Les Assises du Transport Aérien, où en est-on ?

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Nous sommes au milieu de l’exercice qui a été lancé au mois de mars. Si j’ai bien suivi, les conclusions des groupes de travail doivent être rendues pour le mois de juillet et les décisions relatives au transport aérien rendues au mois de septembre.

Signalons tout d’abord la très bonne ergonomie du site créé à cette occasion. Il est clair, facile à utiliser et il permet à tout un chacun de s’exprimer. Par contre il ne donne pas accès, tout au moins je ne l’ai pas vu, aux travaux en cours des divers ateliers dont je rappelle les thèmes :
  • performance économique des acteurs du transport aérien,
  • performance au service des territoires
  • performance environnementale
  • performance et innovation au service des passagers
  • performance sociale.
Le sujet est tout de même relié à la protection du pavillon français dont il faut rappeler la perte régulière de parts de marché sur le territoire national et la quasi incapacité à conquérir des positions à l’extérieur de la France alors que la Grande Bretagne, l’Allemagne, voire la Turquie, sans compter les états du Golfe sont devenus très performants dans ce genre d’exercice.

Revenons un instant que le premier atelier : la performance économique. Chacun conviendra qu’il s’agit tout de même du sujet essentiel si on veut préserver un outil de transport aérien national performant. Au sein de ce sujet, il y a un colloque intitulé « droits de trafic : objectifs et enjeux ». Je n’en connais pas les conclusions, ni la teneur des débats. Par contre, si je suis bien informé, les compagnies étrangères et particulièrement celles du Golfe étaient exclues de cette session. En conséquence, j’imagine que les discussions, s’il y en a eu, se sont déroulées entre les autorités et les compagnies françaises. Petite question : quelle est leur valeur si d’emblée les transporteurs qui représentent la majorité du marché français ne peuvent pas être entendus ? A ne pas écouter les arguments des parties adverses on s’expose à faire de l’autosatisfaction, et c’est bien là l’un des défauts majeurs de notre pays. Nous sommes trop vite contents de nous-mêmes et nous avons une fâcheuse tendance à nous comparer à de moins bons que nous, et il y en a certainement.

Les Assises du Transport Aérien sont une très bonne initiative. Mais quelle sera la valeur des recommandations si elles ne prennent pas en compte l’environnement concurrentiel ? Pourquoi les compagnies françaises perdent-elles régulièrement des parts de marché sur leur territoire naturel ? La réponse est très simple : c’est que les clients choisissent de préférence les compagnies étrangères. Il faut alors se poser la seule question qui vaille : pourquoi des Français choisissent-ils délibérément des transporteurs étrangers, si ce n’est parce qu’ils y trouvent un meilleur rapport qualité-prix ?

On pourra toujours freiner l’accès au marché français en poursuivant la limitation administrative du nombre de vols à Orly ? Cela ne correspond à aucune nécessité environnementale, quoi qu’on dise, mais uniquement à la protection de la compagnie nationale en empêchant les compagnies low cost d’obtenir les slots qui permettraient leur développement, souhaité d’ailleurs par les clients. On pourra toujours limiter les droits de trafic aux compagnies indésirables, je veux parler des transporteurs du Golfe. Mais alors à qui vendra-t-on les Airbus, si on empêche les acheteurs de les exploiter ? Tim Clark, le CEO d’Emirates, a très récemment d’ailleurs menacé Donald Trump d’annuler son énorme commande de Boeings si sa compagnie se voyait limiter l’accès aux États Unis.

Il faut certes mettre les transporteurs français en mesure de soutenir une concurrence féroce en leur enlevant les surcharges dont ils sont affublés par rapport à leurs concurrents. Cela ne suffira pas. Ils devront aussi faire les efforts nécessaires pour être capables de proposer aux clients un rapport qualité-prix au moins équivalent à ce que l’on trouve de mieux sur le marché. Voilà l’enjeu des Assises du Transport Aérien. Si les conclusions consistent à pointer une nouvelle fois les facilités dont pourraient bénéficier les concurrents extérieurs : low costs ou autres sans proposer une stratégie efficace et à long terme, les Assises auront été une perte de temps.

L’Etat doit prendre ses responsabilités. Il doit être capable de coordonner les activités des aéroports et de leurs accès, des systèmes de sûreté et bien entendu du contrôle aérien. Mais si son rôle consiste finalement à tenter de mettre le transport aérien français sous la tente à oxygène, comme cela se passe depuis des années avec la compagnie nationale, il rendra un bien mauvais service à ce formidable secteur d’activité.

Jean-Louis BAROUX