Les « cocus » de l’aérien pourraient bien se compter rapidement

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En quelques années, les accords de ciel ouvert se sont multipliés dans le monde. Le dernier en date, signé entre le Japon et les États-Unis plus de 60 ans après la fin du conflit qui les opposa, démontre le besoin évident de liberté attendue par les grandes compagnies aériennes. Si l'on ajoute à ces contrats nationaux les fusions et accords économiques divers et variés, on comprend mieux en regardant une carte du monde qui pourrait bien être les vainqueurs et les vaincus de la bataille commerciale qui s'annonce.

En lisant l'article publié en fin de semaine dernière dans le New York Times, qui faisait état de la situation aérienne actuelle, on arrive à se faire une idée de ce que pourrait être demain le transport aérien. Le journaliste n'hésite pas d'ailleurs à parler de "maris triomphants et de cocus inattendus". Il est vrai, même si l'on ne s'en rend pas compte aujourd'hui, que les regroupements de compagnies poseront très rapidement le problème du monopole que certains pays pourraient avoir sur des liaisons essentielles à leur économie nationale. On le voit bien en Europe avec d'un côté un monde anglo-saxon très présent entre l'Europe et les États-Unis et de l'autre des compagnies européennes qui continuent à s'opposer faute de pouvoir s'entendre. Ajoutons à cela le jeu des alliances dont la finalité est d'optimiser l'offre commerciale et on aura le décor d'une pièce de théâtre qui ne devrait pas commencer avant quelques années.
Ce n'est pas par hasard que dans certains pays du golfe, on évoque l'idée de se rapprocher de compagnies capables d'apporter la croissance externe attendue ces prochaines années. Car plus le ciel va s'ouvrir, plus la taille deviendra un atout pour répondre aux enjeux économiques du transport aérien. Les experts qui se sont exprimées ces dernières semaines sur le sujet ne cachent pas qu'il y aura deux univers bien distinctes : la low fares, aux tarifs accrocheurs, sorte d'autobus du ciel dépouillé au maximum des services attendus par le voyageur et que le rayon d'action de deux ou trois transformera en autobus du ciel. L'autre, construit autour d'une flotte de grande importance assurera de fait le même service sur le long courrier avec des appareils à capacité variable en fonction des charges attendues sur les vols. Et les autres ? Les petits, ces compagnies qui aujourd'hui exploitent moins d'une centaine de lignes au départ de la capitale nationale de l'État qu'elles représentent. A moins d'être absorbé, comme l'a fait la Lufthansa avec Swiss ou Austrian, leurs jours sont comptés. Exemple concret avec le dilemme du gouvernement Portugais qui hésite toujours à privatiser la TAP même si les politiques savent que le mouvement est inéluctable.
Faut-il ouvrir le capital, se rapprocher d'une autre compagnie plus importante ? Bien malin qui a la juste réponse. A en croire les experts de l'OACI, il y aurait aujourd'hui plus d'une centaine de compagnies intermédiaires vouées à se regrouper, à se faire absorber ou à disparaître. Sans doute ces fameux cocus de l'aérien.

Marcel Lévy