérêt à faire des propositions suffisamment détaillées pour que les projets puissent être comparés, précise Pascale Picard, manager Vertone. Elles doivent démontrer leur capacité à faire des contre-propositions et des adaptations dans cette phase car le risque de l’entreprise est de choisir plusieurs mois à l’avance une prestation rigide. ». « On nous donne 10 jours pour penser à trois projets, regrette Sophie Amsellem du Public System et à ce niveau, nous devons déjà tout prévoir : la destination, le transfert en 4X4 ou en taxi, le cocktail au bord de la piscine, la boîte de nuit dans le désert ou le dîner délirant ». L’entreprise cible alors deux ou trois formats, clarifie ses attentes, gratte les prix poste par poste, jusqu’au nombre de bouteilles de champagne servies sur place. Les agences revoient leur copie et le budget est enfin arrêté. Le projet retenu sera celui qui offre la meilleure adéquation entre le brief de l’entreprise et les propositions de l’agence.
La destination
Séminaire à Rio de Janeiro avec survol en hélicoptère de la baie de Rio, survol de la Cappadoce en Montgolfière, safaris personnalisés et camps privatisés en Tanzanie, sport et aventure à la Réunion… Rien n’est trop loin ni trop beau pour satisfaire une force de vente. « Le choix de la destination est l’un des éléments d’un incentive réussi, témoigne Annie –Claude Moira de l’agence SDT. On ne va pas emmener des vendeurs de voitures et leurs épouses qui ne connaissent que les campings comme lieu de vacances, dans des hôtels dont le luxe risque de les écraser. On ne va pas faire subir des heures d’avion à des gens qui n’ont jamais quitté la France. En revanche si on a affaire à des V.I.P assez blasés, on va en rajouter dans les détails: originalité des lieux, excellence des repas et des hôtels ». « Aujourd’hui, les beaux voyages ont repris », dit encore Sophie Amsellem ». Si on va moins aux Antilles, les destinations lointaines comme l’Inde, l’Argentine, le Venezuela ou la Chine ont toujours la cote. Depuis quelques années, la durée des séjours a été réduite, car l’entreprise estime que ses cadres ont autre chose à faire que de buller sous les cocotiers. Pour éviter les temps de transports, les agences se tournent maintenant vers les pays transfrontaliers, l’Europe Centrale et même en majorité vers la France. D’après une étude récente de l’Anaé, 48% des opérations menées par les membres de l’agence ont lieu en France, dont 21% à Paris et en région parisienne. « Un week-end grand luxe à Nice, deux jours sur un circuit automobile, ou la tournée des châteaux du Bordelais valent n’importe quel séjour à l’étranger qui nécessiterait des heures de transport », assure Matthieu Gufflet.
La sécurité à tout instant
Ce goût pour la proximité répond également à un désir croissant de sécurité. Car aucun incident ne doit venir troubler le bon déroulement d’un voyage incentive. Aujourd’hui on pratique la politique du risque zéro.
« Nous devons nous comporter en spécialiste de l’affrètement, de l’hôtellerie, de la restauration, de l’animation et de la technique, confirme Sophie Amsellem. Pas de sports idiots. Nos équipes sont mêmes formées aux premiers soins d’urgence pour parer à toute éventualité ». Cette obsession est partagée par toutes les agences. « Nous éliminons d’emblée toutes les compagnies et les régions à risques, continue Annie Claude Moira. A nous d’anticiper les crises politiques, les coups d’état voire les tremblements de terre. De la même façon nous devons identifier les risques climatiques de chaque région. J’ai le souvenir d’un séjour à Saint- Martin dans Antilles organisé en novembre pour une grosse société pétrolière. Au lieu du soleil annoncé, il a plu pendant 3 jours et 3 nuits. L’entreprise nous a boudé pendant des années ».
Les 10 clefs d’un voyage incentive réussi
Le contenu
Mais quelle que soit la destination, c’est l’originalité et le contenu du séjour qui comptent. « Il faut offrir au client un voyage qu’il ne ferait pas lui-même » insiste Patricia Mongellas. L’installer sur une plage de rêve ne suffit pas. C’est ainsi qu’on va organiser un déjeuner sur la muraille de Chine, une fête des Mille et Une Nuits dans un riad de Marrakech, une balade en 4X4 autour de l’île de Majorque. Que ce soit dans le choix de l’hôtel ou des activités, tout est fait pour valoriser les participants. « En fait il faut les cocooner en permanence et les occuper non-stop, reconnaît Annie-Claude Moira, sans en faire des tonnes non plus. Trop d’activités peut être à l’origine d’un ratage, car les gens ont aussi besoin de souffler. La journée doit être rythmée, sans être harassante. Pas question de les faire monter dans un bus à 5h du matin ! En revanche, la demi-journée de shopping et l’open-bar sont incontournables ! ». Dans le cas où les sociétés souhaitent insuffler l’esprit d’entreprise au cours de leur voyage incentive, pour valoriser les échanges et créer une harmonie entre les collaborateurs, les activités diffèrent. Au cours de ces « team-building », on va organiser une chasse au trésor, un quizz, un match de foot, un challenge ou un raid, tout ce qui peut stimuler l’esprit d’équipe et l’envie de gagner. En revanche, on évite de mettre en difficulté des collaborateurs en cas d’épreuves sportives par exemple, pour ne pas les humilier.
