Les TMC ont-elles réellement besoin d’être innovantes ?

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La presse spécialisée américaine guette avec intérêt les annonces que devrait faire rapidement American Express Global Travel en matière d’innovation. Les premiers pas technologiques de la joint-venture tardent à venir et les investissements de 900 millions de dollars semblent encore dans les cartons. Mais Amex est loin d’être réellement en retard si l’on regarde ce que proposent les concurrents.

Par définition, le rôle d’une agence de voyage est de répondre aux besoins des clients en matière de déplacements professionnels. Lapalissade ? Pas tout à fait car la montée en puissance des nouvelles technologies a créé naturellement deux points d’entrée : le On et le Off Line.
Pour le Online, l’agence joue principalement un rôle de go-between en intégrant des solutions simples où le partage des frais d’émission récoltés se fait au prorata des accords signés avec les éditeurs de solution. Le client, lui n’en sait rien. CWT, actionnaire de KDS, a toujours privilégié la solution française, y compris aux États Unis. Même Egencia qui s’est développée sur la notion de « maîtrise totale de la technologie » n’a pas finalement engrangé d’avancées majeures avec le rachat de Traveldoo. Seule 3mundi fait des efforts pour rester dans la veille technologique active avec prochainement une solution d’open booking, sans doute comparable à celle de Concur avec AirBnB. D’autant que le « online » sur mesure, n’existe pas vraiment. Si le paramétrage est plus ou moins fin selon la solution, le besoin des acheteurs, et pire celui des utilisateurs, est loin de toujours coller à la finalité souhaitée. «Une base unique de développement ne peut pas s’adapter aux envies souvent mal exprimées des agences» remarque Jean-Jacques Bessière, anciennement responsable de la commission technologie chez Selectour Afat. Une vision d’une rare justesse car l’équilibre entre envies et réalité n’est jamais facile à trouver.

La question qui se pose est simple : le rôle d’une TMC est-il d’être à la pointe de la technologie ? Pour Scott Gillespie qui évoque fréquemment le sujet sur son site, «C’est l’imagination qui seule peut donner des atouts à une agence de voyage». Mais d’ajouter immédiatement «tout comme elle doit le faire au sein d’une entreprise». On a pu le constater à AirPlus, la frilosité des acheteurs reste le frein majeur à l’intégration de solutions nouvelles en matière de voyage d’affaires. Une affirmation à moduler en fonction de la taille des entreprises. Plus la structure est petite, plus elle est agile et futée. A la clé, il y a des économies sensibles qui permettent d’augmenter le nombre de déplacements. Enfin, la part grandissante de la mobilité est un danger. Si les outils sont indispensables pour le voyageur, ils restent difficiles à comprendre pour l’acheteur. On le voit bien avec les applications proposées sur Smartphone. Elles évoluent lentement même si l’on sait qu’une fois l’achat en ligne et la validation intégrées, on aura atteint le bout d’un chemin ou tout autre service tiendra du gadget.

A quoi doit ressembler l’innovation dans le voyage d’affaires ? Pour Georges Rudas, le patron d’Amadeus «à faciliter le quotidien du voyageur et de son acheteur». Certes mais encore : «A fournir les informations les mieux adaptées au déplacement». Deux règles simples et évidentes que l’on a souvent tendance à oublier et qui viennent généralement se rappeler aux acheteurs lors des appels d’offres. D’autant que le travel manager est loin d’être le seul décisionnaire des outils qui seront implantés ou développés dans l’entreprise. On a vu des projets défendus par des pros du voyage, balayés d’un revers de main par les financiers. Économie ne rime pas toujours avec qualité ou efficacité. Il reste donc à définir, avec réalisme, ce que la TMC peut très concrètement apporter de plus à ses clients ? A en croire le marché, la bataille des coûts pilote désormais l’innovation. Et si c’était le seul enjeu à suivre ?

Pierre Barre