Les 4 freins à l’innovation dans le voyage d’affaires

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Spécialiste du voyage d'affaires, bloggeur réputé sur le sujet, intervenant écouté dans la plupart des grandes conférences internationales, Scott Gillespie fait partie de ces auteurs qui font en permanence évoluer la réflexion. Exemple avec cette chronique consacrée aux innovations dans le travel management.

Les 4 freins à l’innovation dans le voyage d'affaires
L’époque en or durant laquelle l’industrie du voyage innovait à tour de bras date d’une décennie. Depuis, nous constatons un manque cruel de développements majeurs. Quatre barrières justifient cet arrêt.

Barrière N°1: L’héritage culturel des GDS qui ne pensent que “lignes et colonnes”
Les GDS (Global distribution Systems comme Sabre, Amadeus…) sont les membres les plus influents, mais également les plus contraignants, de la chaine de valeur du voyage. Leurs produits et comportement envers la technologie liée aux voyages ont conduit la plupart, pour ne pas dire tous, des fournisseurs, agences et acheteurs voyages à réfléchir sur l’environnement technique des voyages pour le meilleur et pour le pire.
Malheureusement, ces produits ne répondent pas aux besoins émergents des marchés (en particulier, les besoins des fournisseurs et agences). Un exemple simple : les politiques commerciales des compagnies aériennes ne sont pas transposables dans les grilles tarifaires des GDS (affichage des tarifs dégroupés, classes nouvelles ou services nouveaux…).

Barrière N°2: Les agences de voyage (TMC) ne sont pas orientées “innovation”
Au lieu de cela, elles se positionnent en intégrateurs de solution. Effectivement, l’intégration de solutions à une réelle valeur ajoutée étant donné qu’elles délivrent un service clé en mains. Toutefois, le frein à l’innovation est dû au fait que les TMC focalisent sur trop de problèmes à la fois. Pour quelle raison ? Simplement parce qu’une compréhension totale des points difficiles est un facteur clé dans la réussite d’une implémentation de solution. Personne n’est capable de rivaliser avec les méga TMC pour lister autant de freins ou de points négatifs.
S’il y avait une façon de penser qu’il faudrait justement faire évoluer, ce serait bien celle-ci. Ce n’est pas à cause d’un manque d’opportunité mais plus par la combinaison d’un manque de niveau ou de volonté.

Barrière N° 3: La frilosité des acheteurs Corporate du voyage
Les acheteurs ferment souvent leurs portes aux pourvoyeurs d’innovation car ils ne veulent pas prendre le risque de lancer une nouvelle technologie, souvent peu stabilisée, sans avoir une vision "sécurisée" du futur de cette innovation. Nos acheteurs ont tendance à évaluer les risques et avantages de ces nouveaux produits pour, au final, choisir les solutions sécurisées et fiables... souvent déjà vieillissantes sur le marché. Dommage, car les innovations sur ces produits technologiquement dépassés sont justement à la base de problèmes complexes, difficiles à gérer.
Sans marché et débouché, l’innovation est morte. Si tous les acheteurs attendent que l’un des leurs s’engage sur le plongeoir et saute, nous risquons fort de voir une piscine vide de tout occupant…

Barrière N°4: Pas d’orientation innovation
C’est certainement la barrière la plus contraignante. Ce manque de désir d’innover alors que les opportunités sont là est catastrophique. Les cerveaux et leurs dirigeants ne prennent pas le taureau par les cornes.
Tout tourne encore autour des compétences. J’entends par là «Le process utilisé pour mettre en exergue des problèmes et trouver les solutions qui permettent leur contournement». Les moyens politiques sont également en cause. Ils sont mêmes devant les moyens financiers qui, de toutes façons, existent chez les GDS et les TMC.
Les acheteurs voyages Corporate sont aussi en cause. Ils doivent avoir des discussions plus poussées avec les fournisseurs pour communiquer sur leurs attentes et leurs volontés.

J’ai récemment entendu une histoire à propos d’un voyageur, employé d’une banque bien connue, qui demandait à un acheteur si ce dernier serait intéressé par un rapport sur les nuitées de ses voyageurs grâce aux données des cartes de crédit. Ce dernier à aussitôt dit “Oh oui, ça serait super !”. "Et combien seriez vous prêt à payer pour un tel service", demanda le commercial. “Ben rien. Vous devez nous donner les informations gratuitement, non ?”, répondit l’acheteur.

Si l’histoire s’arrête ici, alors honte au deux car un problème a été identifié, une solution abordée sommairement mais rejetée par l’acheteur. Et dire que nous continuons à nous demander pourquoi l’innovation patine…

Scott GILLESPIE