La réactivité
Un avion en retard, des chambres d’hôtels non réservées, un bus qui ne vient pas, des trombes d’eau à l’heure du pique nique dans la jungle… Ces incidents mineurs peuvent bouleverser un voyage incentive. « Nous avions organisé une randonnée à chameaux et un bivouac dans le désert, se souvient Matthieu Gufflet. Seulement nous nous étions trompés de jour ! » « L’été dernier, se souvient Sophie Amsellem du Public System, nous devions organiser un dîner exceptionnel sur les ruines du théâtre de Carthage. Deux jours avant, l’autorisation nous a été refusée . Il a fallu trouver un autre site, aussi beau en quelques heures ! » Cette souplesse et cette réactivité doivent se manifester aussi au quotidien pour prévenir les désirs des clients confrontés à des problèmes particuliers : un retour anticipé, une maladie, un changement d’activité. Mais il y a plus grave : un coup d’état, un accident, des attentats ou des élections qui tournent mal comme récemment au Kenya. « Le fameux 11 septembre 2001, raconte encore Sophie Amsellem, nous venions de remettre dans l’avion pour New York un groupe d’Américains après un merveilleux voyage en Europe. L’avion a fait demi-tour et nous avons dû accueillir à nouveau ce groupe pour lequel rien n’était prévu, pendant une semaine. Dans tous les cas, nous devons savoir retomber sur nos pieds »

Les petits plus
Ah les petits plus ! C’est sur eux que repose la réussite globale du voyage. Ce peut être de l’attention permanente, pas forcément ostentatoire, car personne ne veut être materné, mais discrète, efficace. « Il faut savoir dégoupiller les tensions et les jalousies, témoigne encore Annie-Claude Moira. Dans les groupes, il y a toujours des inquiets qui s’infantilisent complètement. On se rapproche d’eux jusqu’à ce que le malaise disparaisse. Il y a toujours quelqu’un de l’agence présent sur le voyage, mais à l’inverse d’un tour opérator, on suit, on ne dirige pas. » Les petits plus, ce sont aussi ces surprises agréables qui ponctuent un séjour : le cadeau dans la chambre, la coupe de champagne frappé au coin d’une dune, la bourriche d’huîtres apportée pour un pique nique dans le désert à des clients bretons, les guides personnalisés, la gandoura offerte pour le dîner en blanc, les photos du séjour. Des moments agréables qui vont générer une bonne ambiance, clef de voûte d’un incentive réussi. « Quand je vois des étincelles dans le regard des clients, je sais qu’on a gagné, conclut Sophie Amsellem. »
« Donner de la valeur au temps »Frédéric Bedin, président de l’Anaé, association des agences nationales de communication événementielle
Voyage et Business : Le voyage incentive a t-il encore de beaux jours devant lui ?
Frédéric Bedin : Ce marché progresse de 10% par an et représente 15% de l’activité d’une agence d’événementiel. Mais le voyage « récompense » est en train d’évoluer : offrir une semaine sur la plage à des clients n’a plus grand sens. Quitte à partir en vacances, chacun préfère y aller en famille ou avec des copains plutôt qu’avec des collègues de travail. Pour faire vraiment plaisir au client, on doit lui offrir des opportunités qu’il n’a pas tout seul. Hier c’était chic d’aller loin, aujourd’hui les gens considèrent que c’est une perte de temps. Ils ne supportent plus de gaspiller des heures en avion ou en attente dans les aéroports. On tend vers des voyages plus courts et plus denses. L’exceptionnel doit être à la base d’un voyage incentive. Le jet privé remplace le long courrier, la côte d’Azur les Seychelles. Il ne s’agit pas simplement de les inonder de luxe mais de reconnaître la qualité de leur travail. Leur faire perdre du temps, c’est les mépriser. D’où l’intérêt de voyages plus proches, d’où l’intérêt d’événements forts à proximité. Aujourd’hui, sur 6000 manifestations annuelles, la moitié a lieu en France.
V et B : Que va devenir le voyage ?
F.B. : L’avenir est au voyage d’entreprise C’est un élément important de formation. On travaille aujourd’hui dans un système de mondialisation et les entreprises doivent faire circuler leurs collaborateurs. A l’ère du travail à distance, il est nécessaire que les gens se rencontrent physiquement. On crée des prétextes de rencontres, par petits groupes, autour de réels pôles d’intérêt. On visite une usine, une exploitation, on fait connaissance. C’est plus valorisant et on ne perd pas son temps.